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Les Livres

Très chère Ursule, Mano Gentil

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 13 Janvier 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Serge Safran éditeur

Très chère Ursule, janvier 2017, 229 pages, 17,90 € . Ecrivain(s): Mano Gentil Edition: Serge Safran éditeur

 

Mano Gentil a le sens de l’architecture. Et du talent pour disposer du temps comme d’un accessoire. Elle manie les évènements comme elle déplacerait le mobilier dans son appartement ou le vôtre, cette table au centre plutôt que contre le mur, elle sélectionne les tissus, lisse les tentures, coud les ourlets des rideaux, accentue les plis qui confondront les êtres de ses compositions, pire, les mettront en lumière. Elle range, elle aménage.

Les placards de ses personnages.

Elle affectionne la poussière glissée sous les tapis, la laisse volontiers gonfler, prend un malin plaisir à l’éparpiller. Elle a le goût du mécanisme théâtral. Et la correction de ne répéter ni les sujets, ni les tonalités, d’un livre (à) l’autre. « Nous étions jeunes et larges d’épaules », « Dans la tête des autres », « Boucher double », « Le cri du Gecko », entre autres.

Le Titanic fera naufrage, Pierre Bayard

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Jeudi, 12 Janvier 2017. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Les éditions de Minuit

Le Titanic fera naufrage, octobre 2016, 176 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Pierre Bayard Edition: Les éditions de Minuit

 

Dans quelle mesure les écrivains et les artistes bénéficient-ils d’un talent particulier qui leur permettrait de prévoir l’avenir et de le retranscrire dans leurs écrits ou productions artistiques ?

La thèse de l’ouvrage de Pierre Bayard s’inscrit dans cette problématique que l’on peut caractériser d’intégrationniste (c’est-à-dire qui envisage des relations possibles entre le monde réel et le monde créé par la fiction), en se situant entre deux avis opposés, celui des coïncidences que défend Gérald Bronner, plutôt ségrégationniste en ce qu’il ne perçoit pas de relation de causalité entre les écrits fictionnels et les événements réels, et celui de la précognition, que soutient Bertrand Méheust, et duquel Bayard se rapproche.

Contrairement à Cassandre, à qui « les dieux avaient donné […] le don de prophétie, en la privant de la capacité d’être entendue », le pouvoir prédictif des écrivains a un impact politique fort, dans la mesure où il permet aux hommes sinon de modifier l’avenir, du moins de mieux s’y préparer.

La Revue Littéraire N°65 et L’Infini, N°137

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 11 Janvier 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Revues

La Revue Littéraire N°65, novembre/décembre 2016, Léo Scheer, 10 € L’Infini, N°137, Automne 2016, Gallimard, 20,50 €

 

« 11 heures. Entrée du Phedra (Minoan Lines) : Racine sur l’eau, en direct de Grèce. Juste derrière, la navette bleu et blanc Princess of Dubrovnik », Philippe Sollers, Automne.

« Sans écrire, je ne suis plus qu’un arbre dont le feuillage se déchire dans le vent de la nuit », Richard Millet, Journal (1991-1992).

Deux revues, deux revues littéraires que tout semble opposer, de la rive gauche à la rive droite de la Seine, dirigées par deux écrivains, Philippe Sollers et Richard Millet. Deux passions partagées pour la langue, deux regards sur le monde, qui souvent s’opposent, mais deux certitudes affichées, et hautement défendues : le style. Deux éditeurs : Gallimard et Léo Scheer. Des positions, des colères, des ruses, des stratégies, des écrivains en leur sein qui parfois s’ignorent mais avant toute chose défendent un style, une manière – la matière du roman –, et un œil, deux yeux perçants, pour voir et donc entendre une certaine musique littéraire, un art du récit, un saisissement du temps et des Temps, et au bout du compte, une éclairante alchimie littéraire.

Je puais le sang d’âne, Hafez Khiyavi

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 11 Janvier 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Roman, Serge Safran éditeur

Je puais le sang d’âne (Bu-ye khun-e khar), octobre 2016, trad. persan (Iran) Stéphane A. Dudoignon, 190 pages, 18,90 € . Ecrivain(s): Hafez Khiyavi Edition: Serge Safran éditeur

 

Treize nouvelles pour partager la vie quotidienne des Iraniens, non pas de ceux dont les médias nous renvoient l’image, ceux des villes, des ayatollah, des femmes enfoulardées, et des brimades qu’exercent les miliciens des brigades des mœurs sur celles qui ne le sont pas assez, non, ces treize histoires nous font découvrir les Iraniens de la campagne, par le récit de drôles de mésaventures que connaissent des individus du terroir, dont certains, adolescents ou jeunes gens un peu simplets, font penser immédiatement à Djoha, ce personnage souvent tourné en ridicule de contes et de fables persans et arabes.

Plusieurs nouvelles ont pour décor un verger dont les fruits défendus, cerises, prunelles, mûres, griottes, pêches, selon la situation, attirent l’acteur principal qui s’y rend en cachette soit par gourmandise personnelle, soit pour en faire l’offrande à celle de qui il veut se faire bien voir en une sorte d’inversion des rôles d’Adam et d’Eve dans la fable du jardin d’Eden.

La Science du Disque-Monde IV : Le Jugement Dernier, Terry Pratchett, Ian Stewart & Jack Cohen

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 11 Janvier 2017. , dans Les Livres, Critiques, Science-fiction, La Une Livres, Iles britanniques, Roman

La Science du Disque-Monde IV : Le Jugement Dernier, L’Atalante, La Dentelle du Cygne, avril 2015, trad. anglais Patrick Couton, Lionel Davoust, 432 pages, 21 € . Ecrivain(s): Terry Pratchett, Ian Stewart & Jack Cohen

 

Pour apprécier La Science du Disque-Monde IV : Le Jugement Dernier à sa pleine et juste valeur, il conviendrait de réunir deux conditions : 1) être amateur des Annales du Disque-Monde ; 2) être amateur de vulgarisation scientifique (accessoirement, une troisième condition pourrait s’imposer : avoir lu les trois premiers volumes de La Science du Disque-Monde).

Si l’œuvre de Terry Pratchett (1948-2015), le plus grand auteur humoristique anglais depuis P.G. Wodehouse (dixit la formule promotionnelle habituelle), cette fantasy à la délirante inventivité verbale et scénaristique, laisse indifférent, autant passer son chemin ; si l’idée de lire des pages où il est question de théorie des cordes ou de la place de l’être humain dans l’univers révulse, idem. Par contre, si l’on est atteint de curiosité intense incurable, avec un esprit suffisamment retors pour rire en apprenant, alors, même si le nom de Pratchett est inconnu, il faut lire La Science du Disque-Monde IV : Le Jugement Dernier, au risque d’y prendre un plaisir sans mélange.