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La Une CED

A propos de "La Cheffe, roman d’une cuisinière", Marie Ndiaye, par Sandrine Ferron-Veillard

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Lundi, 24 Octobre 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

Chère Marie,

Je voudrais répondre à votre livre sans parler du lecteur que je fus. J’aimerais me mettre à table avec vous, nous asseoir ensemble, l’entrée d’abord puis le plat puis le dessert, discuter lentement de cette cérémonie spirituelle. Un livre et une lecture où le mot est aimant, fade quand d’autres l’utilisent pour louer la cuisine de « votre » Cheffe, elle s’en méfie d’ailleurs des mots qui enferment et ne disent rien que le goût de l’encre et la sécheresse du papier. « Je » votre narrateur, la décrit aujourd’hui, tel un récit posthume, réanime Cheffe : « je » son jeune commis, peut-être même son ultime confident. Votre livre est bien là une longue confidence, pleine et laconique, dont le lecteur perçoit d’emblée l’intime et la mélancolie. Vous mélangez les temps, vous distillez les dates, vous jouez avec mes sens et mon orientation. Cheffe est née d’une famille d’ouvriers agricoles, après la seconde guerre mondiale, au sein d’une petite maison de Sainte-Bazeille. De son enfance, Cheffe n’aurait jamais permis que vous la qualifiassiez de misérable.

Pas un geste, par Joëlle Petillot

Ecrit par Joelle Petillot , le Lundi, 24 Octobre 2016. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles

 

Ça a commencé un lundi, tard le soir. Je suis rentrée chez moi, comme toujours après le travail, en marchant vite parce qu’il faisait froid. Le chat est venu tout de suite frotter son poil sur mon pantalon. Je voyais son joli museau ouvert-fermé, ouvert-fermé. C’est ce que j’appelle le ballet du museau. Quand je pose la main sur mon petit ami, que je parcours son dos souple en signe de retrouvaille, je sens une vibration étrange sur ma paume. J’appelle cela le petit bonjour. Le grand bonjour consiste en un nœud gracieux de virages tricotés entre mes deux jambes, avec un arrêt-frottement-de-la-joue répété, puis une fuite rapide dans une autre pièce. Ensuite, il revient, et de nouveau, ballet-du-museau ; il a faim. A ceci j’offre la danse de mes mains, il les regarde de ses yeux d’émeraudes, et s’agite car il connaît le signe : Manger-pour-toi.

Il s’assoit, sans perdre une miette de la porte de placard qui s’ouvre, le paquet blanc et orange qui déverse dans sa gamelle bleue la pluie de croquettes attendue, puis se précipite quand je pose mon présent à terre.

A propos de Penser le XXe Siècle de Tony Judt, par Didier Smal

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 22 Octobre 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques

Penser le XXe Siècle, Tony Judt (avec la collaboration de Timothy Snyder), Héloïse d’Ormesson, juin 2016, trad. anglais Pierre-Emmanuel Dauzat, 528 pages, 24 €

 

Cher Léon-Marc,

Nous sommes bien d’accord sur une règle rédactionnelle de base, que j’applique d’ailleurs depuis mes premières critiques musicales, il y a plus de vingt ans : une critique ne s’écrit pas à la première personne. Quand bien même elle présente une opinion personnelle, celle-ci doit tendre à une forme d’objectivité par l’emploi des pronoms personnels et s’appuyer sur des éléments concrets puisés dans l’œuvre critiquée. Dans le même ordre d’idée, j’interdis d’ailleurs à mes élèves d’écrire l’infâme « l’auteur nous dit que » : primo, l’auteur ne s’adresse pas à « nous » spécifiquement ; secundo, il ne dit rien, à la limite, il écrit. Bref. Ces prolégomènes sont destinés à attirer votre bienveillance, Léon-Marc, parce que je vais faillir à cette règle dans les largeurs, et que, vous qui avez personnellement connu Tony Judt (1948-2010), ainsi que vous me l’avez fait savoir dans un échange de mails récent, comprendrez bien que lire un livre tel que Penser le XXe Siècle, ce n’est pas juste être confronté à des idées ; c’est, si on a un quelconque fond de sensibilité, voir ses certitudes, son mode même de pensée vaciller ; c’est une expérience personnelle, en somme, et je ne peux pas feindre la neutralité et l’objectivité dans l’évocation de ce livre particulier.

Mère (6), par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 21 Octobre 2016. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

Moi, je ne voyage plus, et c’est la dernière fois que je viens ici. J’en ai assez.

Une identité à part entière.

Une transformation progressive des caractères naturels pour aller du côté de la mère, de la mère et ses crises d’hypocondrie. Ses plaintes.

Mon frère et ma sœur.

Enchantée.

Elle s’est prise dans des histoires de karma hindou inextricables. Et c’est à cette époque qu’elle a fréquenté assidûment les diseurs de bonne aventure, à tirer le Yi-King sans aucune cohérence. Ma mère ne voyait rien et préférait jouer au Triomino des heures entières dans la cuisine et se fermer doucement à toute idée de guérison. Elle est morte, voilà tout.

Une fille et un flingue, Entretien avec Ollivier Pourriol, par Sophie Galabru

Ecrit par Sophie Galabru , le Jeudi, 20 Octobre 2016. , dans La Une CED, Les Dossiers, Entretiens

 

Ollivier Pourriol est philosophe et écrivain. Dès 2001 on le découvre comme romancier avec Mephisto valse, suivi de deux autres romans – Le Peintre au couteau en 2005, Polaroïde en 2006 – et en 2013 par une comédie sur l’univers de Canal+ intitulée On/Off. En août 2016, il publie son dernier livre, Une fille et un flingue, aux Editions Stock. On y découvre l’histoire des jeunes frères Koulechov, étudiants en cinéma, un peu voyous, un peu rêveurs, désireux de devenir eux aussi des noms du cinéma français. Pour y arriver, ils vont concevoir leur film comme on organise un hold-up, avec la complicité involontaire de Catherine D.

 

Sophie Galabru : Une fille et un flingue, ou Catherine Deneuve et un braquage, c’est ce qui suffit aux frères Koulechov pour concrétiser leur film. Est-ce l’histoire d’un amour pour le cinéma français ou d’une imposture ? Que veulent-ils au fond ? réaliser un film ou devenir célèbres ?