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Les Livres

Œuvres romanesques, tome III, Stendhal en la Pléiade

Ecrit par Martine L. Petauton , le Samedi, 23 Août 2014. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Pléiade Gallimard

Œuvres romanesques, tome III, mars 2014, 1520 pages, 67,50 € . Ecrivain(s): Stendhal Edition: La Pléiade Gallimard

 

La Pléiade termine avec ce tome le cycle des romans de Stendhal, à côté des volumes consacrés aux « œuvres intimes ». Un grand ensemble de la collection Gallimard, travail phénoménal, particulièrement minutieux, mené par Yves Ansel, Philippe Berthier, Xavier Bourdenet et Serge Linkès.

Chacun des volumes – classement chronologique de la rédaction des œuvres, la simplicité même – s’organisant – feu d’artifice littéraire – autour « du » roman qui parle à tous : « Le Rouge », « Lucien Leuwen », et, ici, « La Chartreuse ». C’est bien de feu d’artifice dont il s’agit – à cette différence près : il n’est pas dit que ce soient tant les bouquets si connus, qui nous fixent, que, à peu près tout le reste : cette nouvelle quasi inconnue, cet échange de lettres, ce « remodelage » de tel ou tel passage de La Chartreuse. On est dans « La Pléiade », et on a tout, absolument tout ; immense jardin où l’on peut butiner, s’extasier, jusqu’aux notes annexes, ou à ces débuts (trois différents), d’un « Amiel » qui deviendra « Lamiel ».

Le blé en herbe, Colette

Ecrit par Sophie Galabru , le Samedi, 23 Août 2014. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Le blé en herbe, Garnier-Flammarion . Ecrivain(s): Colette

 

Le talent de Colette a su saisir un instant, celui du passage de l’enfance à l’adolescence, des jeux insouciants à la conquête d’un avenir d’homme et de femme. Vinca et Philippe sont des amis de vacances ; leurs parents, les Ferret et les Audebert, louent chaque été la même villa sur la côte cancalaise. Cet été-là, la fraternelle amitié, ce lien fait d’aventures, de pêches aux écrevisses, de rires et de chamailleries sableuses traverse l’eau trouble des désirs naissants : « Toute leur enfance les a unis, l’adolescence les sépare ». Durant leurs excursions, Vinca et Phil n’étaient l’un pour l’autre ni fille ni garçon, mais deux compagnons de vacances. Les baignades se transforment en discrets jeux de regards sous lesquels naissent peu à peu le corps de l’autre comme l’évidence du désir. Philippe observe et détaille sa petite compagne ; Vinca apparaissant dès lors comme une femme, la femme qu’il faut posséder. L’autre s’émancipe vers son identité propre, son devenir sexué, dans une faiblesse nouvelle qu’il faut captiver. Si l’enfance se tenait entre Vinca et Philippe comme un temps sans durée, sans distance, et sans altérité, l’adolescence vient dès lors irrésistiblement troubler la paix des corps.

Personne n’est à l’intérieur de rien, Jean Dubuffet, Valère Novarina

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 23 Août 2014. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Correspondance

Personne n’est à l’intérieur de rien, Editions L’Atelier contemporain, mars 2014, 152 p. 20 € . Ecrivain(s): Jean Dubuffet, Valère Novarina

« Je vous ai envoyé cet été au moins 83 pneumatiques mentaux, 412 lettres télépathiques et 21 cartes en pensées… Je vous pose des questions, je vous consulte tous les jours, et vous êtes devenu, que vous le vouliez ou non, un véritable ami. De ceux qui sont dans la pensée ». V.N.

« Des hauts et des bas j’en ai aussi et c’est plutôt des bas qui règnent pour l’heure. Je n’y manque pas de bonnes raisons. Sans compter les mauvaises. Mais j’ai maintenant le remède. Dix lignes du Drame de la vie et me voici ragaillardi ». J.D.

Que reste-t-il après ces années d’échanges de lettres, de cartes postales, de dessins et de projets de livres ? Un livre pneumatique ! Un livre dessiné où dansent deux artistes équilibristes. L’un a tout vu, tout lu, dessiné, collectionné, peint, sculpté, coupé, collé, assemblé, pratiqué l’art ludique du hasard brut. L’autre s’emploie avec l’obstination d’un randonneur des sommets à attraper les mots et les phrases dans son filet à syntaxes, magie aléatoire de l’invention permanente, des mots nouveaux s’y glissent, et il s’empresse de les embraser pour leur donner une nouvelle vie. Il en est au premier jour de la création. Sous ses doigts, Le Drame de la vie : « Jean Rien Novarina, racontez l’histoire du boucan ! ». Maître mot de ce dialogue, de cet acte inconnu : enthousiasme.

Seul à travers l’Atlantique et autres récits, Alain Gerbault

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Vendredi, 22 Août 2014. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Grasset, Aventures

Seul à travers l’Atlantique et autres récits, préface Isabelle Autissier, postface Ella Maillart, nouvelle édition, mai 2014, 416 pages, 20,90 € . Ecrivain(s): Alain Gerbault Edition: Grasset

 

« … les traits sur mon esprit sont comme des ombres sur le vent qui fuit »

Edgar Allan Poe, Préface O.Z.Y.U., dernier journal

 

Alain Gerbault est né en novembre 1893 à Laval et mort en décembre 1941 à Dili, au Timor. Il est enrôlé comme pilote pendant la Première Guerre mondiale. Un jeune américain d’escadrille lui prêta un jour un livre de Jack London, La croisière du Snark. Ce dernier fut déterminant dans son désir de « prendre la mer ». A la fin du conflit, il se lance sans succès dans les affaires et participe à de nombreux tournois de tennis. En 1921, il décide de changer de vie et de partir seul en mer. Il achète un vieux voilier, le Firecrest, dans un port anglais. Après un entraînement de plusieurs mois en Méditerranée, il réalise en 1923 la première traversée de l’Atlantique en solitaire d’est en ouest, ralliant en 101 jours Gibraltar à New York – exploit alors inégalé.

De toutes les richesses, Stefano Benni

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 22 Août 2014. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Actes Sud, Italie

De toutes les richesses, Traduit de l'italien par Marguerite Pozzoli, juin 2014, 288 pages, 22 € . Ecrivain(s): Stefano Benni Edition: Actes Sud

Martin, un professeur d’âge avancé, est retraité dans un village des Apennins. Il y vit, pas à tout à fait seul car il s’entoure aussi à l’occasion d’animaux qui lui parlent, tel son chien. Il n’est pas un ermite intégral car il est resté en contact avec Remorus, artiste quelque peu cynique, assoiffé de gloire, de reconnaissance, et avec Voudstok, cultivateur de cannabis, nostalgique des années 60, dont l’auteur trace le portrait :

« Virgile, alias Voudstok, habite dans une maison rutilante de tags, à un kilomètre et demi d’ici. Pour lui, le temps s’est arrêté à l’époque du paléo-rock et de Woodstock. Il a le même âge que moi, mais il porte des jeans pattes d’éléphant ornés de dessin, des gilets en cuir, une longue queue de cheval de cheveux blanchâtres, et touche finale, un bandana sur le front ».

Désireux de prendre ses distances avec le milieu universitaire dont il est issu et dont il connaît tous les codes, Martin apprend par Voudstok qu’un jeune couple s’installe près de chez lui. Le compagnon, que Martin surnomme Le Torve, ne provoque guère de sympathie chez lui ; il n’en est pas de même pour Michelle qui réveille en lui des sentiments, des sensations, des désirs qu’il croyait ensevelis, classés dans ses archives affectives. Il revit, redécouvre, par l’échange et la conversation avec Michelle, des nouvelles potentialités. Ainsi précise-t-il à Michelle le sens de l’attente dans l’amour :