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Les Livres

Les forêts de Ravel, Michel Bernard

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Mercredi, 07 Septembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Récits, La Table Ronde

Les forêts de Ravel, janvier 2015, 176 pages, 16 € . Ecrivain(s): Michel Bernard Edition: La Table Ronde

 

Ravel, petit homme élégant et racé, a désespéré longtemps de ne pouvoir servir la France sur le front de ses guerres quand, finalement au printemps 1916, il parvient à se faire engager volontaire dans les artilleurs où il sera conducteur d’ambulance de l’armée française. Il a quarante-et-un ans.

C’est dans une prose élégante et fine que Michel Bernard retrace ce parcours des deux années de la vie du « grand » homme et musicien que l’on connaît.

« Il partit un matin d’avril 1916, au volant de sa camionnette, le casque sur la tête et le masque à gaz à portée de main, sur la route nationale de Bar-le-Duc et Verdun ».

On suit les routes et les chemins, les lieux traversés, les hommes croisés avec un Ravel non pas fasciné mais curieux de cette guerre, de ses trajectoires, courageux sans nul doute, généreux au-delà de tout avec ceux qui vont au combat, humaniste et, patient « comme un militaire », ne s’économisant jamais. Se sentir utile, il en avait besoin, en conduisant ces hommes broyés par la canonnade, lui pourtant déjà musicien célèbre.

Le Vieux Saltimbanque, Jim Harrison

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 06 Septembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Flammarion, La rentrée littéraire

Le Vieux Saltimbanque (The Ancient Minstrel), trad. américain Brice Matthieussent septembre 2016, 148 pages, 15 € . Ecrivain(s): Jim Harrison Edition: Flammarion

 

Il se trouvera sûrement quelques pisse-froid pour dire que ce dernier opus de Maître Jim n’est pas un chef-d’œuvre. Peut-être que ce n’en est pas un, mais c’est un pur moment de bonheur et c’est déjà beaucoup. Big Jim nous dit adieu comme nous l’avons toujours connu : joyeux, débonnaire, exubérant. On peut dire, en paraphrasant La Palisse, que Jim Harrison, quelques semaines avant sa mort, était toujours vivant. Et quelque chose nous dit que, même après sa mort, il le sera encore. Lui, qui répétait à l’envi que ce qu’il craignait de la mort était de ne plus boire de bons vins, va certainement s’organiser pour, au moins, écrire encore. Il nous le dit d’ailleurs : « Peut-être qu’on radotera encore dans notre cercueil ».

Le Vieux Saltimbanque est une sorte d’autobiographie. Mais avec Big Jim rien n’est comme d’habitude. Son narrateur parle à la troisième personne. « J’ai décidé de poursuivre mes mémoires sous la forme d’une novella. A cette date tardive, je voulais échapper à l’illusion de réalité propre à l’autobiographie ». Il faut dire que le vieux Jim est pour le moins secoué par son entourage quand il annonce son projet lors d’un dîner de famille !

Au bonheur des îles, Bob Shacochis

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 06 Septembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Nouvelles, Gallmeister

Au bonheur des îles, janvier 2016, trad. américain Sylvère Monod et François Happe, 336 pages, 9,60 € . Ecrivain(s): Bob Shacochis Edition: Gallmeister

 

Ce doit être une manie américaine : quand on vit une expérience, quand sa vie se passe à un certain endroit, à un certain moment, quand on assiste à certains événements, au lieu de se livrer au pénible exercice de l’autofiction, cette littérature voyeuriste même pas marrante dans ses perversions, on écrit un grand roman ou au moins une poignée de nouvelles tout à fait fréquentables. Ainsi donc de Bob Shacochis (1951) qui, après avoir voyagé dans les Caraïbes, surtout les Grenadines, avec le Peace Corps, en a tiré la matière de son premier recueil de nouvelles, Au bonheur des îles (Easy in the Islands, 1985), dont les éditions Gallmeister proposent la première traduction intégrale (la précédente chez Gallimard était amputée de quatre nouvelles).

Les neuf nouvelles ici recueillies sont donc autant de tranches de la vie telle qu’on la vit dans les Caraïbes, surtout dans ces petites îles qui semblent autant de miettes jetées sur la voie maritime entre l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud, des Bahamas à la Grenade, avec des références appuyées à Cuba et à la Jamaïque – entre autres, par l’omniprésence du reggae, bande-son insistante parfois remplacée par le calypso (Lord Short Shoe Veut le Singe).

A Oui, Boris Wolowiec

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 06 Septembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Poésie

A Oui, Editions du Vide Immédiat, 2016, 432 pages, 20 € . Ecrivain(s): Boris Wolowiec

 

L’œuvre de Boris Wolowiec s’inscrit, quant à la structure, plus du côté de Levinas que de l’aphorisme. S’il reprend la formulation de ce dernier, c’est pour immédiatement le mettre an abîme afin de casser ce que ce type d’écriture a de trop fringant et de faussement définitif.

L’auteur ne pense et n’écrit jamais par idées distinctes et simples ou dichotomiques, mais par un feuilletage progressif fondé sur l’exactitude et l’épaisseur du sentiment. Il faut son tribunal de nécessaire déraison sans quoi tout jugement rationnel ne serait qu’une vue de l’esprit, une quintessence statique. A l’inverse, tout chez Wolowiec est en mouvement.

Les textes eux-mêmes ne cessent de muter et restent en état provisoire même lorsqu’ils paraissent définitifs. Proche d’un Michaux (l’ironie en moins), il démaquille les apparats. Si bien que l’aphorisme devient l’apostille qui évite les réductions simplistes au profit d’une diaphonie.

Dans ce livre, division du discours n’est qu’apparente : s’y instaure tout un jeu de « répons » visant à embrasser l’humain un peu à la manière dont Ponge embrasse les choses entre altération et confrontation.

A la fin le silence, Laurence Tardieu

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Samedi, 03 Septembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Seuil, La rentrée littéraire

A la fin le silence, août 2016, 176 pages, 16 € . Ecrivain(s): Laurence Tardieu Edition: Seuil

 

Les aléas de la vie constituent bien souvent le ferment des romans, et celui de Laurence Tardieu n’y fait pas exception. A la fin le silence s’inspire de deux malheurs à la fois, l’un prévisible, la vente d’une maison de famille tendrement aimée, à Nice, et l’autre imprévisible, les attentats meurtriers du 7 janvier 2015 à Charlie Hebdo, à l’hyper casher de Vincennes et à Montrouge, puis celui du 13 novembre 2015 au Bataclan. Les souvenirs familiaux, teintés de bonheur et de tristesse, font surface et se mêlent au ressenti de l’actualité, d’abord le jour même des attentats, puis après-coup.

Dans la maison méridionale, nommée Cybèle, « si belle, plus belle que tout autre lieu au monde », dans le jardin de l’enfance, le temps est aboli : « J’ai six ans, quinze ans, trente ans, quarante ans, je suis une petite-fille, une fille, une orpheline, une mère […] Ici, je porte tous mes âges ». La narratrice y retrouve les odeurs, les présences et les voix du passé, empêchant ainsi « que le temps recouvre tout » : « Les enfants, rendez-vous compte, c’est divin ». « Oh, viens voir, maman, la tourterelle boit l’eau de la piscine ! ». « Vous avez vu comme le cèdre a grandi ? »