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Recensions

Liv Maria, Julia Kerninon (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 30 Mars 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Liv Maria, mars 2022, 240 pages, 8,20 € . Ecrivain(s): Julia Kerninon Edition: Folio (Gallimard)

Portrait de femme ; une de plus dans le carquois de Julia Kerninon, son écriture lumineuse, ses récits portés hauts, battant à tous les vents, océans, territoires. Femme encore, à part, mais libre toujours, quel que soit le prix, et l’itinéraire.

Liv, qui signifie « vie » en norvégien, le pays de son père, et Maria, car au pays breton de sa mère, il fallait protéger de la noyade, par le nom de la madone, tout enfant qui naissait. Il était une fois, donc, dans une île, une petite fille… Abandonnée des siens, ou persécutée par l’ogre, comme dans les contes ? Surtout pas, « voulue, appelée à tue-tête » par son père, lecteur d’histoires, qui « lui apprendra à lire », et sa mère, Mado, une héroïne comme dans les livres, qui lui « apprendrait la dureté, le silence ». Une enfance iodée, avec un « corps pour la pêche, pour la nage ». Un jour, à 17 ans, il y eut « l’homme… Liv Maria avait voulu crier, mais sa voix était restée coincée dans sa gorge… ». Ses parents l’envoient à Berlin, par sécurité, dans la famille, pour ses études ; peu de temps après, un accident de voiture fauche ses deux parents ; « plus jamais sa mère, plus jamais son père, plus jamais la vie qu’elle avait avec eux ». Fin (mais on verra que la déclinaison du mot fin chez Liv est particulière) de la première époque.

Sigila n°48, Revue (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 28 Mars 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Revues

Sigila n°48, Revue, éditeur Gris-France, février 2021, 211 pages, 17 €

 

Rappelons-le, Sigila est une revue biannuelle transdisciplinaire franco-portugaise sur le « secret ». Ce numéro 48, couvrant la période automne hiver 2021, a pour thème la « vengeance ».

La vengeance est un thème universel. De l’Antiquité à nos jours, on en trouve de nombreux exemples, que ce soit celui d’Achille tuant Hector pour venger la mort de Patrocle, celui d’Hamlet vengeant son père où bien encore ceux fameux de Monte-Cristo ou de Colomba. Hana Yanat et Abbas Torbey les évoque dans leur article servant d’introduction à la revue, dans lequel ils soulignent que, malgré les progrès de la civilisation humaine et le recours au droit positif, la notion de vengeance hante toujours nos inconscients.

Pour sa part, Michel Erman, professeur à l’université de Bourgogne, se penche sur le cas de Julie Kolher (la bien nommée ?), l’héroïne du film La Mariée était en noir, de Truffaut, qu’il nous présente comme une « moderne et mélancolique Médée » lorsqu’elle assassine les cinq hommes qu’elle prend pour responsables de sa douleur et de la mort de son mari. Le but d’Erman est de souligner le lien de parenté qui existe bien souvent dans les actes de vengeance.

Rue des fleurs, Jean-Michel Maulpoix (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 24 Mars 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Mercure de France

Rue des fleurs, Jean-Michel Maulpoix, Mercure de France, février 2022, 88 pages, 10,50 € . Ecrivain(s): Jean-Michel Maulpoix Edition: Mercure de France

 

Près de cinquante livres : vingt-cinq livres de poésie et presque autant d’essais ; sur le lyrisme, sur « les mots de la poésie », sur Verlaine.

Le poète est aussi professeur d’université, spécialiste du lyrisme et grand connaisseur des poètes contemporains de premier ordre.

Je retrouve dans ce beau livre de poèmes, les grandes qualité de regard et de scansion qui m’avaient déjà tant frappé dans Le Voyageur à son retour, ou L’Hirondelle rouge.

L’écriture instille une mélancolie douce et prenante à l’égard du réel frôlé, ressuscité, au fil des saisons, au gré des images de rues ou de banlieue « pauvre ». Tout en s’interrogeant sur son art, sur cette « fonction » du poète dans un monde devenu sans regard, Maulpoix déploie, en de brefs poèmes – il affectionne le douzain –, une vision d’un monde perdu, qu’il faut sauvegarder de l’oubli.

La cité de mon père, Mehdi Charef (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 18 Mars 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman

La cité de mon père, Mehdi Charef, éditons Hors d’atteinte, août 2021, 144 pages, 16 €

 

Ce septième roman de l’auteur est un cri d’écriture et de vie, lancé par un adulte qui est resté l’enfant algérien de là-bas, qui continue d’évoquer le pays quitté pour l’exil.

Arrivé en France avec sa famille, huit enfants dont l’une, Amaria, restée au pays, en terre familière, Mehdi a connu les cités de transit, la laideur et la misère du bidonville de Nanterre.

Un jour, ce fut un autre décor, avec salle de bain et eau courante, « la cité de mon père », un fameux changement.

Dans ce roman-récit autobiographique, l’on sent sans cesse cette ferveur du fils pour le père, qui connaît dans le corps les tressaillements du marteau-piqueur, pour la mère, courageuse. Rien n’est faux dans cette description des années noires, du rappel incessant des heures d’Algérie, du temps des colons et de la guerre meurtrière.

Les villes de papier, Une vie d’Emily Dickinson, Dominique Fortier (par Jacques Desrosiers)

Ecrit par Jacques Desrosiers , le Jeudi, 17 Mars 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Biographie, Grasset

Les villes de papier, Une vie d’Emily Dickinson, Dominique Fortier, septembre 2020, 208 pages, 18,50 € Edition: Grasset

 

Dominique Fortier nous fait découvrir une Emily Dickinson attentive presque sensuellement au monde à la portée de son regard : son jardin, un nid de brindilles, l’érable devant sa fenêtre, le blanc immaculé de ses robes, effacés à l’occasion par la voix inopportune d’un visiteur au rez-de-chaussée. Cette femme qui finira par se cloîtrer dans sa chambre, ne voulant plus voir personne sauf ses proches, Les villes de papier ne la présente pas comme une recluse attendant d’être délivrée par quelque expert en psychose (la légende a d’ailleurs exagéré sa réclusion), mais comme une écrivaine qui a donné sa vie à la poésie, sans même se soucier de publier les centaines de poèmes qu’elle jetait dans le tiroir de sa commode. Elle a choisi de vivre à l’écart non de l’ordre social, mais de la société. C’est la ligne de force sur laquelle avance la prose délicate de Dominique Fortier : dédramatiser la solitude d’Emily Dickinson.