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Les Livres

Sur les chemins noirs, Sylvain Tesson (2ème critique)

Ecrit par Lionel Bedin , le Lundi, 28 Novembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Gallimard, Voyages

Sur les chemins noirs, octobre 2016, 146 pages, 15 € Edition: Gallimard

 

Sylvain Tesson nous a habitués à des récits de périples lointains (Bérézina, ou Dans les forêts de Sibérie), il nous propose aujourd’hui le récit d’une traversée à pied de la France, du Mercantour au Cotentin, effectuée d’août à novembre 2015. Dans un contexte particulier : Tesson, le voyageur, le baroudeur, l’adepte de l’escalade, y compris celle des cathédrales, est tombé d’un toit, à Chamonix, en août 2014. Miraculé, sur son lit d’hôpital il fait ce constat : « j’avais pris cinquante ans en huit mètres. La vie allait moins swinguer ». Quand il comprend qu’il est bien amoché mais vivant, il se met dans l’idée de « demander aux chemins ce que les tapis roulants [la rééducation] étaient censés me rendre : des forces ». La marche à pied comme médecine. Et pourquoi pas en France, puisque son état ne lui permet pas d’aller plus loin. C’est donc avec un peu d’ironie (passer de Kaboul à Châteauroux : « quel désastre ! ») et beaucoup d’appréhension qu’il se met en route, depuis le col de Tende, ne sachant pas si la thérapie par la route allait être bénéfique ou non.

 

Leçon de géographie

Dans les méandres des saisons, Richard Rognet

Ecrit par France Burghelle Rey , le Samedi, 26 Novembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Gallimard

Dans les méandres des saisons, 14,50 € . Ecrivain(s): Richard Rognet Edition: Gallimard

 

Le premier volet du recueil de Richard Rognet, Dans les méandres des saisons, se place, dès le sonnet liminaire, sous la protection des pierres et de leur silence annonçant d’emblée une réflexion sur le temps qui marque l’ensemble du texte. En effet quand le regard n’est pas précis mais quand le mot, lui, l’est trop et nuit à la plénitude des choses, oxymore à l’image de celui qui se formule ici tout au long du texte entre lumière et mort, tout se délite. Ainsi, à la tombée de la nuit, lorsque la mort se met à vivre au point qu’elle « boit le sang » le destin menace d’autant que l’automne arrive. C’est que la fin de l’été rappelle un départ vécu et qu’intervient alors une présence féminine à l’état de souvenir et qui favorise une apostrophe à l’autre. Une aussi à soi-même : « Qui donc es-tu, enfant secret / dans la nuit de / ma mémoire ? » au moment où la marche se fait rédemptrice et où se produit un dédoublement. Malheureusement, avoue le poète narrateur, « Je passe près de moi sans reconnaître qui je / fus ». Cette dialectique présence-absence est prégnante dans l’évocation même des « chers disparus »  comme le père dont « l’ombre revient… dans l’inconnu d’autres présences ». Il y a aussi « une femme courbée sur des / fleurs un peu lasses », et avec les choses du tiroir qu’il ne faut pas déranger, le « carnet d’adresses » qui garde les morts en mémoire.

L’enfant aux cerises, Jean-Louis Baudry

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Samedi, 26 Novembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Arts, L'Atelier Contemporain

L’enfant aux cerises, novembre 2016, préface et photographies Alain Fleischer, 174 pages, 20 € . Ecrivain(s): Jean-Louis Baudry Edition: L'Atelier Contemporain

 

Le mouvement du livre de Baudry est un faux mouvement. Certes, il débute par deux textes intimes réussis où le sémiologue évoque comment enfant il est devenu « addict » aux images. S’enchaînent ensuite d’autres articles simplement repris et choisis par le théoricien. Il égraine ses goûts artistiques et prouve qu’avec le temps il s’oriente vers un bel art, celui qui s’intègre aux grands systèmes historiques d’appropriation dont l’ancien iconoclaste est devenu un gardien des temples.

Tous les textes montrent une homogénéisation d’un art qui devient la solution imagée et imaginaire des contradictions. Le livre représente le signe de réappropriation des maîtres-penseurs dans un moule dont ils assurent l’hypostase à la fois rationnalisante et spiritualisante. Au refoulement patent du sexuel répond une propension politique. Baudry fait preuve d’un sentiment de propriétaire sur la « chose » artistique. Dans la persistance d’un « je » imperator se déploient des morceaux choisis qui sont les « points de l’esprit » chers à Breton et qui font de chaque option de l’auteur une projection icarienne dans un lieu mental hors contradiction.

Sur les chemins noirs, Sylvain Tesson

Ecrit par Arnaud Genon , le Vendredi, 25 Novembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard, Voyages

Sur les chemins noirs, octobre 2016, 144 pages, 15 € Edition: Gallimard

 

A la lueur des « chemins noirs »

Sylvain Tesson nous avait habitués jusqu’ici aux grands dépaysements, aux échappées au cœur des Steppes (Carnets de Steppes, Glénat, 2002), aux voyages solitaires Dans les forêts de Sibérie (Gallimard, 2011). Dans Berezina (Guérin, 2015), il relatait le voyage qu’il fit en side-car avec des amis, sur les traces de la Grande Armée, de Moscou aux Invalides pour commémorer de manière singulière le bicentenaire de la retraite de Russie. Mais voilà, en mai 2014, l’écrivain baroudeur perd sa mère puis, trois mois plus tard, il chute lourdement alors qu’il escalade la façade de la maison d’un ami, à Chamonix. Ses côtes, ses vertèbres et son crâne sont brisés. « Revenu à la vie », puis de longues semaines « corseté dans un lit », il décide alors de traverser la France à pied, du sud-est du pays au nord du Cotentin. Mais pas n’importe comment : en empruntant ces « chemins noirs » – petites lignes que l’on distingue péniblement sur les cartes IGN au 25000e – « réseau de chemins campagnards ouverts sur le mystère, baignés de pur silence, miraculeusement vides ».

Le Pèlerin, Fernando Pessoa

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 25 Novembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise, Contes, Editions de la Différence

Le Pèlerin, trad. portugais Parcidio Gonçalves, 96 pages, 6 € . Ecrivain(s): Fernando Pessoa Edition: Editions de la Différence

 

Lire une œuvre inachevée, inaboutie, surtout lorsqu’elle est de haute volée, fait osciller l’humeur entre le plaisir et la frustration, sans qu’il soit possible de départager ces deux sentiments. Ainsi donc du Pèlerin, bref conte de Fernando Pessoa (1888-1935) dont la rédaction fut entamée en 1917 et arrêtée, à en croire le résumé proposé par l’auteur lui-même, après environ un tiers ; probablement une envie poétique ou la naissance d’un hétéronyme ont-elles empêché que soit continué ce récit pourtant prenant et à haute teneur allégorique.

Le narrateur, un jeune homme, mène une vie paisible (« Mon enfance avait été saine et naturelle. Mon adolescence se passait sans frémissements, quasi contemplative, jusqu’au jour où apparaît sur la route un homme tout de noir vêtu qui lui dit : Ne fixe pas la route, suis-la jusqu’au bout »). A partir du moment où il reçoit cette injonction, le narrateur ressent une inquiétude qui va le pousser à prendre la route pour se lancer dans un voyage initiatique qui va le mener à l’amour.