Identification

Les Livres

A l’école en Algérie des années 1930 à l’Indépendance, Martine Mathieu-Job

Ecrit par Dominique Ranaivoson , le Lundi, 16 Avril 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Histoire

A l’école en Algérie Des années 1930 à l’Indépendance, éd. Bleu autour, mars 2018, 368 pages, 25 € . Ecrivain(s): Martine Mathieu-Job

 

Ce livre collectif rassemble 54 témoignages d’anciens élèves passés par les écoles françaises en Algérie avant 1962 et qui vivent et écrivent actuellement en France. Il suit le même principe que les titres précédents de la collection, qui, sous la direction de Leïla Sebbar, rassemblaient des textes sur l’enfance juive (Une enfance juive en Méditerranée musulmane, 2012) puis sur l’enfance pendant la guerre (Une enfance dans la guerre. Algérie 1954-1962, 2016). Une grande partie des contributeurs (33), sous la direction de Martine Mathieu-Job originaire de Blida, sont les mêmes. Hommes et femmes, issus de familles juives, arabes, kabyles, métropolitaines, de colons, scolarisés à Alger, Constantine, Oran, en campagne, sont invités à dérouler la « pelote des souvenirs » (Alain Vircondelet, 317) pour inscrire ensemble la « trace mémorielle » (Noureddine Saadi, 285) de ce temps perdu resté si vivant en eux. Ils évoquent tous leur entrée dans l’institution, la place de l’école dans leur milieu, les éventuels autres lieux éducatifs (école coranique et talmudique, cinéma), leurs autres langues, la pédagogie, les programmes, les jeux. Ils égrènent les noms des rues, des écoles, des enseignants, des camarades, s’arrêtent sur l’anecdote qui les a marqués.

Chronique d’un meurtre annoncé, David Grann

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 12 Avril 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Récits, Allia

Chronique d’un meurtre annoncé (A Murder Foretold), trad. américain Damien Aubel, 110 pages, 3,10 € . Ecrivain(s): David Grann Edition: Allia

 

Voilà un livre (presque) minuscule. 110 pages dans un mini-format. Il n’en faut pas plus à David Grann pour nous coller à notre fauteuil. Il nous raconte, par le menu, l’incroyable, l’improbable affaire Rosenberg survenue au Guatemala en 2009. Si vous connaissez l’affaire, rassurez-vous, l’art narratif de David Grann la rend quand même passionnante. Si vous ne la connaissez pas, attendez-vous à sauter en l’air quand les clés de l’intrigue vous seront révélées.

Tout commence par un double assassinat, celui de Khalil Musa, riche industriel guatémaltèque et de sa jolie fille, Marjorie (tuée par « accident » lors du meurtre de son père). Or un célèbre avocat, Rodrigo Rosenberg, ami des Musa, était follement amoureux de Marjorie et comptait l’épouser bientôt. Rosenberg sombre dans une dépression terrible, puis se convainc rapidement de la culpabilité du pouvoir guatémaltèque qui aurait fait abattre Musa pour empêcher des révélations sur des malversations au ministère de l’intérieur.

Vers la beauté, David Foenkinos

, le Jeudi, 12 Avril 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Vers la beauté, mars 2018, 224 pages, 19 € . Ecrivain(s): David Foenkinos Edition: Gallimard

 

C’est avec La Délicatesse que David Foenkinos signait son premier grand roman et c’est avec délicatesse justement qu’il nous invite à entrer dans l’univers pourtant tragique de Vers la Beauté.

Camille est une lycéenne un peu particulière, très solitaire et peu encline à partager les activités communément prisées par les adolescentes de son âge. Mais l’on comprend rapidement qu’elle est dotée d’une sensibilité artistique exceptionnelle, qui l’entraîne loin de l’effervescence qui devrait être celle de ses jeunes années. Sa mère, Clara, et son père, plus en retrait, tous deux profondément aimants, l’encouragent dans cette voie, à la fois contemplative et créatrice, puisqu’elle semble être la seule à même de garantir son épanouissement personnel. Et en effet, elle se transforme, se révèle, aussi bien à elle-même qu’à son entourage, à  compter du jour où elle s’initie à la peinture. Et puis survient le drame : deux minutes de violence irréversibles qui font basculer toute sa vie dans la béance de la terreur et du non-dit. Camille s’effondre, se terre dans le silence, s’abîme dans le désir de s’effacer, de disparaître, de ne plus être-au-monde.

Une fille d’Alger, Jean-Michel Devésa

Ecrit par Theo Ananissoh , le Mercredi, 11 Avril 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Une fille d’Alger, éditions Mollat, mars 2018, 143 pages, 20 € . Ecrivain(s): Jean-Michel Devésa

 

Comme dans Bordeaux la mémoire des pierres, son précédent et premier roman, Jean-Michel Devésa livre dans Une fille d’Alger– avec la même qualité d’écriture et d’atmosphère – un mélancolique exercice de mémoire.  Hier, c’étaient des vies et des amours en proie au franquisme ; dans ce deuxième roman, ce sont d’autres déchirements tout aussi douloureux, ceux de la fin de l’Algérie française dans laquelle l’auteur est né. Jean-Michel Devésa ne choisit pas – si tant est qu’on soit libre à ce propos – des périodes pour ainsi dire légères. Dans Une fille d’Alger, le romancier semble lui-même très impliqué. Le narrateur nous fait le récit autour de 2015. Il est interne au roman d’une manière particulière – par ses souvenirs d’enfant à Bab El Oued puis d’adulte revenu en Algérie dans les années 80 – double coïncidence avec la biographie de l’auteur. Mais cette voix qui conte n’est nulle part nommée autrement que par « le narrateur » ou « le scripteur ». Il n’est du reste pas le seul qui nous rapporte les faits. Hélène Samia Lapérade, « bâtarde d’une Française et d’un bicot », ladite fille d’Alger sans doute, complète régulièrement ce récit de la fin d’un monde en terre algérienne. Question de cohérence. Si le narrateur-auteur est lui-même présent dans le roman, c’est à Hélène Samia de dire mieux son intimité de prostituée et… d’amoureuse de Raymond Rossi, un parrain du milieu plutôt placide.

Sillons, Laura Tirandaz, Judith Bordas

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 11 Avril 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Arts

Sillons, Aencrages & Co, coll. voix de chants, avril 2017 (pas de pagination), 18 € . Ecrivain(s): Laura Tirandaz, Judith Bordas

 

Les linogravures de Judith Bordas jouent de quelques couleurs (bleu délavé, lie de vin, orange, jaune…) pour matérialiser flou, personnages, empreintes sur une plage, avec un rendu proche des papiers peints.

Tissant texte et œuvre graphique, la maison d’édition, spécialisée en poésie, propose ici le travail en prose poétique de Laura Tirandaz, entre récit d’un œil ambulant, sensations naturalistes et descriptions d’un petit monde qui circule à l’heure des vacances, dans ce port non nommé, au bord de la Grande Bleue.

L’œil ethnographe enregistre tout : un homme réfugié sur le sable, des « pissotières », un marché qui se monte, la circulation de l’air, des gens, le ciel et ses « mouettes (qui) jouissent du spectacle », une mère et son enfant, le regard s’appuie, décèle, pointe, scrute, les étals, les mains, un retour au passé (par le biais d’une stèle commémorative « Morts en Algérie »). La prose, non ponctuée, sert excellemment le propos d’enregistrer au kilomètre, à la chaîne, les impressions, les rendus, quitte à réserver entre les lignes des motifs d’émotions.