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Iles britanniques

La Capture, Mary Costello (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 27 Novembre 2020. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Seuil

La Capture, Mary Costello, août 2020, trad. anglais, Madeleine Nasalik, 272 pages, 19,90 € Edition: Seuil

 

Certes, c’est un roman, mais c’est, avant toute chose, une certaine façon d’écrire très personnelle : « Il poursuit son chemin. Les arbres l’apaisent. La vue d’un arbre, surtout en hiver, la silhouette nue qui se découpe contre le ciel, une splendeur. Il s’arrête, caresse un tronc. Jeune, fragile, innocent ». L’écriture s’active dans une sorte d’instantané même quand le passé est évoqué, ce qui m’a parfois fait songer à Duras.

Cette façon très personnelle de présenter le roman, avec souvent des personnages en introspection d’eux-mêmes, donne récit à cette âme profonde qui révèle une plume.

Ce n’est, toutefois, nullement un style donnant une apparence édulcorée, ni dans le ton, ni dans le sujet : « Il se souvient de la peur qu’il a eue la fois où il a mangé des asperges donnant à sa pisse une forte odeur de soufre ». Les images sont prises « en direct », scénarisées.

L’Invitation à la valse, et Intempéries, Rosamond Lehmann (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 13 Novembre 2020. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Belfond

L’Invitation à la valse, et Intempéries, Rosamond Lehmann, Belfond Vintage, octobre 2020 (235 pages, et 511 pages), 14 € Edition: Belfond

 

Rosamond Lehmann, romancière britannique ayant quasiment traversé le XXe siècle, est une importante figure de la littérature de son pays. Proche du groupe de Bloomsbury dont une certaine Virginia Woolf faisait partie, elle étudie la littérature anglaise à Cambridge, possibilité peu offerte aux femmes à cette époque. Deux de ses romans, L’Invitation à la valse, et Intempéries, sont significatifs de son parcours.

Dans L’Invitation à la valse, nous assistons au déroulement de la jeunesse et au sortir de l’adolescence d’Olivia Curtis, une jeune fille de bonne famille. Olivia vit à Little Compton, localité de l’Angleterre où tout le monde se connaît, partage souvent les mêmes fréquentations. Le jour de son dix-septième anniversaire, Olivia reçoit des présents qui la comblent : un billet de dix shillings, un chérubin de porcelaine et un ruban de soie, ce dernier cadeau provoque en elle une grande joie. Olivia Curtis doit bientôt assister au bal organisé chez lord et Lady Spencer, un couple appartenant aux notabilités locales, dont l’appréciation peut être précieuse pour entrer dans le monde et trouver un fiancé.

Tom et le jardin de minuit, Philippa Pearce (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 09 Novembre 2020. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Folio (Gallimard), Jeunesse

Tom et le jardin de minuit, Philippa Pearce, trad. anglais, Cécile Lœb, 238 pages, 8,90 € Edition: Folio (Gallimard)

 

En 1958, Tom’s Midnight Garden de Philippa Pearce reçoit la Carnegie Medal, prix prestigieux qui, depuis 1936, récompense chaque année un ouvrage destiné à la jeunesse. Le roman qui nous intéresse paraît pour la première fois en français en 1969, chez Fernand Nathan, et connaît des rééditions assez régulières depuis.

Son frère Peter ayant la rougeole, Tom Long se voit obligé de quitter le foyer familial et de vivre, pendant quelques jours, chez son oncle et sa tante, qui habitent au premier étage d’une grande maison à appartements. Malgré les bonnes intentions dont on l’entoure, Tom est amer et déplore qu’il n’y ait pas de jardin. Une nuit, incapable de s’endormir, il entend la très vieille horloge de l’entrée sonner treize coups. N’y croyant pas, il se lève et descend au rez-de-chaussée. La maison semble lui parler et l’inciter à ouvrir la porte de la cour : or, à la place de la cour, il découvre un immense jardin, joliment entretenu, sous un ciel d’été ensoleillé. Un endroit rêvé dont il va faire son refuge pour jouer. Un endroit étrange aussi, où les saisons peuvent s’écouler très rapidement, alors que quelques minutes à peine se sont passées lorsqu’il regagne l’entrée de la maison en pleine nuit.

Summer Mélodie, David Nicholls (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 23 Octobre 2020. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Belfond

Summer Mélodie, David Nicholls, mai 2020, trad. anglais, Valérie Bourgeois, 512 pages, 22 € Edition: Belfond

 

Il faut savoir lire en écrivain pour traduire aussi bellement l’œuvre originale qu’on lit très clairement à travers cette traduction de Valérie Bourgeois. A la lecture, on remarque le roman ressenti de façon profonde avec sans doute autant de subtilité que dans la langue d’origine. Je n’ai pas, comme assez souvent, cette impression d’œuvre « traduite » mais de vraies sensations à lire une langue diversifiée, ce qu’elle est aussi certainement dans la langue d’origine.

Le roman commence par une fausse fin du monde « attendue » lors d’un cours de physique. L’atmosphère « jeune » est présente d’emblée et chacun peut ressentir profondément l’éventuelle nostalgie de cet âge où premier amour rime avec « toujours ».

Le roman situe bien l’idée qu’on peut se faire d’une rencontre aléatoire et d’un destin enclenché par une rencontre tout-à-fait fortuite :

Le Cafard, Ian McEwan (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 20 Octobre 2020. , dans Iles britanniques, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Roman, Gallimard

Le Cafard, Ian McEwan, Gallimard, mai 2020, trad. anglais, France Camus-Pichon, 154 pages, 16 €

Les cafards dorment-ils ? On suppose que oui, même si on avoue ne s’être jamais posé la question. Quoi qu’il en soit, un cafard s’est réveillé un beau matin dans un corps qui n’était pas le sien, un corps immense, dépourvu de carapace, mais avec une tête volumineuse, sans antennes, et (seulement) deux paires de membres. De surcroît, si ce corps n’était pas le sien, ce n’était pas non plus celui d’un quidam. C’était le corps du Premier Ministre anglais.

Cette histoire de cafard rappellera quelque chose au moins érudit des lecteurs. Ian McEwan le sait et il convoque également les mânes de Swift, maître en satire et en misanthropie. Le Cafard ressuscite deux genres anciens : le roman à clefs et le roman à thèse. Le roman à clefs procure toujours au lecteur un plaisir spécial, fait de connivence, même si – comme ici – les clefs sont plutôt grosses. Jim Sams (le cafard) est bien entendu Boris Johnson (à l’état-civil Alexander Boris de Pfeffel Johnson), ce pur produit de l’élite britannique, lettré et polyglotte, devenu le porte-parole d’un vif (res)sentiment anti-élitaire ; exactement comme Donald J. Trump, l’énergique milliardaire new-yorkais. Dans Le Cafard, ce dernier correspond évidemment à Archie Tupper, le président des États-Unis, qui commence sa journée par écrire des tweets depuis son lit. Ceux qui connaissent les méandres de la vie politique anglaise ne manqueront sans doute pas d’observer d’autres correspondances.