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Roman

Par bonheur le lait, Neil Gaiman

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 09 Avril 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Arts, Au Diable Vauvert, Jeunesse

Par bonheur le lait, novembre 2015, trad. anglais Patrick Marcel, illust. de Boulet, 112 pages, 12,50 € . Ecrivain(s): Neil Gaiman Edition: Au Diable Vauvert

 

Neil Gaiman (1960) fait partie des plus grands conteurs contemporains, et compte parmi ses admirateurs pas moins que Stephen King. On peut rappeler qu’il collabora le temps d’un roman avec un autre gigantesque conteur anglais, feu Terry Pratchett : c’était De Bons Présages (1990) et tant nos zygomatiques que notre capacité à l’émerveillement ne s’en sont pas encore remis. Dans l’œuvre de Gaiman, on trouve de la fantasy, du fantastique, de l’héritage gothique, de sublimes nouvelles, des romans graphiques – de tout, tant que ça transporte ailleurs, que ça fait fonctionner les neurones « imaginant » à plein rendement. Et ceci à tout âge, puisque Gaiman écrit aussi pour la jeunesse, même si de façon parfois quelque peu dévoyée : Coraline, sublime de noirceur, ou encore L’Etrange vie de Nobody Owens, un roman d’apprentissage littéralement fantomatique.

Avec Par bonheur le lait illustré en français par Boulet (mais par Skottie Young dans la version originale), Neil Gaiman revient à la littérature de jeunesse, voire quasi à destination des enfants. Disons, de grands enfants, à l’image de ceux de ce bref roman : huit, dix ans maximum, une fille et un garçon. Leur maman étant « partie à une conférence », ils sont seuls avec leur papa, à qui a été laissée une longue liste de consignes qu’il est capable de réciter par cœur, de ne pas oublier « de conduire les enfants à la répétition de l’orchester, samedi » à donner « à manger aux poissons rouges ».

À l’ombre des patriarches, Pierre Pouchairet

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Vendredi, 08 Avril 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Jigal

À l’ombre des patriarches, février 2016, 292 pages, 19 € . Ecrivain(s): Pierre Pouchairet Edition: Jigal

 

Retour en janvier 2016 à Jérusalem et en Cisjordanie pour le dernier roman de Pierre Pouchairet. Retour également de Guy et Dany, les deux inspecteurs de la police judiciaire israélienne aux origines pied-noir, et de Maïssa, la jeune flic franco-palestinienne, trois des principaux héros d’Une terre pas si sainte, qui vont devoir collaborer à l’occasion de deux enquêtes. Deux affaires qui démarrent de manière indépendante et vont finir par s’imbriquer. Pourtant le prologue se situe en Afghanistan à Kaboul en 2012, lors de l’attaque par des terroristes d’un hôtel fréquenté par des Occidentaux. Rien à voir ? C’est mal connaître le talent de Pierre Pouchairet.

Ceux et celles qui ont déjà lu les romans policiers de l’auteur savent qu’il bâtit ses fictions à partir de sa propre expérience professionnelle au Moyen-Orient. Ici, chaque page de ce nouvel opus est une descente aux Enfers et apporte un éclairage saisissant sur les « ir-relations » entre israéliens et palestiniens.

Le miel, Slobodan Despot

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 05 Avril 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Folio (Gallimard)

Le miel, novembre 2015, 151 pages, 6,40 € . Ecrivain(s): Slobodan Despot Edition: Folio (Gallimard)

 

Qu’est-ce que le miel ? Sinon ce produit qui guérit, adoucit, réconforte. Symbolique ou produit réel, Slobodan Despot le livre ici comme trait d’union.

Dans ce pays éclaté qu’est l’ex-Yougoslavie, où les hommes ne se comprennent plus, ce pays si découpé que des frontières poussent au gré des coups de main ou des opérations de telle ou telle ethnie, dans ce pays dévasté, il semble qu’il ne reste plus personne de sensé : « Des graffitis sardoniques, irréels, ornaient les murs, tracés par les deux camps au fil de leurs avancées et de leurs reculades » (p.74).

Dans la Krajina, un vieil homme, Nikola, ancien instituteur devenu apiculteur se tient loin des combats, et du haut de la montagne, dans la cabane rustique où il passe le plus clair de son temps, il entend les bruits de la guerre, en bas dans la vallée où il n’y a plus âme qui vive. Sa famille a fui devant les Croates, l’oubliant dans la débâcle.

Dans le passage un pope, Lev Nikolaïevitch Petrov-Blanc

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 04 Avril 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie, Editions Louise Bottu

Dans le passage un pope, février 2016, trad. du russe par Pauline J.A. Naoumenko-Martinez, 120 pages, 14 € . Ecrivain(s): Lev Nikolaïevitch Petrov-Blanc Edition: Editions Louise Bottu

 

« Il porte l’uniforme, aussi. Bleu. De ce bleu qui tire sur l’espoir. Tant de manières pour parler de lui se télescopent, se contredisent, lui c’est un souvenir. Autant dire un leurre ».

Dans le passage un pope est un leurre, un appât, et le lecteur, telle une palombe, s’y laisse prendre, y perdant quelques plumes – ses certitudes littéraires –, et parfois plus. Tout roman qui se joue et s’amuse du roman procède ainsi, d’une invitation joyeusement trompeuse c’est, à bien y regarder, ce que fait ce pope dans son passage. Il traverse la ville enneigée, pour s’engager dans le passage, ce confessionnal, cette galerie où se glissent des moscovites plus ou moins égarés, perdus, cassés, énervés et rieurs, des clébards en veux-tu en voilà, des bidasses, un unijambiste et une femme à l’imperméable. Un théâtre de l’absurde se dévoile, et on ne peut douter que Petrov ait lu Beckett, Boulgakov et Pérec, et si l’écrivain des joyeuses contraintes nous a dévoilé Paris, et une langue gourmande, Petrov éclaire Moscou et ses vagabonds avec tout autant de plaisir, il donne, si l’on peut dire, sa langue au pope.

Mouvement, Philippe Sollers

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 02 Avril 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Mouvement, mars 2016, 240 pages, 19 € . Ecrivain(s): Philippe Sollers Edition: Gallimard

 

« Formé, tissé, façonné, brodé, inscrit, tracé, coup d’archet dans les profondeurs, étoffe, squelette, musique. Ce Dieu me convient, il voulait que je naisse. Je veux bien l’appeler Iahvé, mais il ne me commande rien, il me protège, il me sauve, c’est un roc, un rocher, un rempart, il détruit mes ennemis au dernier moment, il me tire du bourbier et de la fosse commune, il me ressuscite, il m’aime ».

Quel est ce mouvement toujours surprenant qui anime les grands romans ? Quelle est cette source, ces sources qui les nourrissent ? D’où viennent ces livres de grâce qui étonnent par leur foisonnement, leurs éclats, leurs parfums ? Tant de questions que l’on se pose parfois en lisant ces romans qui tranchent avec ce qui s’écrit ici et là, ces livres qui traversent le siècle, nourris de tous les siècles passés. Point de nostalgie dans Mouvement, mais une fidélité au passé mis au présent, au présent plus-que-parfait, au mouvement du futur-antérieur. Pas étonnant alors que l’écrivain bordelais ait un œil en Dordogne, l’autre en Chine, une oreille chez Rimbaud, l’autre chez Hegel, la troisième chez Bataille, une autre dans la Bible (on ne compte plus les oreilles dont est doté l’écrivain). Comme il sait lire, écouter, entendre ce qui s’écrivait, et qui s’écrit, ce qui se peignait et se peint, son roman est un puissant aimant qui tourne dans la nuit, et évite d’être consumé par les flammes de l’Enfer.