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Recensions

Je suis Jésus, Giosuè Calaciura (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 29 Novembre 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Italie, Editions Noir sur Blanc

Je suis Jésus, Giosuè Calaciura, Les Éditions Noir sur Blanc, Coll. Notabilia, août 2022, trad. italien, Lise Chapuis, 351 pages, 21 € . Ecrivain(s): Giosuè Calaciura Edition: Editions Noir sur Blanc

 

Jésus, tout jeune enfant, est pris entre deux regards qu’il sent peser sur lui : attentif et pourtant fuyant, celui de son père, Joseph, insistant et en attente, celui de sa mère, Marie. Deux regards qui s’affrontent en lui, dont il ne comprend pas le sens, deux regards différents, presque opposés dont il ne sait que penser : « Mon père ne me raconta jamais ma naissance. Il écoutait la version de ma mère tout en s’affairant à alléger notre fatigue, à nous couvrir avec des peaux de mouton, à raviver des braises ; il sortait et rentrait au rythme de l’huile qui se consumait dans la lampe : “Où va mon père ?” demandais-je à ma mère » (p.11). Celui de son père sera le premier, et le seul, à céder. « De trop », il s’enfuira un matin et son abandon entraînera la quête du père chez Jésus :

« Et je répétais ma question : Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (p.180). C’est pour le rejoindre, pour comprendre que Jésus quittera sa mère – en cachette –, reproduisant le modèle paternel : « Quelle douleur cela m’a coûté de te tourner le dos, de partir ! Mais je devais retrouver mon père » (p.42).

Vagabonde, Fumiko Hayashi (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 25 Novembre 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Biographie, Japon

Vagabonde, Fumiko Hayashi, éditions Vendémiaire, septembre 2022, trad. japonais, René de Ceccatty, 192 pages, 20 €

 

Fumiko Hayashi fut dans les années trente une romancière à succès. Née en 1903, elle mourut en 1951. Son parcours, presque invraisemblable, la conduisit à travers le Japon, dans des périples qui lui donnèrent matière poétique et romanesque. Quel destin, que ces aventures existentielles, sentimentales d’une écrivaine, issue d’un pauvre milieu, obstinée à devenir ce qu’elle fut, une romancière et une diariste exceptionnelle.

Le texte, que nous découvrons, appartient à la veine à la fois du récit de vie et de la chronique des jours. Tout y prend place : la quête du travail, de l’argent ; les relations avec ses parents ; celles avec ses partenaires (amants, mari). C’est relaté avec réalisme et poésie. Le récit se voit ainsi truffé de poèmes et de références.

Les Jours de Saveli, Grigori Sloujitel (par Marie Duclos)

, le Mercredi, 23 Novembre 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Editions des Syrtes

Les Jours de Saveli, Grigori Sloujitel, Editions des Syrtes, août 2022, trad. russe, Maud Mabillard, 330 pages, 22 € Edition: Editions des Syrtes

 

Ce roman raconte les pérégrinations d’un chat aux multiples vies et multiples ressources. C’est une sorte de conte anthropomorphique plein de charme et empreint d’une certaine philosophie. L’unité de lieu est Moscou dont on découvre les quartiers et l’ambiance à vue de chat. L’œil est aiguisé, et l’odorat présent, les descriptions sont précises, des bords de la Iaouza, à la banlieue, au centre de la ville et dans le jardin Bauman.

Les rencontres de ce chat indépendant et bavard lui font partager la caisse « chiquita » avec ses sœurs et sa mère, les visites de Tante Madeleine, des vies en famille avec plusieurs générations, avec des étudiants Kirghizes, avec un vieux gardien, avec des comparses et autres animaux puis dans un « barachats ». Son destin est émaillé de nouveaux prénoms, de ballades, de petits plats et de rencontres dont la dernière avec la jeune Greta lui fera connaître un grand amour aux yeux verts.

Les Confessions d’un petit philosophe, Azorin (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 18 Novembre 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Récits

Les Confessions d’un petit philosophe, Azorin, éditions du Canoë, novembre 2022, trad. espagnol, Isabelle Leymarie, 128 pages, 15 €

Dans une prose simple et prenante, en petits chapitres d’une ou deux pages, Azorin relate son enfance, le collège austère, les prêtres, la mélancolie des villes d’alors, des petites vieilles qui récitent les neuvaines, et les oncles et tantes, tous vieux, tous englués dans les miasmes de la province espagnole. C’est la canicule, les moissons ne vont pas beaucoup donner et il y aura peu de vin. Sous la plume d’Antonio Azorin, c’est toute l’enfance qui défile, c’est toute la vie qui a pu le nourrir. Le ton de ces quarante-sept chapitres est tissé de nostalgie, de mélancolie, d’une angoisse indicible. Le « petit philosophe » n’use pas de grands mots ; sa philosophie, c’est la science de vivre au contact des siens, nourri d’une mémoire saine, et des valeurs universelles de bonté et de compréhension.

Les maisons, les lieux, les jardins ont pour lui l’agrément d’une vie solide : les murs parlent, les lieux ont de quoi nous conter, la vaste plaine qui s’étendait aux yeux de l’enfant fatigué au collège est pour lui une raison d’imaginer la vie, de la prolonger par l’esprit.

Il n’est pas important de posséder beaucoup : quelques vignes suffisent à l’oncle Antonio pour faire de lui un homme heureux et généreux. Il accueille souvent chez lui son neveu.

Sang de nos racines, Francis Gonnet (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Mercredi, 16 Novembre 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Editions du Cygne

Sang de nos racines, Francis Gonnet, Editions du Cygne, septembre 2022, 56 pages, 10 € Edition: Editions du Cygne

 

La poésie de Francis Gonnet offre au lecteur une approche contemplative de la nature et de la vie. Dans ce recueil, très joliment préfacé par Anne-Marielle Wilverth, le regard du poète se pose sur la neige et sa pensée rejoint les racines souterraines du réel, « les profondeurs de l’arbre » qui « touchent les lointains horizons ».

Ces racines mêlées font lien « au-delà de nous », fusionnent « en un seul fleuve », « en une seule flamme ». Elles sont un puissant ciment de soutien aux fondations de l’être et aux éléments naturels, elles sont ce qui s’accroche, ce qui empêche l’édifice de s’écrouler. Ainsi, « à flanc de montagne, aux parois limées de neige, s’accrochent les racines noueuses du jour / seules les racines résistent au glissement ».

Francis Gonnet en est convaincu, le mur tient « par les racines du soleil » et au cours de son ascension des mots, lui-même « s’adosse au vent, porté par ses racines ». Il apprécie les « neiges sans fin », le silence qui prend racine lui aussi et qui l’accompagne dans sa contemplation, là « où bat le vent », jusqu’à enfanter de nouvelles racines… Et ainsi de suite dans une série d’embranchements fractals.