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Les Livres

Ode au recommencement, Jacques Ancet

Ecrit par France Burghelle Rey , le Mercredi, 25 Mai 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Ode au recommencement, Lettres Vives, 2013, 96 pages . Ecrivain(s): Jacques Ancet

 

Après Les Travaux de l’infime, et Comme si de rien, Jacques Ancet poursuit sa quête au milieu de la nuit des interrogations. Le titre même du recueil annonce une profession de foi, celle d’un homme qui fait de la musique et des mots la définition de sa vie. Dès les premières lignes du recueil, le narrateur intègre l’aventure de son incessant retour dans un discours poétique où signifiants et signifiés sont exprimés dans la simplicité des mots les plus justes. Celle-ci est alliée à la beauté quand il suffit de lire au cœur du recueil : « je ne voyais… rien d’autre que le soir qui tombait sur les grands platanes couverts de cris et d’oiseaux noirs » (p.46).

Sa présence au monde permet au poète de surmonter la conscience angoissante du « cercle sans fin » et du « présent perpétuel » même si, d’emblée, c’est une réalité sordide dont il lui faut parler, une réalité d’« os », d’« excréments » et d’« ordures » à laquelle va s’ajouter tout un non-dit, « tout ce que je ne dirai pas et qui m’accable » (p.11). Il ne s’agit pas seulement de ruminations anxieuses et de variations inquiétantes sur les thèmes du recommencement et de la ressemblance, mais d’une profonde empathie avec l’Histoire humaine qui lui fait évoquer l’effondrement des bourses ou la torture ainsi que le destin de chacun comme celui du vieil homme qui se suicide en pressant la gâchette.

Jules Verne en la Pléiade, avril 2016

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mardi, 24 Mai 2016. , dans Les Livres, Critiques, Science-fiction, La Une Livres, Roman, Aventures, La Pléiade Gallimard

. Ecrivain(s): Jules Verne Edition: La Pléiade Gallimard

 

Voyage au centre de la terre, écrit en 1864, témoigne de l’engouement de Verne – qui peut apparaître par certains aspects comme un écrivain fantastique – pour la science. Celle-ci est devenue, à cette époque, comme en témoigne Arvède Barine dans un ouvrage paru en 1898 (Névrosés, Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval), « l’alliée, et, plus encore, l’inspiratrice de l’écrivain fantastique » et ce également parce qu’« elle l’encourage à rêver de mondes imaginaires en lui parlant sans cesse de mondes ignorés », que l’on aurait pu juger parfaitement impossibles.

Les voyages extraordinaires : l’on se souvient que c’est le nom qu’a donné Pierre-Jules Hetzel à la collection créée par lui pour abriter la production romanesque de Verne, écrivain on ne peut plus prolifique, puisqu’il est l’auteur de près de deux cents romans, nouvelles, poèmes, essais, pièce de théâtre, livrets d’opérettes et d’opéras comiques, volumes d’histoire et de géographie…

Ainsi, pour donner forme à l’extraordinaire, Verne fait-il usage, de romanesque manière, de la façon qu’a la science – tout à la fois frémissante et toute-puissante – d’affleurer au quotidien, à cette époque, dans les découvertes qui lui donnent et son aura et son mystère… Ainsi en est-il, par exemple, de l’électricité.

Fictions du corps, François Bon

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Mardi, 24 Mai 2016. , dans Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, Arts, L'Atelier Contemporain

Fictions du corps, mars 2016, dessins de Philippe Cognée, lecture de Jérémy Liron, 136 pages, 20 € . Ecrivain(s): François Bon Edition: L'Atelier Contemporain

 

Corps-objet ou corps-vécu, corps matière mais corps animé dérivant dans la ville ou immobiles, François Bon rêve le corps, ou plutôt les corps, et en grand lecteur de Kafka ou Michaux, nous propose une sorte de monde aux portes du nôtre dans Fictions du corps magnifiquement illustré par Philippe Cognée, aux Editions L’Atelier contemporain.

C’est un corps fantasmé ou né du rêve, peut-être celui de sa fréquentation des textes fantastiques aussi, que ces fictions, textes d’une ou deux pages maximum, racontent. Au nombre de 48 dont 7 appartiennent au prestidigitateur, pour dire l’étrange, et même oserais-je, l’inquiétante étrangeté de nos corps éphémères et protéiformes, tant ces fictions nous sont familières dans l’absurde jusqu’à l’angoisse qu’elles génèrent.

Des corps mouvants, au sens physique et métaphysique, des portraits décalés, miroirs à peine déformés de nos propres corporéités.

Fragmentés, jetables, inutiles, dissociés de la pensée, magiciens, qui rêvent souvent, corps vigiles ou gardiens, hommes-tout, hommes-rien, discrets voire invisibles dans ces lieux sans hommes et, que dire alors de ceux-là ?

Epictète et Sénèque en Folio Sagesses

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 23 Mai 2016. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Folio (Gallimard)

Edition: Folio (Gallimard)

De l’Attitude à prendre envers les tyrans, et autres textes, Epictète, Folio Sagesses, texte établi et traduit du grec ancien par Joseph Souilhé avec la collaboration d’Amand Jagu, mars 2016, 144 pages, 3,50 €

De la Constance du sage, suivi de De la Tranquillité de l’âme, Sénèque, Folio Sagesses, traduit du latin par Emile Bréhier et édité sous la direction de Pierre-Maxime Schuhl, mars 2016, 128 pages, 3,50 €

 

Ce sont deux petits livres, d’un peu plus de cent pages chacun, qui ne contiennent aucun discours à la mode, écrits par des penseurs morts depuis quasi deux mille ans ; deux petits livres qui pourraient passer à la trappe, entre un achat scolaire (pas trop long à se farcir, et si le prof de philo dit qu’il faut se le taper, on se le tape après avoir jeté un œil sur Wikipédia) et un recueil de pensée orientalisante à la mode ; deux petits livres vers lesquels retourner pourtant sans cesse, crayon à la main et âme au clair. Car au fond, il est vrai qu’on ne les pas a vraiment lus, ces deux petits livres, et qu’on ne les lira jamais : on les sirote plutôt, prenant une phrase là, un paragraphe ici, puis faisant sien le propos, le laissant mûrir lentement, jusqu’à ce que la vie nous en montre toute la justesse, ou toute la nécessité, c’est parfois pareil.

Et leurs baisers au loin les suivent, Corinne Royer

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Samedi, 21 Mai 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Actes Sud

Et leurs baisers au loin les suivent, janvier 2016, 272 pages, 20 € . Ecrivain(s): Corinne Royer Edition: Actes Sud

 

Et si en lisant le dernier roman de Corinne Royer, Et leurs baisers au loin les suivent, nous étions emportés dans une équipée de fête foraine. Car, ça tourne dans ce roman, ça baguenaude, ça vire et ça bouscule, ça mange du pimenté, du sucré, ça boit parfois au-delà du raisonnable, ça nous submerge, ça souffle le chaud et le froid, ça dévaste, ça enflamme, ça effraie et ça attendrit dans un même temps. On sourit, on pleure. En bref, ça déménage dans les manèges de la mémoire.

Alors, on se laisse porter, emporter dans cette histoire d’errance et d’ancrage, de terre et d’alluvions, de soleil et d’orage, de bruit et de fureur, de transmission et d’héritage.

Nous y rencontrons la principale protagoniste, Cassandre, personnage bien réel et mythologique. Maintenant vieille, elle reste une femme d’une grande beauté. Elle prédit les malheurs mais sa lucidité se heurte à l’ignorance. Personne ne croit à ses prédictions. Mais c’est aussi une Mère Courage qui réussira finalement à changer la marche du destin et à apporter une paix fragile mais tenace. C’est elle qui arpente la fête foraine.