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Les Livres

Tarquin le Superbe, Thierry Camous

Ecrit par Vincent Robin , le Lundi, 25 Août 2014. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Histoire, Payot

Tarquin le Superbe, avril 2014, 320 pages, 25 € . Ecrivain(s): Thierry Camous Edition: Payot

 

Même corroborées par différentes sources et d’aussi loin qu’elles remontent de la profondeur des temps, les relations historiques ne peuvent échapper au crible de l’examen critique pour assurer qu’elles traduisent du passé une réalité crédible. C’est bien finalement au rappel d’une telle leçon méthodique que nous renvoie l’historien et chercheur Thierry Camous dans son excellente étude consacrée au roi de Rome mais d’origine étrusque, Tarquin le Superbe. Une telle invitation scrupuleuse n’aura bien entendu épargné à son auteur lui-même toute reconnaissance approfondie, non point seulement des agissements rapportés au protagoniste visé par son propos, également et surtout celle de l’imprégnation idéologique selon laquelle les marques biographiques du même se seront vues à jamais retranscrites.

Sur ce sujet du second Tarquin, roi de l’Urbs des origines mais honni des propagandistes républicains de l’ère romaine suivante, par qui aussi sera presque exclusivement revenu le descriptif de son vécu (que des travaux actuels de l’archéologie confirment cependant), Thierry Camous témoigne d’un habile savoir placé à la réhabilitation objective d’un acteur politique de rôle éminent dans la Rome balbutiante, qu’une pernicieuse tradition scripturaire voua pourtant fermement à la honte et à la détestation…

Correspondance (1764-1770), J-J. Rousseau, Henriette, Yannick Séité

Ecrit par Guy Donikian , le Lundi, 25 Août 2014. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Correspondance

Correspondance (1764-1770), JJ Rousseau, Henriette, Editions Manucius, présentation et notes Yannick Séité, 138 pages, 10 € . Ecrivain(s): Yannick Séité

Décidément, notre 18ème siècle français aura été bien riche, et notre légitime amour des Lumières occulte parfois des trésors que les éditions Manucius ont le mérite de remettre en « lumière » ! Cette correspondance entre J.J. Rousseau et Henriette vient en témoigner, tout d’abord pour l’objet lui-même, et ce joli petit livre de quelque 130 pages délivre par ailleurs une richesse roborative. Cette correspondance n’a pas fait l’objet d’une édition séparée depuis 1902, cette édition étant efficacement préfacée Yannick Séité, spécialiste des Lumières.

Nous sommes au printemps de 1764. J.J. Rousseau est réfugié à Môtiers, principauté de Neuchâtel, après la publication d’Emile. Il reçoit alors une longue lettre signée du seul prénom d’Henriette. C’est là que tout commence. Cette Henriette va éperonner Rousseau en partant de « son expérience singulière pour gagner l’abstraction ». Elle va tout d’abord flatter quelque peu Rousseau en lui avouant l’admiration sans bornes qu’elle lui voue, « vos principes me paraissent les plus vrais, les plus clairs et les plus solides », pour lui signifier très rapidement sa quête du bonheur afin d’atténuer une difficulté de vivre sereinement.

Le mérite et la nature, Juliette Rennes

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Lundi, 25 Août 2014. , dans Les Livres, Livres décortiqués, Essais, La Une Livres, Fayard

Le mérite et la nature, Une controverse républicaine : l’accès des femmes aux professions de prestige 1880-1940, 2007, 594 p. 32 € . Ecrivain(s): Juliette Rennes Edition: Fayard

 

Pour saisir toute la nécessité et toute l’urgence du féminisme (1), pour se rendre compte à quel point est nécessaire le déchiffrement du passé pour la consolidation de l’avenir, il faut se reporter à Le mérite et la nature, Une controverse républicaine : l’accès des femmes aux professions de prestige 1880-1940, passionnante thèse de science politique dans laquelle Juliette Rennes s’interroge sur les ressorts et les recompositions de l’anti-égalitarisme depuis la fin du 19e siècle. Dans cette perspective, elle s’est intéressée à « l’évolution des stratégies républicaines pour résister aux demandes féministes d’égal accès aux professions au cours de la Troisième République française ».

Cependant, pour des raisons méthodologiques, plutôt que de circonscrire l’analyse aux résistances à l’égalité, elle en est venue « à prendre pour objet la structure des oppositions entre les partisans de l’accès des femmes aux professions et leurs opposants, puis à articuler l’analyse de ce conflit à l’émergence des féminismes et à la féminisation du monde professionnel des années 1870 aux années 1930 ».

Œuvres romanesques, tome III, Stendhal en la Pléiade

Ecrit par Martine L. Petauton , le Samedi, 23 Août 2014. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Pléiade Gallimard

Œuvres romanesques, tome III, mars 2014, 1520 pages, 67,50 € . Ecrivain(s): Stendhal Edition: La Pléiade Gallimard

 

La Pléiade termine avec ce tome le cycle des romans de Stendhal, à côté des volumes consacrés aux « œuvres intimes ». Un grand ensemble de la collection Gallimard, travail phénoménal, particulièrement minutieux, mené par Yves Ansel, Philippe Berthier, Xavier Bourdenet et Serge Linkès.

Chacun des volumes – classement chronologique de la rédaction des œuvres, la simplicité même – s’organisant – feu d’artifice littéraire – autour « du » roman qui parle à tous : « Le Rouge », « Lucien Leuwen », et, ici, « La Chartreuse ». C’est bien de feu d’artifice dont il s’agit – à cette différence près : il n’est pas dit que ce soient tant les bouquets si connus, qui nous fixent, que, à peu près tout le reste : cette nouvelle quasi inconnue, cet échange de lettres, ce « remodelage » de tel ou tel passage de La Chartreuse. On est dans « La Pléiade », et on a tout, absolument tout ; immense jardin où l’on peut butiner, s’extasier, jusqu’aux notes annexes, ou à ces débuts (trois différents), d’un « Amiel » qui deviendra « Lamiel ».

Le blé en herbe, Colette

Ecrit par Sophie Galabru , le Samedi, 23 Août 2014. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Le blé en herbe, Garnier-Flammarion . Ecrivain(s): Colette

 

Le talent de Colette a su saisir un instant, celui du passage de l’enfance à l’adolescence, des jeux insouciants à la conquête d’un avenir d’homme et de femme. Vinca et Philippe sont des amis de vacances ; leurs parents, les Ferret et les Audebert, louent chaque été la même villa sur la côte cancalaise. Cet été-là, la fraternelle amitié, ce lien fait d’aventures, de pêches aux écrevisses, de rires et de chamailleries sableuses traverse l’eau trouble des désirs naissants : « Toute leur enfance les a unis, l’adolescence les sépare ». Durant leurs excursions, Vinca et Phil n’étaient l’un pour l’autre ni fille ni garçon, mais deux compagnons de vacances. Les baignades se transforment en discrets jeux de regards sous lesquels naissent peu à peu le corps de l’autre comme l’évidence du désir. Philippe observe et détaille sa petite compagne ; Vinca apparaissant dès lors comme une femme, la femme qu’il faut posséder. L’autre s’émancipe vers son identité propre, son devenir sexué, dans une faiblesse nouvelle qu’il faut captiver. Si l’enfance se tenait entre Vinca et Philippe comme un temps sans durée, sans distance, et sans altérité, l’adolescence vient dès lors irrésistiblement troubler la paix des corps.