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Laisser les cendres s’envoler, Nathalie Rheims

Ecrit par Stéphane Bret 10.12.12 dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Biographie, Récits, Léo Scheer

Editions Léo Scheer, août 2012, 256 pages, 19 €

Ecrivain(s): Nathalie Rheims Edition: Léo Scheer

Laisser les cendres s’envoler, Nathalie Rheims

 

Comment amortir le choc consécutif au départ d’une mère du foyer familial lorsque l’on est âgée de 13 ans, et que l’on appartient à l’une des familles les plus prestigieuses d’Europe, les Rothschild, dont on découvre sans peine l’identité dans le récit de Nathalie Rheims, Laisser les cendres s’envoler, sans qu’elle mentionne leur nom dans l’ouvrage.

Le titre aurait pu être libellé à l’impératif, c’est l’infinitif du verbe qui est retenu, pour une raison simple : ce travail de deuil de la disparition de sa mère a été long, douloureux, source de recherches sur sa famille, sur les pratiques de cette dernière, sur ses ascendants. Il s’impose comme un constat à la fin du livre, et non comme un impératif.

Ainsi, Nathalie Rheims nous suggère-t-elle que sa mère, enfant elle-même issue du remariage de son grand-père, aurait été fragilisée dans l’atteinte de son propre équilibre affectif. Ce dernier, sa mère semble l’atteindre en tombant amoureuse d’un peintre prétendument avant-gardiste dont Nathalie Rheims tourne en dérision les prétentions, l’arrogance intellectuelle, et surtout la place qu’il prend dans la vie de sa mère, excessive à ses yeux, car provoquant son exclusion affective de la famille.

Il y a dans le récit de Nathalie Rheims toute une description des mœurs, pratiques et jugements engendrés par l’appartenance à ce milieu, celui de la haute bourgeoise financière, ainsi, de l’utilisation du silence en lieu et place de l’échange : « Ce qui était important était mis sous embargo et plus les événements méritaient que l’on en discute moins on en discutait. Parler n’était qu’un signe de faiblesse, la pratique d’un monde qui n’était pas le nôtre ».

L’auteur évoque également une autre source de souffrances personnelles, celle de la corruption des sentiments, après avoir appris qu’elle était déshéritée : « Non, ce n’était pas l’aspect matériel qui me hantait, cette tromperie-là me semblait dérisoire et mesquine, ce qui me blessait, c’était la fraude des sentiments ».

Nathalie Rheims traverse de multiples épreuves pour surmonter cet abandon : une vie matérielle précaire, une découverte de l’amour tourmentée et douloureuse, l’atteinte de l’anorexie corporelle. Elle énonce que l’éloignement de son milieu d’origine l’a délivrée d’une dette et du sentiment de culpabilité, étape peut-être décisive pour qu’elle fasse son deuil de cet abandon maternel. Il y a dans les dernières pages du livre d’intéressantes réflexions sur les comportements des grands financiers : « Devenir le mécène d’un artiste, dont on se dit qu’il accédera à la postérité est un moyen de triompher de la mort ».

Autre constat amer : le pari sur la survenance du pire qu’entretiendraient, selon l’auteure, les financiers : « L’art de prévoir le pire, tel était le savoir-faire à transmettre pour fabriquer ces princes de la finance, et que leur règne se perpétue de père en fils. Le pire, il fallait l’envisager en permanence et ne jamais le perdre de vue. Trouver des moyens pour le voir venir avant les autres ».

Le récit de Nathalie Rheims est empreint de cruauté, de drôlerie parfois, d’amertume, d’une juste distanciation vis-à-vis de ce contentieux familial à la résorption duquel elle nous convie avec délicatesse et justesse. La plume est acérée, les observations pertinentes mais non exemptes d’ironie.

La phrase finale du livre sonne comme un verdict. Evoquant les conséquences du décès de sa mère sur les relations familiales, l’auteure conclut ainsi : « Les uns et les autres se repliaient sur leurs secrets. Tandis qu’elle emportait le sien dans le néant, j’étais devant la tombe de ma mère inconnue ».

Peut-on être plus clair ?

 

Stéphane Bret

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A propos de l'écrivain

Nathalie Rheims

 

Fille de l'académicien Maurice Rheims, Nathalie Rheims rêve d'abord de devenir actrice. A 17 ans, elle entre au Conservatoire de la rue Blanche, et joue jusqu'en 1983 au théâtre et dans des téléfilms. L'année suivante on la retrouve dans le magazine Elle où elle mène de grands entretiens. En 1986, elle devient productrice de télévision : 'Haute curiosité' sur TV6, présenté par Maurice Rheims, avant de créer une société de communication avec son époux. C'est en 1999 qu'elle saute le pas et devient romancière. Son premier livre L'un pour l'autre (1999) confirme sa vocation puisqu'il obtient le prix du Gai Savoir. Les romans qui suivent, Lettre d'une amoureuse morteLes Fleurs du silence et L'Ange de la dernière heure, reçoivent un bel accueil du public. S'en suivent plusieurs romans publiés aux éditions Léo Scheer, L'ombre des autres, Journal intimeClaude ou Le Fantôme du Fauteuil, inspiré du Fauteuil hanté de Gaston Leroux. En 2012, elle publie Laisser les cendres s'envoler, roman autobiographique dans lequel elle revient sur l'abandon de sa mère.

 

A propos du rédacteur

Stéphane Bret

 

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63 ans, réside actuellement à Boulogne-Billancourt, et s’intéresse de longue date à beaucoup  de domaines de la vie culturelle, dont bien sûr la littérature.

Auteurs favoris : Virginia Woolf, Thomas Mann, Joseph Conrad, William Faulkner, Aragon, Drieu La Rochelle, et bien d’autres impossibles à mentionner intégralement.

Centres d’intérêt : Littérature, cinéma, théâtre, expositions (peintures, photographies), voyages.

Orientations : la réhabilitation du rôle du savoir comme vecteur d’émancipation, de la culture vraiment générale pour l’exercice du libre arbitre, la perpétuation de l’esprit critique comme source de liberté authentique."

 

REFERENCES EDITORIALES :

Quatre livres publiés :

POUR DES MILLIONS DE VOIX -EDITIONS MON PETIT EDITEUR 
LE VIADUC DE LA VIOLENCE -EDITIONS EDILIVRE A PARIS
AMERE MATURITE -EDITIONS DEDICACES 
L'EMBELLIE - EDITIONS EDILIVRE A PARIS