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Iles britanniques

L’Agent Seventeen, John Brownlow (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 18 Avril 2023. , dans Iles britanniques, Les Livres, Recensions, Polars, La Une Livres, Série Noire (Gallimard)

L’Agent Seventeen, John Brownlow, Gallimard, Coll. Série Noire, mars 2023, trad. anglais, Laurent Boscq, 504 pages, 23 € Edition: Série Noire (Gallimard)

 

Nom : inconnu ; pseudonyme : Seventeen ; profession : tueur à gages ; employeur : Handler. C’est à peu près tout ce que nous saurons du héros de ce gros volume d’environ 500 pages. On peut ajouter qu’il rentre d’une mission à Berlin et que son prochain contrat est de tuer l’agent Sixteen, son prédécesseur. Il sera sans doute ensuite la cible de Eighteen, mais pour le moment, c’est le meilleur. Il sait peu de choses sur les personnes qu’il doit éliminer, juste ce qu’il a pu obtenir en tirant « délicatement » les vers du nez de Handler et surtout il ne sait pas pourquoi il doit le faire. « Efficacité et silence » pourraient être sa devise. Il connaît, bien sûr, tout des armes, pilote des bolides aux vitesses effarantes ou des machines abandonnées depuis des années dont les batteries continuent à alimenter un moulin à peine rouillé. Malgré une hygiène de vie affolante, peu de sommeil, pas de repos, une alimentation déplorable, il sait tirer de son corps le maximum. Il prend des positions qu’un maître yogi ne chercherait même pas à imiter, saute de hauteurs vertigineuses sans bobo, court tout habillé plus vite que Usain Bolt.

Elizabeth Finch, Julian Barnes (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 11 Avril 2023. , dans Iles britanniques, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Mercure de France

Elizabeth Finch, Julian Barnes, Mercure de France, septembre 2022, trad. anglais, Jean-Pierre Aoustin, 197 pages, 19 € . Ecrivain(s): Julian Barnes Edition: Mercure de France

 

Neil, la trentaine, ex-comédien qui a du mal à se trouver s’est inscrit à un cours pour adultes. Son professeur, Elizabeth Finch, cadre d’emblée la teneur de ses interventions. Son enseignement de « culture et civilisation » fera plus référence à la maïeutique, au dialogue socratique qu’au bourrage de crâne et à la prise de notes. Elle s’adresse à des adultes et souhaite une classe active. Malgré ou à cause de sa vêture : ses chaussures plates, sa jupe qui descend juste au-dessous du genou mais aussi grâce à sa langue juste, précise, son intelligence aiguisée, il émane de sa personne une aura très particulière qui attire entre autres Neil. Ce dernier captivé très vite par ses cours devient un inconditionnel d’E.F. Ainsi, celui qui passait pour un instable, devenu platonicien en herbe ne tarde pas à succomber à ce qu’il faut bien appeler le charme singulier de son professeur. Après avoir entendu un peu de son message sur sainte Ursule et ses onze mille vierges, puis beaucoup plus sur Julien l’Apostat, source inépuisable de « dialogues » il osera l’inviter à déjeuner.

Nostromo, Joseph Conrad (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 04 Avril 2023. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Nostromo, Joseph Conrad, Folio, 1992, trad. anglais, Paul Le Moal, 526 pages . Ecrivain(s): Joseph Conrad Edition: Folio (Gallimard)

 

Un roman d’aventures

Avant d’avancer dans la complexité énonciative et conceptuelle de ce roman-monde, tourbillon polyphonique aux mille voix, il est important que le lecteur sache que Nostromo est d’abord un formidable roman d’aventures, ce que les critiques de ce grand ouvrage oublient trop souvent de souligner. A la manière de ce que feront Gabriel Garcia Marquez et Carlo Emilio Gadda plusieurs décennies plus tard, Conrad fabrique de toutes pièces un état imaginaire, que sa formidable intelligence va rendre plus que vraisemblable, plus que réel : le syntagme des pays d’Amérique Latine du début du XXème siècle, avec leurs révolutions itératives et leur exploitation coloniale endémique. Immense république, le Costaguana (Costa Rica ? Guatemala ?) est le théâtre de ce roman et le territoire de cette geste baroque qui sert, une fois de plus, à dire la répugnance profonde de Conrad devant le fait colonial. On se rappelle la dénonciation des horreurs coloniales dans Au cœur des ténèbres.

Le Silmarillion, J.R.R. Tolkien (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 01 Février 2023. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, Science-fiction, La Une Livres, Fantastique, Christian Bourgois

Le Silmarillion, J.R.R. Tolkien, Christian Bourgois, septembre 2022, trad. anglais, Daniel Lauzon, ill. Ted Nasmith, 480 pages, 24,90 € . Ecrivain(s): J. R. R. Tolkien Edition: Christian Bourgois

 

L’histoire veut que lorsque Tolkien, fort du succès de librairie du Hobbit en 1937, présenta à son éditeur, Allen & Unwin, mais aussi à Collins, Le Silmarillion, un lecteur d’un des comités de lecture rendit une note indiquant que le récit était fort mais trop teinté de mythologie pour être publié en même temps que Le Seigneur des Anneaux au mitan des années cinquante. Cette raison est doublée d’une autre, plus pragmatique : les frais d’impression étaient alors toujours très élevés en Angleterre, et ajouter un quatrième volume, à la destinée moins certaine, à ceux du Seigneur des Anneaux, était prendre un risque inconsidéré. Tolkien reprit son manuscrit mais n’arrêta pas pour autant de s’atteler à son œuvre, son grand œuvre probablement, entamé vingt ans avant la publication du Hobbit et poursuivi jusqu’à sa mort en 1973 – c’est son fils Christopher qui, à la demande de son père, organisa en un volume cohérent un ensemble d’histoires dispersées sur des milliers de pages manuscrites mais pas disparates en 1977. Et naquit la légende.

Jack Fairweather, Prisonnier volontaire. L’histoire vraie du résistant polonais qui a infiltré Auschwitz (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 01 Février 2023. , dans Iles britanniques, Les Chroniques, La Une CED, Flammarion

Jack Fairweather, Prisonnier volontaire. L’histoire vraie du résistant polonais qui a infiltré Auschwitz, traduit de l’anglais par Carine Guerre et Clotilde Meyer, Paris, Flammarion, 2022, 542 pages, 24, 90 €.

 

Quand on aborde ce qu’il est convenu d’appeler la « littérature des camps », il n’est pas rare qu’on se retrouve en face d’histoires vraies qui ne se contentent pas de dépasser la fiction, mais qui l’écrasent. Tel est encore le cas ici. De toute manière, l'entreprise génocidaire nazie marque une des limites de la « littérature » et, peut-être, un de ses échecs, en tant que mode de connaissance du monde et de l'être humain. Aucun écrivain, si audacieux ait-il été, ne l'a vue arriver. Jules Verne a pu anticiper le sous-marin de guerre, le voyage sur la Lune, la télévision et bien d'autres choses, mais ni lui, ni personne d'autre, n'a imaginé l'anéantissement programmé, rationalisé, technicisé, de tout un groupe humain. À l'autre extrémité du temps, rares sont les œuvres littéraires, les textes de fiction (en excluant donc les témoignages) qui se soient hissés au niveau de cette tragédie. On pense à la fin du Dernier des justes ou à l'avant-dernier chapitre de La Librairie Sophia.