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Les Livres

Effacer sa trace, Malika Wagner

, le Mardi, 07 Juin 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Albin Michel

Effacer sa trace, mars 2016, 192 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Malika Wagner Edition: Albin Michel

 

Encore un ? Oui, encore un roman pour raconter la mort d’un père. Cet « invariant » de la psychanalyse continue d’irriguer la production romanesque (L’Absolue perfection du crime, de Tanguy Viel, 2001 ; La Chute de cheval, de Jérôme Garcin, 1998 ; etc.)

La littérature s’est éloignée, à force de réécritures, de l’enquête psychanalytique que constituaient au siècle dernier les récits de la mort du père, chez Samuel Beckett ou Claude Simon. Ce qui était à l’époque un thème de fiction passe maintenant l’épreuve du feu qu’écrivain-e-s, lectrices et lecteurs semblent unanimement exiger de tous les thèmes de fiction : la dissolution harmonieuse dans l’écriture autobiographique.

Le propos général est limpide : Malika Wagner parvient, à travers l’enterrement de son père en Algérie, à « effacer sa trace », à être soi-même en se délivrant du poids du passé qui la rattachait à l’histoire familiale et à cet « homme peu fréquentable » (p.8). C’est donc un roman optimiste sur la liberté individuelle, malgré l’incessant rappel de ses origines que la société française inflige à la narratrice dans la troisième partie, tant par des discriminations que quand des collègues bien intentionnés lui proposent de se trouver un pseudonyme plus « ronflant » que son propre prénom (p.172).

Ode au recommencement, Jacques Ancet (2ème article)

Ecrit par Marie du Crest , le Mardi, 07 Juin 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Théâtre

Ode au recommencement, Lettres Vives, 2013, 100 pages, 20,70 € . Ecrivain(s): Jacques Ancet

 

A l’occasion de la reprise d’Ode au recommencement (poème dansé) au Croiseur (Lyon) le 11 et 12 mai 2016, Jacques Ancet, spectateur de son texte : « Une chose de bouche, de chair, de mouvements, d’air, de sonorités où ne cesse de se chercher, se perdre, se retrouver l’irrésistible élan de cet inconnu qu’on appelle la vie ».

« Les canettes de couleur »

Le poème, l’ode se lisent, se disent, s’accompagnent de musique, s’entendent et s’écoutent. Gislaine Drahy (fondatrice de Théâtre Narration) découvrit les versets de Jacques Ancet, les lut, s’en fit une matière intime en les apprenant par cœur comme autant d’exercices spirituels. La lectrice redevint comédienne pour faire résonner, entendre « le bruit des syllabes frottées, le ressac des images de la phrase » comme le dirait l’auteur lui-même, sur le plateau.

La comédienne, le chorégraphe/danseur (Frédéric Cellé), et le musicien Alain Lamarche en firent un poème dansé.

Après le silence, Didier Castino

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Lundi, 06 Juin 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Editions Liana Levi

Après le silence, août 2015, 224 pages, 18 € . Ecrivain(s): Didier Castino Edition: Editions Liana Levi

 

« J’ai passé ma vie là – dans ce laminoir

Mes poumons – mon sang et mes colères noires

Horizons barrés là – les soleils très rares

Comme une tranchée rouge saignée rouge saignée sur l’espoir…

Forger l’acier rouge avec mes mains d’or ».

C’est à cette chanson de Bernard Lavilliers que peut nous faire penser le premier roman de Didier Castino, Après le silence, qui commence étrangement par un « Et », comme si le dialogue avait débuté il y a longtemps. Suit un portrait qui ressemblerait à un interrogatoire. « Et je m’appelle Louis Georges Edmond Cattala. Je travaille à l’usine toute la semaine, c’est dur mais ça me plaît. Je suis quelqu’un qui avant tout travaille, a toujours travaillé. C’est ma vie, ma reconnaissance et la sécurité ». En fait, c’est peut-être de cela dont il s’agit puisqu’un dialogue se met en place entre un père et un fils. On sait juste qu’il y a un lien étroit entre deux personnages car ils se tutoient.

Life in suspension/La vie suspendue, Hélène Cardona

, le Lundi, 06 Juin 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Life in suspension/La vie suspendue. Salmon Poetry. Recueil bilingue, 108 p. juin 2016. 12 € . Ecrivain(s): Hélène Cardona

 

 

La vie suspendue aux lèvres de l’invisible

 

Sarasvatī, la déesse  de la connaissance, des arts et de la parole, semble avoir doté Hélène Cardona de bien des grâces : actrice, elle a notamment joué dans des films de Lasse Hallström ou Lawrence Kasdan et, dernièrement, dans "Haunting Charles Manson" de Mick Davis ;    pianiste, elle a obtenu un prix du Conservatoire de Musique de Genève ; danseuse de haut niveau, elle a longtemps pratiqué l’art classique du ballet ; scénariste et traductrice notamment de Rimbaud, Baudelaire,  Walt Whitman, René Depestre et de son père José Manuel Cardona ; diplômée de l’Académie des Arts dramatiques de New-York, auteure d’une thèse sur Henry James, elle est aussi et peut-être avant tout  poète.

Treize hommes, Sonia Faleiro

Ecrit par Martine L. Petauton , le Samedi, 04 Juin 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Roman, Actes Sud

Treize hommes, avril 2016, trad. anglais (Inde) Eric Auzoux, 101 pages, 13,80 € . Ecrivain(s): Sonia Faleiro Edition: Actes Sud

 

Drôle de livre, à part, mais, si important.

Très peu de pages serrées, précises, qu’on nous pose comme devant un jury d’assises ; rapport de police ? contenu de dossier judiciaire ? Il y a de tout ça, avec la distance, le regard porté à la fois tout en bas – au ras des faits bruts, et de plus haut, comme l’exige une enquête dont on espère, qu’au bout, elle frôlera la vérité… Histoire vraie, celle – il y en a tant en Inde de nos jours – d’un viol collectif, de cette femme-là, « Baby », dans une lointaine province du Bengale occidental, au creux d’un tout petit village replié sur les usages ancestraux de l’ethnie Santal. Là, entre misère et encore misère, « certains des villageois n’avaient jamais vu un train ».

Sur la couverture du livre, Actes Sud a posé une photographie qui dit tout de l’histoire : une femme, jeune, de dos (elle pleure peut-être), qui porte un sari mais le haut du buste dénude ce qu’il faut, pour qu’on ait ce cas de figure : « d’un côté, Baby, de l’autre, tout le monde sauf elle ».