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Les Livres

Bleu Calypso, Charles Aubert (par Marc Ossorguine)

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 03 Avril 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Slatkine

Bleu Calypso, janvier 2019, 320 pages, 20 € . Ecrivain(s): Charles Aubert Edition: Slatkine

 

Attention, Bleu Calypso est un leurre ! Un leurre destiné à la pêche et que fabrique le narrateur, Niels Hogan. Dans le récit, ce leurre s’avère particulièrement efficace pour attraper les loups qui s’aventurent dans les étangs. Pour ceux qui ne vivent pas sur les côtes de la Méditerranée, précisons que les loups sont bien des poissons, connus sur d’autres rivages sous le nom de bar.

Ayant fui les tracasseries et la folie d’une grande ville (peu importe laquelle, elles se valent toutes plus ou moins), Niels s’est réfugié dans une cabane sur les bords d’un des étangs qui étendent leur miroir entre Sète et le sud de Montpellier. Il a coupé les ponts avec sa vie d’avant et fabrique des leurres très prisés des pêcheurs. Pas de n’importe quels pêcheurs. De ceux qui choisissent de toujours relâcher leur prise et qui aiment autant l’efficacité de cette chasse aquatique que la beauté du geste ou de la stratégie.

Sollers en peinture, Olivier Rachet (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 03 Avril 2019. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Tinbad

Sollers en peinture, mars 2019, 220 pages, 21 € . Ecrivain(s): Olivier Rachet Edition: Tinbad

Olivier Rachet : « dialogue » avec Sollers.

Olivier Rachet donne au Sollers, critique d’art, esthète, écrivain (forcément) et homme de « goût » (mot clé pour le sujet et pour l’auteur de Paradis lui-même), le premier essai consacré à la peinture dans son œuvre.

L’analyste ne s’est pas contenté des multiples articles en revue (les siennes, Tel Quel, L’infini, ou celles des autres, et dans la presse dont Le Monde entre autres) : il s’est frotté tout autant aux textes de « fiction » dans un texte où tout est dit des partis-pris jouissifs comme des « crucifixions » de Sollers qui au besoin pourrait se déguiser en soldat roman face à certains crétins.

Par ailleurs, il propose parfois une forme de dialogue à la fois critique et autocritique dans lequel il s’amuse. L’auteur et son modèle s’interpellent : page 184, par exemple, l’un reproche à l’autre d’être allé « baiser la mule du pape Jean-Paul II ». Et l’accusé de répondre de manière apocryphe : « que l’on puisse sortir indemne de l’enfer et de la damnation en rayonnant en peinture, vous agacez terriblement ».

Physique de l’esprit Empirisme, médecine et cerveau (XVIIe-XIXe siècles), Céline Cherici, Jean-Claude Dupont, Charles T. Wolfe (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 02 Avril 2019. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Hermann

Physique de l’esprit Empirisme, médecine et cerveau (XVIIe-XIXe siècles), Céline Cherici, Jean-Claude Dupont, Charles T. Wolfe, janvier 2018, 248 pages, 24 € Edition: Hermann

 

« Poe avait un front vaste, dominateur, où certaines protubérances trahissaient les facultés débordantes qu’elles sont chargées de représenter – construction, comparaison, causalité –, et où trônait dans un orgueil calme le sens de l’idéalité, le sens esthétique par excellence ». Cette remarque de Baudelaire au sujet de l’écrivain américain dont il se fit l’intercesseur empressé, est inintelligible si l’on néglige son arrière-plan médical. Le poète convoque ici ce que nous regardons comme une « fausse science », qui connut toutefois un succès durable au XIXe siècle : la phrénologie ou étude des bosses du crâne, élaborée par le médecin allemand Franz Joseph Gall (1758-1828). Son idée était assez simple pour qu’elle fût séduisante : toutes les facultés de l’esprit devraient avoir une manifestation, une transcription anatomique, dans la forme du crâne et particulièrement dans la présence, à certains endroits, de certains reliefs (un crâne humain est rarement aussi lisse qu’on œuf ou un galet). Gall élabora une véritable cartographie de l’occiput.

Cachées par la forêt, Éric Dussert (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 02 Avril 2019. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, La Table Ronde

Cachées par la forêt, octobre 2018, 576 pages, 22 € . Ecrivain(s): Éric Dussert Edition: La Table Ronde

 

Ce livre qui rend hommage à des écrivaines oubliées par le monde des lettres ou introuvables en librairie prend la forme d’un véritable dictionnaire chronologique de ces femmes talentueuses que de nombreuses circonstances ont « cachées » du parcours régulier, à l’ombre de grands noms ou de personnalités qui se sont mises en avant.

De Ono No Komachi (825-900) à Emma Dante (1967), l’essayiste dresse un beau bilan de noms à sauver de l’oubli même si la sentence qui clôt nombre de notices s’intitule « Aucun livre de * n’est disponible ».

Beaucoup de découvertes, et aussi plusieurs noms qui sonnent leur reconnaissance, je n’en veux pour preuves que ceux d’Inès Cagnati, de Grazia Deledda, de Marguerite Audoux, de Christiane Rochefort. Les auteures du Jour de congé ou des Petits enfants du siècle sont de nouveau éclairées et ce n’est que justice.

La Vie lente, Abdellah Taïa (par Arnaud Genon)

Ecrit par Arnaud Genon , le Lundi, 01 Avril 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Seuil

La Vie lente, mars 2019, 272 pages, 18 € . Ecrivain(s): Abdellah Taïa Edition: Seuil

Voilà bientôt vingt ans qu’Abdellah Taïa publie des livres. Patiemment, il construit une œuvre forte, cohérente, qui tourne toute entière autour de la question de la rencontre du monde arabe et de l’Occident, de leur histoire réciproque, de leur avenir incertain. Partant d’un « je », de son « je », celui d’un homosexuel marocain ayant grandi dans le quartier pauvre de Hay Salam, à Salé, à côté de Rabat, Abdellah Taïa mène son œuvre vers un « nous », donnant la parole à tous les exclus, à ceux que la société méprise et bâillonne, où qu’ils soient, d’où qu’ils viennent.

Dans La Vie lente, son nouveau livre, cette rencontre s’incarne à travers les deux personnages principaux que sont Mounir Rochdi, marocain homosexuel de quarante ans, et Madame Marty, une octogénaire vivant seule dans le Paris post attentats de 2015. Lui, il a quitté son pays dans lequel, adolescent, il avait été « persécuté par des hommes hétérosexuels affamés de sexe », et a obtenu en France « un doctorat sur Fragonard et le roman libertin au XVIIIe siècle ». Elle, c’est une « pauvre française qui survit depuis les années 1970 dans un studio de 14 mètres carrés ». Plus jeune elle avait travaillé pour une famille bourgeoise du 7e arrondissement puis avait préféré rester à Paris plutôt que d’aller s’enterrer en Ardèche avec son mari et son fils. Elle s’était ensuite installée à Barbès où vivent les gens pauvres.