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Essais

Les désarçonnés, Pascal Quignard

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 12 Septembre 2012. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Récits, Grasset, La rentrée littéraire

Les désarçonnés, 12 septembre 2012. 20 € . Ecrivain(s): Pascal Quignard Edition: Grasset

 

Comme d’habitude, la dernière œuvre en date de Pascal Quignard, Les Désarçonnés, va en désarçonner plus d’un. Et tant pis pour ceux qui tomberont de la monture ! Il s’agit de l’opus VII du cycle Dernier Royaume, ouvert en 2002 par « les Ombres errantes » couronné alors du Goncourt.

Quignard poursuit sa quête du sens possible – des sens possibles – de l’invraisemblable monde des hommes. A la manière des Anciens. Une manière inimitable qui mêle à la pure réflexion philosophique une culture classique impressionnante et surtout une écriture impeccable, ordonnée comme un langage en soi, comme un à-part-la-langue. C’est cette tresse énonciative qui élabore, livre après livre, une musique unique, fascinante, celle de Quignard dont on connaît la passion pour la Folia et ses phrases éternellement les mêmes, éternellement autres. Opus VII dit-on, très justement. Variations sur les thèmes de la guerre, de la violence, de la faim, du pouvoir, de la décomposition morbide et du sexe bien sûr, de la différence sexuelle et de sa syntaxe, qui est au fond la grande affaire de Quignard.

Le voyage de Nietzsche à Sorrente, Paolo D'Iorio

Ecrit par Lionel Bedin , le Lundi, 10 Septembre 2012. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Italie

Le voyage de Nietzsche à Sorrente, Genèse de la philosophie de l’esprit libre, CNRS Éditions 2012, 246 p. 20 € . Ecrivain(s): Paolo D'Iorio

 

Nietzsche est alors un jeune professeur de philosophie à Bâle, un poste qui commence à lui peser lorsque, à l’invitation de son amie Malwida von Meysenbug, il part à Sorrente, où il retrouve d’autres amis. Dans cette petite ville du golfe de Naples on y croise des habitués, comme Wagner, dont Nietzsche est alors un fervent propagandiste. Mais ce voyage va tout changer. Car si la première raison du séjour à Sorrente est la santé du philosophe, ce qui va se passer en réalité est d’une importance capitale pour Nietzsche – et du coup pour la philosophie.

« Cheminer par des allées de douce pénombre à l’abri des souffles, tandis que sur nos têtes, agités par des vents violents, les arbres mugissent, dans une lumière plus claire ».

A Sorrente, Nietzsche jouit « de l’état d’âme particulier du voyageur, de celui qui ne cherche pas à être chez soi mais veut être ailleurs, qui apprécie le voyage, le paysage, les beautés de la nature et de l’art avec des yeux de touristes ». Des dispositions bienvenues pour qui veut s’ouvrir au monde. Et pas n’importe quel monde ! « Du balcon de la Villa Rubinacci, Nietzsche voit tous les jours dans le lointain, au milieu de la mer entre le Vésuve et Capri, la silhouette escarpée de l’île d’Ischia ». Il y a pire… Et il y a sans aucun doute un rapport avec les îles bienheureuses de Zarathoustra.

Du toucher, essai sur Guyotat, Antoine Boute

Ecrit par Sophie Galabru , le Mercredi, 05 Septembre 2012. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, publie.net

Du toucher, essai sur Guyotat, 3,49 € . Ecrivain(s): Antoine Boute Edition: publie.net

 

Si Antoine Boute est un écrivain et poète dont la pratique repose sur l’exploration des formes de langage, de ses détournements, de sa sonorité et ses rythmes, il n’est pas étonnant alors qu’il se soit consacré à faire parler la langue de Pierre Guyotat. Langue parlée-écrite, expérimentant ses limites, refusant sa simple fonction de représentation du réel ou de communication d’un sens ; chez Guyotat on peut bien dire que la langue ne parle pas de quelque chose, mais que quelque chose parle en elle. Cette écriture au lieu de figurer défigure, ne livrant aucun un sens, car en réalité elle se préoccupe des sens, et essentiellement de celui du tact. D’ailleurs, dans cet essai, Antoine Boute ne veut s’intéresser à l’écriture de Guyotat que sous la perspective d’une écriture qui refuse toute forme ou tout esprit pour être pure matière, pur toucher.

Si vous n’avez pas lu Guyotat, l’ouvrage en offre une introduction qui sait mêler évènements biographiques et conséquences littéraires. Hanté par la présence de la guerre, de l’esclavage prostitutionnel et du viol durant la guerre d’Algérie à laquelle il fut appelé, Pierre Guyotat ne cessa d’élaborer un langage nouveau en rupture avec les traditions, détourné de sa faculté représentative, bref un langage prostitutionnel et corporel.

La solitude des mourants, suivi de vieillir et mourir, Norbert Elias

Ecrit par Christophe Gueppe , le Mercredi, 02 Mai 2012. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Titres (Christian Bourgois)

La solitude des mourants, suivi de Vieillir et mourir, quelques problèmes sociologiques, avril 2012, traduit de l’allemand par Sybille Muller, et de l’anglais par Claire Nancy, 2012, 119 p. 7 € . Ecrivain(s): Norbert Elias Edition: Titres (Christian Bourgois)

 

En quoi la mort constitue-t-elle un problème sociologique ? Nous mourrons seuls, dit-on, de même que nous vieillissons et que nous souffrons en nous-mêmes, sans que personne ne puisse éprouver à notre place ce qui nous touche. Si cela est partiellement vrai, cela n’empêche pas l’auteur de vouloir montrer en quoi la mort, notamment, rentre dans ce qu’il appelle un processus de civilisation, dont il prolonge l’étude ici.

Dans les sociétés modernes, nous pouvons en effet assister à ces scènes où des personnes âgées sont découvertes de nombreux jours après leur mort, dans un état de décomposition avancé, comme à la suite de la canicule de 2003 en France. Cette solitude des mourants, et des personnes âgées, est du même ordre que cette souffrance que la thérapie médicale cherche à atténuer au niveau technique, mais en ne s’intéressant qu’à nos organes. Or, ce n’est pas seulement un corps qui souffre, mais également la personne dans son ensemble, et dont la souffrance s’accroît, au niveau subjectif, de manquer de relations affectives pour l’accompagner dans cette souffrance.

Sexe et amour de Sumer à Babylone, Véronique Grandpierre

Ecrit par Guy Donikian , le Dimanche, 29 Avril 2012. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Folio (Gallimard)

Sexe et amour de Sumer à Babylone, mars 2012, 336 p. 8,90 € . Ecrivain(s): Véronique Grandpierre Edition: Folio (Gallimard)

 

La collection Histoire de Folio nous donne l’occasion de confirmer que la modernité de nos sociétés se situe bien du côté de la Mésopotamie, non seulement en raison de l’écriture cunéiforme que les sociétés qui s’y sont succédé ont adoptée, mais aussi pour l’organisation sociale qui prévalait et qui traduit le souci et la conscience aigüe qu’elles intégraient jusque dans l’intimité. Véronique Grandpierre, historienne, met à la disposition du lecteur une somme importante de données relatives à la conception qu’on avait du sexe et de l’amour il y a déjà 5000 ans dans cette Mésopotamie qui fut le lieu de tant de novations. C’est entre le Tigre et l’Euphrate que les dieux orientaient les comportements en la matière, faisant de la relation sexuelle un moment de plaisir dont naissent les hommes mais d’abord la végétation, les saisons…

« Et An (le Ciel), ce dieu sublime, enfonça son pénis en Ki (le Ciel) spacieuse

Il lui déversa du même coup au vagin la semence des vaillants Arbre et Roseau »,

Mais les dieux eux-mêmes ont des limites aux ardeurs qui les traversent comme Enlil, roi des dieux, qui cherche une compagne.