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Les Livres

Daech, le cinéma et la mort, Jean-Louis Comolli

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 19 Août 2016. , dans Les Livres, Essais, La Une Livres, La rentrée littéraire, Verdier

Daech, le cinéma et la mort, août 2016, 128 pages, 13,50 € . Ecrivain(s): Jean-Louis Comolli Edition: Verdier

« On peut imaginer que les décapitations filmées à Mossoul ont pu être vues moins de deux heures plus tard à Londres ou à Pékin. Par cette seule synchronisation, Daech apparaît comme maître du temps, régleur de calendrier. C’est l’une des raisons qui font que ces clips, brefs, ne soient pas montés, ou alors si peu : deux ou trois plans mis bout à bout. Retour de l’immémorial fantasme de l’image immédiate, image divine, apparition ».

Daech, le cinéma et la mort, condense dans son titre ce qui est en jeu dans la propagande maléfique filmée par les terroristes. Il s’agit de mettre la mort réelle en scène, de la rendre visible dans le monde entier et sur l’instant. Jean-Louis Comolli en cinéaste-penseur aiguisé, et en penseur-cinéaste affuté, met avec justesse ce projet funeste en lumière. Le support numérique qui a déjà enterré la pellicule cinématographique en finit là avec la mort jouée et toujours recommencée – le merveilleux clap, son silence et moteur, ça tourne –, qui n’a cessé d’habiter le cinématographe depuis les premiers films des frères Lumière. Les cinéastes artistes ont toujours pris leur distance avec la mort – Ford, Hitchcock, Bergman, Fuller (The Big Red One filme l’horreur des camps sans la montrer), Tourneur –, jeu de cache-cache scénarisé et cadré, mis en scène, il faut savoir la cacher, jouer sur ses fugaces apparitions et ses disparitions, dans tous les cas, préférer l’imaginaire à sa représentation.

Les Chats de la rue Saint-Séverin, Anne-Marie Mitchell

Ecrit par Michel Host , le Vendredi, 19 Août 2016. , dans Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, Roman

Les Chats de la rue Saint-Séverin, éd. Lucien Souny, coll. L’Histoire des pays, mai 2016, 235 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Anne-Marie Mitchell

Ill. couv. Le Magasin pittoresque, 1872, d’après un tableau de E. Lambert

 

« Les bêtes, elles, ne savent que vivre »

« Dans la rue de la Tournelle / Un coup de foudre est tombé. / Il n’a pas cassé de cervelles / Car il n’en a pas trouvé »

Vaudeville du Pont-Neuf

Dans la nuit du 16 au 17 novembre 1730, à Paris, sous le règne de Louis XV, eut lieu un massacre de chats, dans la rue Saint-Séverin. Les faits sont attestés par des chroniqueurs du temps, et des historiens plus récents (1). Ils appartiennent à ce que Jacques Chessex (2) appelle joliment et que nous rappelle la romancière « … les murmures dans les parois, les souffles qui hantent les murs, les recoins, les resserres. Ce qui ne se voit pas. L’oublié. L’autre histoire qui insiste dans l’ombre ». Le roman, en tant que roman, mêle fiction et réalités, avec ici ou là de plaisants anachronismes, et des « personnages et lieux réels [qui] situent le roman dans son contexte ».

Francis Picabia, Catherine Hug, Anne Umland, Hatje Kantz

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Vendredi, 19 Août 2016. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Arts

 

Un printemps aux aguets

Selon Picabia « Les cubistes voulurent couvrir Dada de neige : ça vous étonne mais c’est ainsi, ils veulent vider la neige de leur pipe pour recouvrir Dada ». Le tout parce que le mouvement né à Zurich leur empêchait de pratiquer leur odieux commerce. Et soudain la peinture tourne et se détourne des « chiures de mouches ». A qui en réclame, il vaut mieux proposer des reproductions ou des autographes.

Picabia fut donc détesté et s’en satisfaisait. Mais son œuvre tient : elle ne date pas. Plutôt que de « cuber les tableaux des primitifs, et les sculptures nègres, cuber les violons, les guitares, les journaux illustrés, la merde », l’artiste a semblé cultiver le rien. Il est devenu un tout que les toutous du Surréalisme ont largement annexé à leur profit.

Son art reste vivant et dégagé des « huîtres sérieuses » aimées par snobisme. Celui qui se refusait à être sérieux et qui considérait « le seul mot qui ne soit pas éphémère, est le mot mort » a fait de son œuvre un voyage dans la vie.

Le Garçon, Marcus Malte

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 18 Août 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Zulma

Le Garçon, août 2016, 535 pages 23,50 € . Ecrivain(s): Marcus Malte Edition: Zulma

 

On est en 1908. C’est l’histoire du garçon. Vous le suivrez tout au long de ce livre, avec passion et curiosité, tout au long de son parcours initiatique. Mais vous ne l’entendrez pas, jamais. Il ne parle pas, ne dit pas un mot. Il est muet le garçon. Depuis sa naissance, mis au monde par une femme qu’il porte sur ses épaules au début de ce roman, parce qu’elle est malade, parce qu’elle va mourir. Et elle meurt. Et le Garçon brûle son corps. On est en 1904, dans le sud de la France. Le chemin du Garçon commence.

Marcus Malte nous offre une œuvre ambitieuse, d’une parfaite maîtrise narrative, dans un style éblouissant. C’est un roman initiatique certes, mais comme on en a peu vus. Le jeune héros n’a pas de nom, pas plus que sa mère. A-t-il seulement eu un père ? Il part seul vers le monde, sans désirer l’aborder vraiment. Il n’a jamais vu d’autres humains que sa mère, à peine une silhouette furtive peut-être.

La première étape est le monde qu’il connaît déjà un peu, la nature sauvage. Moments de pure poésie tant les noms des plantes sont beaux, comme dans une page de Thoreau, comme dans Walden, ou comme dans un lieu de Giono.

Coffret de 3 romans de David Foenkinos, Gallimard Coll. Folio 

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 18 Août 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Le potentiel érotique de ma femme (2004, 179 p.), La délicatesse (2009, 210 p.), Nos séparations (2008, 218 p.), 20,70 € le coffret . Ecrivain(s): David Foenkinos Edition: Folio (Gallimard)

Le potentiel érotique de ma femme (2004, 179 p.), La délicatesse (2009, 210 p.), Nos séparations (2008, 218 p.), 20,70 € le coffret

 

Lorsqu’un lecteur découvre un écrivain sur un ensemble de trois volumes qu’il lit d’affilée avec un plaisir qui ne faiblit pas jusqu’à la dernière ligne du troisième, on peut affirmer, indéniablement, qu’une immédiate et permanente empathie s’est installée entre eux.

Pourquoi ? Comment ? Quelle est la recette ?

Foenkinos est un romancier malicieux, qui vous entourloupe dans ses histoires dont l’originalité tient au fait qu’elles se fondent à la fois, paradoxe habile, sur l’imbrication d’une série de faits courants marquant la vie quotidienne du couple et de situations des plus inattendues accompagnées de réflexions et commentaires des plus surprenants (au sens propre de l’adjectif) frôlant parfois l’ubuesque le plus débridé. Ainsi, quand le présumé cocu s’interroge sur le cinq à sept de son épouse :