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Recensions

Reine de cœur, Akira Mizubayashi (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Mercredi, 06 Avril 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard

Reine de cœur, mars 2022, 235 pages, 19 € . Ecrivain(s): Akira Mizubayashi Edition: Gallimard

Reine de cœur est un roman dont l’articulation est musicale : cinq mouvements, à l’instar d’une symphonie ou d’un concerto. Il met en scène Jun Mizukami, un musicien, altiste, étudiant au Conservatoire à Paris dans l’avant-guerre, et Anna, jeune femme se préparant à devenir institutrice. Nous sommes en 1939, et le conflit sino-japonais connaît alors ses phases les plus sombres telles que l’occupation de la Mandchourie, ou celle des villes du sud de la Chine. Anna tomba amoureuse de Jun, en raison, bien sûr, de leur penchant commun pour la musique, de l’amour de Jun pour la langue française. L’auteur Akira Mizubayashi illustre ce que l’amour d’Anna a de protecteur pour Jun. Le départ de ce dernier est prévu pour Yokohama, port militaire qui l’emmènera sur le front, vers l’Extrême-Orient occupé par l’armée nippone.

Des citations du journal de Jun, ses correspondances font état d’un déchirement moral, d’une honte de participer à ce qui ne s’appelle pas encore des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité : « Un pays en proie à la force belliciste, au désir d’expansion coloniale, à la politique d’un État militarisé obligeant tout un chacun à suivre corps et âme la voie des sujets désignés par l’empereur, forçant ainsi toute raison et tout esprit critique à s’effacer, à se taire complètement et durablement ».

Fulgurances, Poésie minimaliste, Marcel Peltier (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Lundi, 04 Avril 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Editions du Cygne

Fulgurances, Poésie minimaliste, février 2020, 50 pages, 10 € . Ecrivain(s): Marcel Peltier Edition: Editions du Cygne

Dans la collection Poésie francophone/Wallonie, ce recueil de Marcel Peltier est une illustration intéressante de ce qui semble être son art singulier : le poème minimaliste. Dans leur quasi-totalité, les textes brefs présentés ici se réduisent à deux vers. Certains même ne sont constitués que d’une courte ligne. Le titre en définit précisément l’impact attendu : chaque composition apparaît en effet, tant visuellement que sonorement, comme un éclair, une étincelle, une détonation, un immédiat crépitement, une vision éphémère.

« les sentiers

marchent comme des flambeaux »

Paradoxalement, il convient qu’à chaque jet, aussi prompt qu’il soit de prime lecture, le lecteur s’arrête, ou revienne ultérieurement, et goûte l’escarboucle, qu’il en fasse rouler dans sa tête, ou oralement, dans sa gorge et sur sa langue, à la fois l’éclat et la sonorité, et qu’il en soupèse, devine, invente, s’approprie les sens, qu’il en distingue et dégage l’essence, dans ses multiples fragrances.

Pourquoi aurais-je survécu ?, Edith Bruck (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 01 Avril 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Italie, Rivages poche

Pourquoi aurais-je survécu ?, Edith Bruck, janvier 2022, trad. italien, René de Ceccatty, 128 pages, 8,50 € Edition: Rivages poche

 

En cette année de 77ème commémoration de la libération du camp d’Auschwitz, plusieurs publications permettent d’évaluer la tragédie : Auschwitz, ville tranquille, de Primo Levi, Le Pain perdu, d’Edith Bruck, et ses propres poèmes sur le camp d’extermination et ce qui a suivi.

Agée de 91 ans, Edith Bruck vit toujours et voit rassemblés ses poèmes de diverses époques.

La question du titre, incisive, quand on a perdu la moitié de sa famille dans les camps, trouve plusieurs réponses : la vie miraculeuse après les pertes, la volonté de témoigner en dépit de tout, la survie en poèmes et en actes, etc.

La poète, à côté de nombreux récits et témoignages, veut ici inscrire en poèmes forts, incisifs et brûlants, sa vision, par l’adulte, par la petite fille qui a vécu cela, par la force d’une mémoire intacte et intègre pour rameuter tout : les visages de ses proches, la dureté des temps, la mère, Dieu, le complice que fut son mari Nelo, lui aussi disparu.

Jours d’orage, Kressmann Taylor (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 01 Avril 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Autrement

Jours d’orage, mars 2022, 284 pages, 10 € . Ecrivain(s): Kathrine Kressmann Taylor Edition: Autrement

 

Est-il possible de surmonter le désir de vengeance, la volonté d’exercer des représailles jugées légitimes, surtout lorsqu’il s’agit de crimes de guerre ? Kressmann Taylor, dans le roman Jours d’orage tente d’apporter une réponse à cette question qui a occupé très longuement les débats politiques et historiques de l’après-guerre et dont l’ombre plane encore de nos jours dans nos controverses nationales.

Kressmann Taylor, on s’en souvient, avait admirablement illustré les changements de perception de deux interlocuteurs, l’un résidant dans l’Allemagne nazie, l’autre à l’étranger, dans la restitution de leurs correspondances épistolaires. Ces dernières illustraient la progression de la dictature nazie, son imprégnation dans l’opinion publique allemande, tel un cancer qui gagne un organisme en répandant ses métastases. Dans ce roman c’est le portrait d’un homme d’extraction noble, Eduardo Carleone, qui vit en Toscane au cœur d’un village isolé.

Paula ou personne, Patrick Lapeyre (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 31 Mars 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Paula ou personne, Patrick Lapeyre, janvier 2022, 411 pages, 22 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Paula ou personne est une histoire d’amour.

A priori, ce thème n’a rien d’original.

Jean Cosmo et Paula se rencontrent parmi les nombreux invités d’un mariage. Jean prend d’abord Paula pour sa sœur Alicia, un « amour d’enfance » datant d’une époque où les deux familles étaient voisines.

Jean est postier, préposé au tri de nuit, depuis qu’il a abandonné ses études de lettres. Paula est l’épouse d’un riche Allemand, souvent absent de Paris pour des raisons professionnelles. Jean est athée, anarchiste, chevelu. Paula est croyante, catholique, elle enseigne l’allemand dans une institution privée et donne par ailleurs des cours de catéchèse pour meubler sa solitude et l’ennui qui pèse sur une vie conjugale uniforme et un environnement social sans relief.