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Etudes

L'étranger dans l'art (3)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 09 Mai 2012. , dans Etudes, Les Dossiers, La Une CED

 

Les nations européennes se vautrent dans l'opulence la plus ostentatoire. Cette opulence européenne est littéralement scandaleuse car elle a été bâtie sur le dos des esclaves, elle s'est nourrie du sang des esclaves, elle vient en droite ligne du sol et du sous-sol de ce monde sous-développé. Le bien-être et le progrès de l'Europe ont été bâtis avec la sueur et les cadavres des Nègres, des Arabes, des Indiens et des Jaunes. Cela nous décidons de ne plus l'oublier.

"Les Damnés de la Terre", Frantz Fanon

 

Deux dates cadrent étrangement: la mort de Matisse le 3 novembre 1954 et le début de l'insurrection algérienne le 1er novembre 1954. Les poncifs de la "grande nuit orientale", de ses "mystères impénétrables" sapent les traces de l'histoire et la violence de ses rencontres, d'"une nuit sans fin qui met à l'abri" [le sujet] "des réveils de l'histoire". (P. Vaudray) Les arts d'Afrique, d'Asie et d'Océanie, sont exposés dans différents musées, objets éparpillés, privés de leur sens initial, méconnaissables, fragmentaires. Ils survivent comme trophées vêtus de la domination occidentale.

Voyage avec Frédéric Boyer dans la question brûlante du "nous" (1)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Dimanche, 06 Mai 2012. , dans Etudes, Les Dossiers, La Une CED

 

Frédéric Boyer, Phèdre les oiseaux, suivi de Texte pour une voix off (Thésée) et de Chants pour d’autres voix, P.O.L, 2012, 106 pages, 12 € ; Personne ne meurt jamais, P.O.L, 2012, 170 pages, 13 € ; Techniques de l’amour, P.O.L, 2010, 83 pages, 10,65 €

 

Lire Frédéric Boyer, l’une des plus intenses voix qui ne forçant jamais son cours parvient toujours à l’inédit d’une évocation, au grain de peau d’une pensée qui jamais ne force sa diction mais toujours cherche la vérité d’une apparition, c’est plonger dans les méandres du « nous ».

Cette voix, deux parutions récentes (je ne parle pas ici de Sexy Lamb) nous donnent l’occasion de l’écouter, de nous en imprégner ; c’est la même voix qui chemine, sans cesse recommencée, livre après livre, sans cesse évanouie lorsque nos mains reprennent leur lente danse des gestes du quotidien, sans cesse évanouie et pourtant sans cesse renaissante, lorsque nos mains quittent leur danse du quotidien pour retrouver la danse de la diction de l’amour, dans la tendresse et le questionnement que nos paumes tracent sur les choses et les êtres.

L'étranger dans l'art (2)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mardi, 24 Avril 2012. , dans Etudes, Les Dossiers, La Une CED

« … le père travaille péniblement ce sucre que le Négrillon boit dans la même tasse avec sa riante maîtresse… ces négrillons et négrillonnes, empanachés et parfumés, on les achète… les reçoit en cadeau… Gouverneurs, intendants, grands colons, armateurs en offrent à tous ceux à qui ils veulent témoigner leur gratitude… Ainsi, les épouses des princes, des ministres, bref des grands de ce monde accueillent-elles dans leurs hôtels ces offrandes tropicales, comme de simples particuliers rangent dans leurs placards des citrons confits, quelques formes de sucre et une barrique de grains de café… On aime à les peindre auprès de grandes dames dont ils font ressortir l’éclat et la blancheur… »

 

L.-S. Mercier

 

Pendant des siècles, l’on fut persuadé que le beau en art était synonyme de blancheur immaculée. Au nom d’un idéal de noblesse et de pureté, – mouvement instauré à la fin du 18ème siècle –, on refusa la polychromie, jugée triviale. La sensibilité romantique et la naissance du courant orientaliste marquèrent, certes, un pas nouveau vers une reconsidération de différents types humains, mais accompagné d’un pittoresque colonialiste.

L'étranger dans l'art (1)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mardi, 10 Avril 2012. , dans Etudes, Les Dossiers, La Une CED

Dans la salle à manger tendue de noir, ouverte sur le jardin de sa maison subitement transformée, montrant ses allées poudrées de charbon, son petit bassin maintenant bordé d’une margelle de basalte et rempli d’encre et ses massifs tout disposés de cyprès et de pins, le dîner avait été apporté sur une nappe noire, garnie de corbeilles de violettes et de scabieuses, éclairée par des candélabres où brûlaient des flammes vertes et par des chandeliers où flambaient des cierges.

Tandis qu’un orchestre dissimulé jouait des marches funèbres, les convives avaient été servis par des négresses nues, avec des mules et des bas en toile d’argent, semée de larmes.

Huysmans, A rebours

 

 

Dès le 16ème siècle, les artistes européens ont souvent représenté des figures d’africains selon une forme et des attitudes spécifiques, dans certaines œuvres à caractère religieux, voire les admirables Adoration des Mages où les peintres Dürer et Altdorfer reprennent des scènes conformes aux grands textes de l’Evangile.

Cthulhu à Helsinki (2)

, le Vendredi, 30 Mars 2012. , dans Etudes, Les Dossiers, La Une CED

Etude de quelques constantes des récits post-lovecraftiens

Comparaison avec d’autres nouvelles récentes


Nous avons jugé utile de mettre cette nouvelle en perspective avec deux autres nouvelles post-lovecraftiennes ayant une tendance au second degré, dont les auteurs aiment à se servir des allusions au maître de Providence, non pas pour instiller la peur en s’inscrivant dans une tradition littéraire qui a fait ses preuves, mais plutôt pour adresser des clins d’œil ludiques au lecteur : H.P.L. (1890-1991), de Roland C. Wagner (Wagner 2000 : 261-277), et Shoggoth’s old peculiar (en français La spéciale des Shoggoths à l’ancienne), de Neil Gaiman (Gaiman 2005 : 147-159).

La nouvelle de Neil Gaiman n’aurait strictement aucun intérêt pour des lecteurs ne connaissant pas Lovecraft, car elle repose entièrement sur des allusions à celui-ci, sur des détournements, tout part de l’œuvre de l’écrivain américain et ne semble pas chercher à parler d’autre chose qu’elle. L’intrigue est la suivante : un jeune touriste américain, Ben Lassiter, erre sur la côte anglaise, trompé par un guide de voyage bourré d’approximations et de mensonges ; il arrive par hasard dans un village appelé Innsmouth, où par bonheur il trouve enfin un pub ouvert et parvient à assouvir sa faim.