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Les Livres

La Solitude des étoiles, Martine Rouhart

Ecrit par Patrick Devaux , le Lundi, 19 Mars 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

La Solitude des étoiles, Editions Murmure des soirs, octobre 2017, 219 pages, 19 € . Ecrivain(s): Martine Rouhart

 

La première chose qui vient à l’esprit en lisant ce roman, ce n’est pas ce qu’il raconte mais le ton très « humain » qui ramène au quotidien, à la réflexion sur soi, sur autrui : « Je me demande comment j’ai pu fabriquer une fille pareille, plus fermée qu’une huître. Pas facile d’élever un enfant, d’en faire quelqu’un qui sera heureux ».

Tout en racontant ses personnages, il y a parallèlement, chez la romancière, une sorte de permanent discours intérieur qui est davantage de la réflexion que de l’introspection, une sorte de réflexion intérieure qui traverse le quotidien en effleurant la philosophie globale : « lorsqu’on est au fond du trou, il est difficile d’en sortir si l’on n’a pas de véritable raison de le faire ».

La solitude des êtres confrontée à celle des étoiles très éloignées entre elles motive le choix personnel : « Je me demande ce qui nous empêche de rester nous-mêmes, on se sentirait déjà moins seul ».

La Femme qui attendait, Andreï Makine

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 16 Mars 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Points

La Femme qui attendait, 214 pages, 6,50 € . Ecrivain(s): Andreï Makine Edition: Points

 

Sur le bord de la mer Blanche, à Mirnoïé, un village fantôme sibérien où ne vivent que des enfants, des femmes et des vieillards, perdu entre un lac et une forêt, sous le brouillard et la neige, une femme, Véra, attend, depuis trente ans, le retour de l’homme qu’elle aime, parti au front dans les derniers jours de la deuxième guerre mondiale.

Le narrateur, journaliste écrivain chasseur collecteur de traditions folkloriques en voie de disparition, désabusé du régime soviétique et fatigué de jouer, dans le cercle d’artistes qu’il fréquente, « l’occidental de paille », arrive, avec l’idée d’y passer quelques jours, dans ce lieu désolé, isolé, et, comme pris par les glaces, y séjourne, plus longtemps qu’il ne l’avait prévu, fasciné par l’étrangeté de l’endroit « gelé » dans l’espace et le temps, et par la beauté et le mystère de cette femme hors du commun dont, par déformation professionnelle, il cherche à connaître l’histoire et à mettre à nu la psychologie.

Plein emploi, Jean-Claude Pirotte

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 16 Mars 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Le Castor Astral

Plein emploi, 176 pages, 15 € . Ecrivain(s): Jean-Claude Pirotte Edition: Le Castor Astral

 

 

Ouvrage posthume du romancier, poète et peintre Pirotte (1939-2014), Plein emploi propose six sections de poèmes très variés par l’écriture, par les thèmes aussi.

Dans cet ultime opus poétique, les noms d’autres poètes viennent caresser les vers, les baigner (le poète résida les derniers temps à la Mer du nord, sur la côte belge) d’une sérénité qu’il ne trouvait plus : la mort, en voisine encombrante, la maladie, à l’étage, les tracas du grand âge au vestibule, venaient tonner dans l’âme du poète. Alors les noms de Baron, Dhôtel, Fargue, Venaille, Reverdy, Perros… l’ancrent un peu plus en terre de poésie. Et Follain, sans doute le maître incontournable, de simplicité, ranime chez Jean-Claude les reliefs bénis d’une enfance toujours à prospecter, toujours à honorer de quelques vers :

Pavillon Moïana, Gilles Ortlieb

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Vendredi, 16 Mars 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Fata Morgana

Pavillon Moïana, février 2018, 40 pages, 10 € . Ecrivain(s): Gilles Ortlieb Edition: Fata Morgana

 

L’essence de la littérature est d’être obsessionnelle. Mais cette obsession n’est pas forcément celle du plaisir mais de la nécessité. Ortlieb crée ici dans un « présent gnomique », un soliloque hommage au frère. Hommage n’est d’ailleurs pas le mot : il s’agit plutôt d’une longue descente dans les affres de l’agonie. Nulle contemplation pour autant. Ortlieb permet d’entrer en ce qui ne se pense pas vraiment : non que les douleurs soient muettes mais intransmissibles : elles se constatent c’est tout.

Il se peut que pour l’exorciser, l’auteur reconstruise quelque chose du passé qui l’obsède. « Extériorisée » la douleur du mourant et de ceux qui l’accompagnent, ne laisse pas le lecteur en un état de passivité. Ni indemne. Si c’est le cas cela est grave. Car la réalité de la douleur se touche ici  travers la chair et jusqu’aux « os » quasi visibles à mesure que la vie s’efface.

Face à cette présence de l’inconcevable, Ortlieb confronte le lecteur au cœur d’une émotion aux dimensions terribles, là où l’illusion n’est plus possible. Le sac de « peau » montre sa pâleur intérieure au moment où l’échange devient sourd, indicible. Pour l’exprimer, le langage est ramené lui aussi à sa fibre. Il ne supporte pas d’effets de style. Aucune métaphore. Ortlieb sait qu’elle ne soigne rien, ne cautérise pas la plaie du réel.

Serena, Ron Rash

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 15 Mars 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Le Livre de Poche

. Ecrivain(s): Ron Rash Edition: Le Livre de Poche

 

Se faire une place dans la littérature du Sud aux Etats-Unis relève de l’exploit depuis le passage époustouflant de William Faulkner dans le Delta. Peu y sont parvenus. Serena est la preuve que Ron Rash compte parmi ceux-là, au plus haut niveau.

Ce roman est d’une puissance, d’une violence, d’une grandeur de tous les instants. Le portrait de Serena Pemberton entre dans les plus grandes figures de femmes de la littérature. Si le cynisme de Scarlett O’Hara – emblème s’il en est des femmes du Sud – était déjà marquant, celui de Serena repousse toutes les limites de l’ambition personnelle jusqu’aux terres de la folie, jusqu’aux meurtres en série.

La violence de ce roman n’attend guère pour nous saisir. Elle déferle sur nous dès la 9ème page. A l’arrivée de Pemberton en gare de Waynesville (Caroline du Nord), accompagné de sa toute nouvelle épouse, Serena, connue depuis peu à Boston, une altercation tourne au drame. Harmon, un vieil homme qui veut défendre l’honneur de sa fille engrossée par Pemberton, est poignardé en public sur le quai de la gare.