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Recensions

Léon et Louise, Alex Capus

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 04 Septembre 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Langue allemande, Roman, Actes Sud, La rentrée littéraire

Léon et Louise, 5 septembre 2012. 313 p. 22,50 € . Ecrivain(s): Alex Capus Edition: Actes Sud

 

Cliché. Dans le champ lexical de la critique littéraire, ce terme est des plus péjoratifs. Il implique le manque de créativité, la répétition d’images éculées. Et pourtant. Ce joli livre d’Alex Capus, nostalgique et attachant, évoque de bout en bout l’idée et le mot de « clichés ». Pratiquement au sens propre : photographies. Pour être plus précis, cartes postales anciennes, sans image, en une sorte de collection affichée sur 313 pages. Et ce parti pris de chapelet de clichés donne un charme particulier à ce roman.

Les clichés commencent par le propos même du livre : un jeune homme et une jeune femme se rencontrent au printemps 1918. Ils ont 17-18 ans, s’aiment, se perdent, se retrouvent, se reperdent, se retrouvent sur quelques décennies. Le « tourbillon de la vie », d’une guerre mondiale à une autre et après. Ce livre est hanté par les films de François Truffaut, une sorte de « Baisers volés » et de « Domicile conjugal » saupoudrés de « Jules et Jim ». On se prend sans cesse à fredonner la chanson de Jeanne Moreau au cours de la lecture, on se prend aussi à donner aux deux héros les traits de Jean-Pierre Léaud et ceux de Claude Jade ou de Marie-France Pisier.

Une sainte fille, Franz Bartelt

Ecrit par Patryck Froissart , le Lundi, 03 Septembre 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Nouvelles, Folio (Gallimard)

Une sainte fille, Collection Folio 2€, 93 p. . Ecrivain(s): Franz Bartelt Edition: Folio (Gallimard)

 

Quelle bonne initiative que la publication chez Gallimard de petits ouvrages dans cette série répertoriée « Folio2€ » !

Une sainte fille est le titre d’une des trois nouvelles de ce recueil, extraites de La Mort d’Edgar, œuvre plus conséquente publiée dans la collection Blanche du même éditeur.

Les personnages principaux de ces trois récits ont un trait commun : ils se caractérisent par leur relation avec autrui.

L’une, bien qu’étant, de nature, l’inverse de ce que le monde croit qu’elle est, passe, durant toute sa vie, pour ce qu’elle n’est pas, et subit de ce fait une célébrité aussi universelle que non voulue. C’est là à la fois une illustration terrible de ce que peut avoir pour conséquence la rumeur publique, et une dénonciation pleine de grinçant humour de l’un des travers les plus fondamentaux de notre société : l’hypocrisie collective.

Rétrospective, Avraham B Yehoshua

Ecrit par Anne Morin , le Vendredi, 31 Août 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Roman, Grasset, La rentrée littéraire

Rétrospective, trad. hébreu Jean-Luc Allouche, 24 août, 478 p. 22 € . Ecrivain(s): Avraham B Yehoshua Edition: Grasset

 

L’innocence, la défense, au double sens de protéger, et d’interdire, sont moins les prétextes que les fils conducteurs de ce livre dense qui commence par une rétrospective et s’achève sur une perspective, une ouverture, un point de fuite, un point d’orgue.

Un metteur en scène israélien vieillissant, à la limite de l’épuisement sinon de l’éreintement, est convié à une rétrospective de ses œuvres par un prêtre cinéphile, directeur des archives à Saint-Jacques de Compostelle. Il est accompagné de Ruth, l’actrice fétiche qui a traversé la majeure partie de ses films.

Le monde du cinéma, par essence monde du décor, de l’illusion, de la chimère où les acteurs deviennent des figures : « (…) la femme avec laquelle j’ai été marié ne comprenait pas la nature de la relation que j’ai continué d’entretenir avec la figure – Ruth – que le scénariste m’avait laissée » (p.244), revient à Yaïr Mozes, le metteur en scène, comme un boomerang, au soir de sa vie et de son inspiration.

Autour de moi, Manuel Candré

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 30 Août 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Joelle Losfeld

Autour de moi, 31 août 2012.102 p. 11,90 € . Ecrivain(s): Manuel Candré Edition: Joelle Losfeld

Ce petit livre – par la taille – constitue une véritable découverte littéraire. Manuel Candré, pour son premier roman, s’inscrit d’entrée dans ce que la littérature nous réserve de temps en temps, trop rarement, la révélation d’un talent explosif.

Autour de moi est structuré comme un journal intime asynchrone puisque relatant des événements et des affects vécus quelques décennies auparavant, rédigé entre le 4 juillet 2007 et le 9 septembre 2010. Nous sommes conviés à la rude visite de l’enfance du narrateur. Evénements intimes qui ont pour cadre la cellule familiale et donc pour héros le père, la mère, les grands-parents, le « autour de moi » d’un enfant qui, devenu adulte et mûr, se retrouve littéralement obsédé par ces images, ces souvenirs brûlants et douloureux d’une famille à la fois héroïque et banale, grande et pathétique, belle et indigne. Une famille. Dans l’hypothèse permissive qu’elle implique, dans les bassesses qu’elle génère, dans les moments magnifiques où se croisent les rêves de chacun, et dans les trous où échouent lamentablement les idéaux les plus beaux.

L’enfant souffre deux fois semble nous dire ce morceau d’enfance. Il souffre des malheurs, la mort de la mère, l’alcoolisme et la brutalité du père, la dureté de la vie. Mais il souffre aussi, une fois de plus, la plus âpre sûrement, de sa propre fragilité, de sa faiblesse d’enfant, de la palpitation de ses rêves profonds, de l’absurdité magnifique de ses espoirs.

Les bas-fonds du rêve, Juan Carlos Onetti

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 30 Août 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Amérique Latine, Nouvelles, Gallimard

Les bas-fonds du rêve, (Tan triste como ella y otros cuentos para una tumba sin nombre), 1981, traduit de l’espagnol uruguayen par Laure Bataillon, Abel Gerschenfeld et Claude Couffon . Ecrivain(s): Juan Carlos Onetti Edition: Gallimard

Qu’est-ce qu’une histoire ?

A quel moment du récit commence « la véritable histoire » ?

Quel est le degré de réalité des faits rapportés ? Quelle est la part d’authenticité des lieux de l’action ? Quelle certitude peut avoir le narrateur par rapport au déroulement et à la place des différents « temps » de la narration ? Que sait l’auteur des protagonistes qu’il met en scène ? Quel est le « vrai roman » dans l’infinie possibilité des variantes dans lesquelles s’égare le narrateur principal, ou dans lesquelles des narrateurs secondaires entraînent le lecteur et le narrateur principal lui-même ?

Voilà une partie des questions que pose, que se pose l’auteur des nouvelles de ce recueil, dont l’écriture est fondée sur l’infinité du champ des possibles narratifs.

Au centre de chaque mensonge, il y avait la femme, chaque histoire était elle…

Treize récits de Juan Carlos Onetti se succèdent dans ce livre sombrement étincelant sous le titre éponyme de la seconde d’entre elles.