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Les Livres

Le mariage de plaisir, Tahar Ben Jelloun

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 30 Juin 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Le mariage de plaisir, janvier 2016, 261 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Tahar Ben Jelloun Edition: Gallimard

 

Roman en forme de saga familiale sur trois générations, sur environ soixante-dix ans (des années 40 à nos jours, ce qui coïncide avec la vie de l’auteur, de sa naissance jusqu’au temps de l’écriture du récit), et sur trois lieux principaux (Fès, Dakar, Tanger) avec plusieurs parcours narratifs itinérants entre le Maroc et le Sénégal. C’est dire l’importance de la dimension spatio-temporelle de la narration.

Le récit, en tiroir, est attribué à un conteur, un hlaïqya, lui-même annoncé, dès la première phrase du livre, par la formule traditionnelle du conte.

« Il y avait une fois, dans la ville de Fès, un conteur qui ne ressemblait à personne. Il s’appelait Goha… »

La formule réapparaît, redondante, lorsque Goha entame le récit qui constitue le corps du roman :

« Il était donc une fois, dans la ville de Fès, un petit garçon prénommé Amir, né dans une famille de commerçants dont on disait qu’ils étaient descendants du prophète ».

Les oiseaux de Christophe Colomb, Adrien Goetz

, le Jeudi, 30 Juin 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Les oiseaux de Christophe Colomb, mai 2016, 96 pages, 11,50 € . Ecrivain(s): Adrien Goetz Edition: Gallimard

Rêveuse, seule et un peu perdue dans un jardin au bord de la Seine, parce qu’elle vient des Asturies, Alina, qui à treize ans offre « un mélange d’Alice au pays des merveilles et de Zazie dans le métro », s’intéresse à Christophe Colomb. Comme lui, elle découvre, pour son premier trimestre d’élève de troisième, ce Paris de chez sa tante. Heureusement, à deux pas, entre les arbres et les immeubles, à l’ombre de la tour Eiffel, tel « un navire voguant dans les buissons », se trouve le musée du Quai Branly. Dans ses flancs, les peuples du monde dialoguent. Ce qui ne devait être qu’une visite, pour préparer un exposé, devient un voyage initiatique. Mais sur ce schéma que livre peu ou prou la quatrième de couverture, je tairai ici le coup de théâtre qui clôt ce beau conte. Le lecteur au demeurant ne fait pas que découvrir un secret. Il traverse un monde, toute la saveur de l’ouvrage.

La tante d’Alina est architecte. À ce titre, elle « démolit avec rage […] Faire une jolie maquette pour berner le client, tu sais, c’est un métier ». Sur ce même registre, Alina s’entend dire que Colomb est « un menteur […] qui avait ramené des “indigènes” avec lui comme s’ils étaient des perroquets ». Elle va découvrir l’importance de la chambre de photographie, le « pavillon des Sessions que les conservateurs, qui n’en voulaient pas, avaient rebaptisé le “pavillons des concessions” » avec son atmosphère de centrale nucléaire, alors que le musée offre la paix d’une grande maison. La saveur est partout.

Retour à Cayro, Dorothy Allison

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 29 Juin 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Belfond

Retour à Cayro, traduit de l’américain par Michèle Valencia, juin 2016, 21 € . Ecrivain(s): Dorothy Allison Edition: Belfond

 

Retour au pays mal aimé

 

Mes yeux ont vu la gloire de la venue du Seigneur ; Il piétine le vignoble où sont gardés les raisins de la colère ; Il a libéré la foudre fatidique de sa terrible et rapide épée ; sa vérité est en marche.

Les raisins de la colère, John Steinbeck

 

Elle sortit sur la véranda et s’adossa au mur de la maison. Le ciel chantait une chanson rouge. Les champs murmuraient une prière verte. Chanson et prière s’éteignaient dans l’ombre et le silence.

Les enfants de l’oncle Tom, Richard Wright

Le monde extérieur, Jorge Franco (Critique 2)

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 29 Juin 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Roman, Métailié

Le monde extérieur, traduit de l’espagnol (Colombie) par René Solis, mars 2016. 272 pages, 20 €. . Ecrivain(s): Jorge Franco Edition: Métailié

 

Entre polar de bras cassés, drame socio-psychologique et conte de fée, ce roman est un tissage de genres aux contours floutés, où chaque personnage, quelque soit son statut, sa classe sociale, son rêve ou son opiniâtreté, ne pourra jamais accéder au bonheur.

Mono, l’antihéros est l’un des personnages centraux de l’histoire. Enfant des quartiers modestes devenu petit caïd trentenaire et ambitieux, il est obsédé depuis son plus jeune âge par Isolda, la fille du château. El Castillo, cette improbable copie de château-fort, qu’a fait construire sur les hauteurs de Medellin, Don Diego Echavarría Misas, issu d’une très riche famille colombienne et compagnon de Dita, une allemande qui n’a jamais voulu se marier. Isolda est leur fille unique.

Isolda a grandi à l’abri du monde extérieur, derrière les murs du château, mais elle s’échappe aussi souvent qu’elle le peut dans la forêt tropicale du parc qui l’entoure. C’est de là qu’elle ressort avec d’extraordinaires et mystérieuses coiffures, joliment décorées d’herbes et de fleurs. C’est aussi dans ce parc, que Mono et ses copains savent se faufiler pour observer en cachette cette jolie fillette, puis jeune adolescente, si différente d’eux.

Sylvia, Howard Fast

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 28 Juin 2016. , dans Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, USA, Roman, Rivages/noir

Sylvia, janvier 2016, trad. anglais (USA) Lucile du Veyrier, 384 pages, 8,50 € . Ecrivain(s): Howard Fast Edition: Rivages/noir

 

Rompons une lance : un bandeau jaune du plus bel effet, signé d’un certain Hervé Le Corre, annonce : « Le premier roman noir féministe. Classique et moderne à la fois ». Pour la deuxième proposition, rien à redire ; pour la première, par contre… Certes, le personnage féminin principal de ce roman est une femme devenue forte, voire puissante, qui est parvenue à se construire un univers matériel protecteur malgré les chausse-trappes de l’existence, mais cela ne fait pas de Sylvia une œuvre féministe, une œuvre militant pour un meilleur statut de la femme en général dans la société, voire pour l’égalité homme-femme ! De surcroît, si chaque roman noir nord-américain présentant une femme forte, parfois dominante, devait être qualifié de « féministe », Chandler et Hammett entre autres deviendraient rapidement des lectures indispensables pour les Femen – et on doute que ce soit le cas. Bref, la promotion d’un roman, aussi excellent soit-il, n’excuse en rien les amalgames anachroniques et les inexactitudes lexicales.