Identification

Essais

Une bibliothèque idéale, Hermann Hesse

Ecrit par Zoe Tisset , le Vendredi, 19 Octobre 2012. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Langue allemande, Rivages poche

Une bibliothèque idéale, trad. (All.) et préfacé par Nicole Waquet, 19 septembre 2012, 135 p. 7 € . Ecrivain(s): Hermann Hesse Edition: Rivages poche

 

Hermann Hesse, écrivain et lecteur inlassable ne se propose pas dans ce livre de nous dresser une liste universelle des livres qu’il faudrait avoir lus. Même si dans un chapitre il nous « raconte » sa bibliothèque, et nous dit sa préférence pour les auteurs allemands du XIXème siècle et sa passion pour la pensée hindouiste et chinoise, il veut avant tout rappeler combien la littérature n’est pas à côté de la vie, mais constitue l’essence même de celle-ci. Nous vivons une époque où la culture elle-même semble s’effriter au profit de valeurs marchandes, or affirme-t-il, « elle possède sa rétribution en elle-même : elle accroît la joie de vivre et la confiance en soi ; elle nous rend plus gais, plus heureux ; elle nous procure un sentiment de santé et de sécurité plus intense ».

La lecture participe à la construction même de l’individu. L’homme s’approprie sa propre bibliothèque comme il décide sa manière d’appartenir au monde dans lequel il vit.

Les désarçonnés, Pascal Quignard

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 12 Septembre 2012. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Récits, Grasset, La rentrée littéraire

Les désarçonnés, 12 septembre 2012. 20 € . Ecrivain(s): Pascal Quignard Edition: Grasset

 

Comme d’habitude, la dernière œuvre en date de Pascal Quignard, Les Désarçonnés, va en désarçonner plus d’un. Et tant pis pour ceux qui tomberont de la monture ! Il s’agit de l’opus VII du cycle Dernier Royaume, ouvert en 2002 par « les Ombres errantes » couronné alors du Goncourt.

Quignard poursuit sa quête du sens possible – des sens possibles – de l’invraisemblable monde des hommes. A la manière des Anciens. Une manière inimitable qui mêle à la pure réflexion philosophique une culture classique impressionnante et surtout une écriture impeccable, ordonnée comme un langage en soi, comme un à-part-la-langue. C’est cette tresse énonciative qui élabore, livre après livre, une musique unique, fascinante, celle de Quignard dont on connaît la passion pour la Folia et ses phrases éternellement les mêmes, éternellement autres. Opus VII dit-on, très justement. Variations sur les thèmes de la guerre, de la violence, de la faim, du pouvoir, de la décomposition morbide et du sexe bien sûr, de la différence sexuelle et de sa syntaxe, qui est au fond la grande affaire de Quignard.

Le voyage de Nietzsche à Sorrente, Paolo D'Iorio

Ecrit par Lionel Bedin , le Lundi, 10 Septembre 2012. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Italie

Le voyage de Nietzsche à Sorrente, Genèse de la philosophie de l’esprit libre, CNRS Éditions 2012, 246 p. 20 € . Ecrivain(s): Paolo D'Iorio

 

Nietzsche est alors un jeune professeur de philosophie à Bâle, un poste qui commence à lui peser lorsque, à l’invitation de son amie Malwida von Meysenbug, il part à Sorrente, où il retrouve d’autres amis. Dans cette petite ville du golfe de Naples on y croise des habitués, comme Wagner, dont Nietzsche est alors un fervent propagandiste. Mais ce voyage va tout changer. Car si la première raison du séjour à Sorrente est la santé du philosophe, ce qui va se passer en réalité est d’une importance capitale pour Nietzsche – et du coup pour la philosophie.

« Cheminer par des allées de douce pénombre à l’abri des souffles, tandis que sur nos têtes, agités par des vents violents, les arbres mugissent, dans une lumière plus claire ».

A Sorrente, Nietzsche jouit « de l’état d’âme particulier du voyageur, de celui qui ne cherche pas à être chez soi mais veut être ailleurs, qui apprécie le voyage, le paysage, les beautés de la nature et de l’art avec des yeux de touristes ». Des dispositions bienvenues pour qui veut s’ouvrir au monde. Et pas n’importe quel monde ! « Du balcon de la Villa Rubinacci, Nietzsche voit tous les jours dans le lointain, au milieu de la mer entre le Vésuve et Capri, la silhouette escarpée de l’île d’Ischia ». Il y a pire… Et il y a sans aucun doute un rapport avec les îles bienheureuses de Zarathoustra.

Du toucher, essai sur Guyotat, Antoine Boute

Ecrit par Sophie Galabru , le Mercredi, 05 Septembre 2012. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, publie.net

Du toucher, essai sur Guyotat, 3,49 € . Ecrivain(s): Antoine Boute Edition: publie.net

 

Si Antoine Boute est un écrivain et poète dont la pratique repose sur l’exploration des formes de langage, de ses détournements, de sa sonorité et ses rythmes, il n’est pas étonnant alors qu’il se soit consacré à faire parler la langue de Pierre Guyotat. Langue parlée-écrite, expérimentant ses limites, refusant sa simple fonction de représentation du réel ou de communication d’un sens ; chez Guyotat on peut bien dire que la langue ne parle pas de quelque chose, mais que quelque chose parle en elle. Cette écriture au lieu de figurer défigure, ne livrant aucun un sens, car en réalité elle se préoccupe des sens, et essentiellement de celui du tact. D’ailleurs, dans cet essai, Antoine Boute ne veut s’intéresser à l’écriture de Guyotat que sous la perspective d’une écriture qui refuse toute forme ou tout esprit pour être pure matière, pur toucher.

Si vous n’avez pas lu Guyotat, l’ouvrage en offre une introduction qui sait mêler évènements biographiques et conséquences littéraires. Hanté par la présence de la guerre, de l’esclavage prostitutionnel et du viol durant la guerre d’Algérie à laquelle il fut appelé, Pierre Guyotat ne cessa d’élaborer un langage nouveau en rupture avec les traditions, détourné de sa faculté représentative, bref un langage prostitutionnel et corporel.

La solitude des mourants, suivi de vieillir et mourir, Norbert Elias

Ecrit par Christophe Gueppe , le Mercredi, 02 Mai 2012. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Titres (Christian Bourgois)

La solitude des mourants, suivi de Vieillir et mourir, quelques problèmes sociologiques, avril 2012, traduit de l’allemand par Sybille Muller, et de l’anglais par Claire Nancy, 2012, 119 p. 7 € . Ecrivain(s): Norbert Elias Edition: Titres (Christian Bourgois)

 

En quoi la mort constitue-t-elle un problème sociologique ? Nous mourrons seuls, dit-on, de même que nous vieillissons et que nous souffrons en nous-mêmes, sans que personne ne puisse éprouver à notre place ce qui nous touche. Si cela est partiellement vrai, cela n’empêche pas l’auteur de vouloir montrer en quoi la mort, notamment, rentre dans ce qu’il appelle un processus de civilisation, dont il prolonge l’étude ici.

Dans les sociétés modernes, nous pouvons en effet assister à ces scènes où des personnes âgées sont découvertes de nombreux jours après leur mort, dans un état de décomposition avancé, comme à la suite de la canicule de 2003 en France. Cette solitude des mourants, et des personnes âgées, est du même ordre que cette souffrance que la thérapie médicale cherche à atténuer au niveau technique, mais en ne s’intéressant qu’à nos organes. Or, ce n’est pas seulement un corps qui souffre, mais également la personne dans son ensemble, et dont la souffrance s’accroît, au niveau subjectif, de manquer de relations affectives pour l’accompagner dans cette souffrance.