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La Une CED

Le Scalp en feu (X), par Michel Host

Ecrit par Michel Host , le Samedi, 03 Décembre 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

« Poésie Ô lapsus », Robert Desnos

 

Le Scalp en feu est une chronique irrégulière et intermittente dont le seul sujet, en raison du manque et de l’urgence, est la poésie. Elle ouvre un nombre indéterminé de fenêtres de tir sur le poète et son poème. Selon le temps, l’humeur, les nécessités de l’instant ou du jour, ces fenêtres changeront de forme et de format, mais leur auteur, un cynique sans scrupules, s’engage à ne pas dépasser les dix à douze pages, ou à peine plus, pour l’ensemble de l’édifice. Le Scalp est publié, simultanément ou non, par les magazines en ligne : La Cause littéraire, et Recours au poème. Lecteur, ne sois sûr de rien, sinon de ce que le petit bonhomme, là-haut, ne lèvera jamais son chapeau à ton passage car, fraîchement scalpé, il craint les courants d’air (Michel Host)

Un palimpseste pour l’oubli ! (2), par Nadia Agsous

Ecrit par Nadia Agsous , le Vendredi, 02 Décembre 2016. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

A leur tour, les occupant-es de la Basse Casbah mettent en branle leur machine à fabriquer les mythes :

« Mais non ! Mais non ! Vous êtes devenus fous ou quoi ? Mais non ! Ces êtres sont les petits-enfants des djinns des jardins du Roi Shahlilar qui ont pris des formes humaines ! Méfiez-vous ! Ils sont insidieux. Tantôt ils incarnent le bien, tantôt ils épousent le mal. Ils errent dans les interstices du temps et éliminent tout ce qui obstrue leur chemin. Ce sont eux qui ont égorgé les dix-huit poètes qui ont osé révéler à la face du monde leurs desseins meurtriers et destructeurs ! Ô hommes d’ici, rappelez-vous du jour où ils ont kidnappé et violé les huit filles du propriétaire du bar pour se venger de leur père qui incitait les hommes à la débauche et les éloignait du chemin d’Allah. Souvenez-vous de cette journée funèbre où les mots se sont tus. Où les cœurs se sont durcis. Ce jour du malheur où l’obscurité et la peur ont forcé les portes de vos vies empêtrées dans des angoisses d’une terrifiante complexité ».

Ekphrasis - à propos de Rembrandt, Jean Genet

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 01 Décembre 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques

Rembrandt, Jean Genet, Gallimard, novembre 2016, 80 pages, 12 €

 

Et s’étant levé de fort bonne heure, il prit ses deux femmes et leurs deux servantes, avec ses onze fils, et passa le gué de Jacob. Après avoir fait passer tout ce qui était à lui, Il demeura seul en ce lieu-là. Et il parut en même temps un homme qui lutta contre lui jusqu’au matin. Cet homme, voyant qu’il ne pouvait le surmonter, lui toucha le nerf de la cuisse, qui se sécha aussitôt. Et lui dit : laissez-moi aller, car l’aurore commence déjà à paraître. Jacob lui répondit : Je ne vous laisserai point aller que vous ne m’ayez béni. Cet homme lui demanda : Comment vous appelez-vous ? Il lui répondit : Je m’appelle Jacob. Et le même homme ajouta : On ne vous nommera plus à l’avenir Jacob, mais Israël ; car si vous avez été fort contre Dieu, combien le serez-vous davantage contre les hommes ? Jacob lui fit ensuite cette demande : Dites-moi, je vous prie, comment vous vous appelez. Il lui répondit : Pourquoi demandez-vous mon nom ? Et il le bénit en ce même lieu-là, en disant : J’ai vu Dieu face à face, et mon âme a été sauvée. Aussitôt qu’il eut passé ce lieu, qu’il venait de nommer Phanuel, il vit le soleil qui se levait ; mais il se trouva boiteux d’une jambe. C’est pour cette raison que, jusqu’aujourd’hui, les enfants d’Israël ne mangent point du nerf des bêtes, se souvenant de celui qui fut touché en la cuisse de Jacob, et qui demeura sans mouvement (chapitre XXXII, 22-32, La Bible).

Mère (12), par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 01 Décembre 2016. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

Elle volait n’importe quoi, surtout au Prisunic et aux Galeries Lafayette. Des parfums, des broches, des parapluies. Mon père est venu deux fois au poste de police. Très en colère.

C’était une famille unie qu’elle a sciemment désunie.

Regarde.

Des bestioles rouges ?

J’ai compris.

L’abus des médicaments n’est pas neutre, et ça a des conséquences.

Boire. Je veux boire.

Le vieillard et le premier cahier, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Mercredi, 30 Novembre 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

« … Le pays se déchire comme un vieux journal. Je regarde et je tente de rassembler les morceaux pour comprendre, mais je n’y arrive pas ! La météo se mêle au blé, un général parle pendant qu’on distribue des logements, une réforme est annoncée alors que la pluie n’est pas tombée. C’est chacun dans son coin. Comme s’il ne restait du lien du sang que les martyrs d’autrefois. C’est épars, dans le vent mais sans le sens. Comme mon corps : je sais que je glisse vers la tombe en froissant ma peau par la vieillesse, mais le monde m’apparaît comme un jeu de cartes éparpillées. Il y a sûrement une règle de jeu. Mais je l’ai oubliée à la naissance, je crois. Comme tout le monde.

C’est alors qu’on me sort une chaise et qu’on me met au soleil vers 11h dans la petite cour de la maison au village. C’est un moment de bonheur que de sentir le soleil et de regarder les avions minuscules quand ils passent dans le ciel bleu et tracent un trait de fumée blanche. J’imagine les vies dedans, leurs buts laborieux, tout le tintamarre des préoccupations et des peurs, la galaxie des objets qu’on a tous dans la tête et les poches et les sacs et qui nous suivent et nourrissent leur nécessité de nos désirs.