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Les Livres

Sur les chemins noirs, Sylvain Tesson

Ecrit par Arnaud Genon , le Vendredi, 25 Novembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard, Voyages

Sur les chemins noirs, octobre 2016, 144 pages, 15 € Edition: Gallimard

 

A la lueur des « chemins noirs »

Sylvain Tesson nous avait habitués jusqu’ici aux grands dépaysements, aux échappées au cœur des Steppes (Carnets de Steppes, Glénat, 2002), aux voyages solitaires Dans les forêts de Sibérie (Gallimard, 2011). Dans Berezina (Guérin, 2015), il relatait le voyage qu’il fit en side-car avec des amis, sur les traces de la Grande Armée, de Moscou aux Invalides pour commémorer de manière singulière le bicentenaire de la retraite de Russie. Mais voilà, en mai 2014, l’écrivain baroudeur perd sa mère puis, trois mois plus tard, il chute lourdement alors qu’il escalade la façade de la maison d’un ami, à Chamonix. Ses côtes, ses vertèbres et son crâne sont brisés. « Revenu à la vie », puis de longues semaines « corseté dans un lit », il décide alors de traverser la France à pied, du sud-est du pays au nord du Cotentin. Mais pas n’importe comment : en empruntant ces « chemins noirs » – petites lignes que l’on distingue péniblement sur les cartes IGN au 25000e – « réseau de chemins campagnards ouverts sur le mystère, baignés de pur silence, miraculeusement vides ».

Le Pèlerin, Fernando Pessoa

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 25 Novembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise, Contes, Editions de la Différence

Le Pèlerin, trad. portugais Parcidio Gonçalves, 96 pages, 6 € . Ecrivain(s): Fernando Pessoa Edition: Editions de la Différence

 

Lire une œuvre inachevée, inaboutie, surtout lorsqu’elle est de haute volée, fait osciller l’humeur entre le plaisir et la frustration, sans qu’il soit possible de départager ces deux sentiments. Ainsi donc du Pèlerin, bref conte de Fernando Pessoa (1888-1935) dont la rédaction fut entamée en 1917 et arrêtée, à en croire le résumé proposé par l’auteur lui-même, après environ un tiers ; probablement une envie poétique ou la naissance d’un hétéronyme ont-elles empêché que soit continué ce récit pourtant prenant et à haute teneur allégorique.

Le narrateur, un jeune homme, mène une vie paisible (« Mon enfance avait été saine et naturelle. Mon adolescence se passait sans frémissements, quasi contemplative, jusqu’au jour où apparaît sur la route un homme tout de noir vêtu qui lui dit : Ne fixe pas la route, suis-la jusqu’au bout »). A partir du moment où il reçoit cette injonction, le narrateur ressent une inquiétude qui va le pousser à prendre la route pour se lancer dans un voyage initiatique qui va le mener à l’amour.

Le Bon Usage, Grevisse langue française, 16ème édition, Maurice Grevisse, André Goosse

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 24 Novembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Le Bon Usage, Grevisse langue française, 16ème édition, Deboeck supérieur. 1750 pages. 89 € . Ecrivain(s): Maurice Grevisse, André Goosse

 

Comment parler du Grevisse ? Comment parler d’un ouvrage dont la réputation touche au légendaire ? « Le Bon Usage » du français se confond totalement avec ce livre de référence dont il ne viendrait à personne l’idée de contester l’exactitude et la richesse. Peut-être peut-on chercher cette réussite parfaite dans le propos même de cet outil unique. La vocation du Grevisse n’est pas normative, elle est exclusivement – et avec la passion de ses auteurs – descriptive du fait que constitue la langue française, dans son évolution permanente. Le Grevisse c’est le français aujourd’hui, mais dans sa dimension historique, tournée donc vers hier et – déjà – demain.

Dès sa naissance, en 1936, le Grevisse constitue une approche radicalement nouvelle de la langue : c’est la première fois qu’un grammairien de haute volée préfère le fait à la règle, le réel du français et des normes imposées. D’aucuns, très vite, parlèrent d’ouvrage révolutionnaire. Et il est révolutionnaire car il n’édicte pas des règles au nom d’une autorité académique mais accumule les exemples et citations littéraires pour présenter les différents usages, styles et niveaux de la langue française parlée et écrite.

Quelqu’un manque, Emmanuel Darley

Ecrit par Marie du Crest , le Jeudi, 24 Novembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Théâtre, Espaces 34

Quelqu’un manque, 45 pages, 9,5 € . Ecrivain(s): Emmanuel Darley Edition: Espaces 34

 

« La langue de l’intérieur »

Quelqu’un manque, écrit en 2002 dans le cadre de la Chartreuse d’Avignon, est une pièce courte, dont la brièveté même travaille le langage et le deuil comme autant de pertes, de lacunes, de répétitions impuissantes, de silences et de non-dits. Le manque de l’autre, du compagnon malade, agonisant et défunt dont nous suivons le calvaire physique. La choralité dans la distribution (les pleureuses, Elle, le soignant, l’ami) accomplit ce travail de la recherche de ce qui s’en va, de ce qui s’efface, de ce qui meurt mais aussi de ce qui reste. Nous ne savons pas si les paroles se souviennent, ressurgissent, semblables à la mémoire. Ainsi au début du texte, les pleureuses reprennent-elles à leur compte ce « qu’il disait » ou « ce qu’elle disait » jusqu’à creuser encore plus profondément dans l’intériorité (p.30-1) :

Qu’est-ce que ça serait toi, hein, ta dernière volonté ? disais-tu.

Peut-être, après tout pourquoi pas, un verre de lait, oui, de lait bien chaud, disais-tu.

Trop de morts au pays des merveilles, Morgan Audic

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 23 Novembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Roman, Le Rouergue

Trop de morts au pays des merveilles, avril 2016, 368 pages, 22 € . Ecrivain(s): Morgan Audic Edition: Le Rouergue

 

Pour ce premier roman, Morgan Audic nous propose un vrai roman policier, solidement construit et qui accroche rapidement pour ne nous lâcher qu’à la fin. On ne saurait s’en plaindre ! Son plus, son originalité, c’est la référence que le titre dévoile d’entrée de jeu à l’œuvre de Lewis Carroll qui sera une manière de fil conducteur dans le récit et l’écriture. Porté par cet esprit de jeu, l’auteur fait d’Alice une jeune femme mystérieusement disparue mais dont le reflet ne cesse de hanter son mari, un certain Christian Andersen, avocat et partiellement amnésique… Amnésique sur ce qui s’est passé au moment de la disparition d’Alice mais redoutablement efficace lorsqu’il s’agit de plaider, y compris les dossiers qui paraissent indéfendables.

En parallèle, voilà qu’un tueur en série, le « marionnettiste », pourtant sous les verrous, refait parler de lui car de nouvelles victimes, trop semblables aux siennes, font surface. Alice pourrait bien en être… Il n’en faut pas plus pour que la boxeuse Diane Kellerman renonce à sa préparation de championnat pour replonger dans une enquête où elle n’a pourtant rien à faire, ayant été chassée de la police pour avoir confondu intimes convictions et preuves méthodiques.