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Critiques

Les défricheurs de nouveaux mondes, Roger Béteille

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mardi, 31 Mars 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Récits, Le Rouergue

Les défricheurs de nouveaux mondes, janvier 2015, 376 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Roger Béteille Edition: Le Rouergue

Terre chrysalide ; femme chrysalide…

Béteille et son Rouergue. Un livre, encore un, droit sorti de ses mains d’artisan soigneux, « fignoleux » de l’écriture et des mémoires. Un bonheur de lecture de plus, qu’on emprunte, comme un chemin certifié qualité-littéraire, avec la confiance qui sied à ce qui aboutira – sûr – à nous rendre à notre vie profonde, bien au-delà des Grands Causses, même à l’autre bout du monde, simplement parce que c’est l’Homme qu’on pioche là, de vérit(é) en vérit(és).

Béteille est autant paysan que géographe, autant historien qu’arpenteur de ces terres rouges ou blanches, hautes et impressionnantes, vertes et en combes douces. Les Grands Causses. Ceux qu’il nous fait aimer, de livre en livre. Qu’il aborde, comme on prend un chemin pour grimper, tant par la face-permanences d’un XIXème siècle, déjà si loin de nous, que par la face-mutations, qui signe, et le siècle, et ses paysans, et semble nous tendre la main. Faces si diverses, se rejoignant pourtant, dans ce vécu si particulier de la vie des campagnes : une auge au manger à cochons : surface apparemment lisse, et dessous ce qui grouille. Changements ; univers presque sidéral par ses immenses paysages, qui bascule par pans entiers – peut-on dire dans la modernité ? dans autre chose, assurément.

Noir parfait, Valentin Retz

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 30 Mars 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard

Noir parfait, janvier 2015, 168 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Valentin Retz Edition: Gallimard

 

« Durant deux longues années, le pourtour de mes yeux, mes pommettes, mes tempes, mais également, et curieusement, le bas de mes chevilles, ont grillé nuit et jour sur l’autel de mes nerfs. Je me suis consommé en un lent sacrifice ».

C’est ainsi que s’ouvre Noir parfait, à la manière d’un opéra. Les nerfs du roman se consument comme ceux de Don Giovanni. Le corps du narrateur est en feu, il grille en silence comme touché par quelque maléfice. Alors, il s’agit de guérir, mais aussi de comprendre d’où vient cette malédiction. Et si tout s’était joué en Grèce, lors d’un séjour avec son épouse et son fils, Daphné et Hermès. On ne visite pas les dieux et les hommes sans quelque risque, on ne rencontre pas un Bohémien handicapé, on ne se glisse pas dans le temple d’Apollon Épikourios sans quelque dommage – souffrir sans raison peut réellement rendre fou et (que) la folie démultiplie en général les circonstances fatidiques. Le narrateur saisi au vif par ce feu – cet Enfer ? – ne sait plus à quel miracle se vouer, à quel saint se confier et à quel dieu s’offrir pour ne plus souffrir – le Paradis ? – (que) je brûlerais mes brûlures en brûlant six cent cierges, avant que sa résurrection ne surgisse d’un changement de regard.

Assis sur le fil, Cyril Dion

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Samedi, 28 Mars 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, La Table Ronde

Assis sur le fil, octobre 2014, 80 pages, 12 € . Ecrivain(s): Cyril Dion Edition: La Table Ronde

 

Fondateur, avec Pierre Rabhi, de l’ONG Colibris, Cyril Dion en est aujourd’hui le porte-parole. Conseiller éditorial chez Actes Sud, Directeur de la rédaction du magazine Kaizen, il a coproduit avec Colibris un film de Coline Serreau, Solutions locales pour un désordre global, avant de tourner Demain, dont il est l’auteur et le coréalisateur avec Mélanie Laurent.

Son recueil de poèmes intitulé Assis sur le fil, aux éditions de La Table Ronde, aurait très bien pu s’appeler « sur le fil du je ».

Toile tissée, sur les tissus colorés,

Darchok, exposés aux 4 vents des cavernes intérieurs.

Je suis un, ne veut pas dire Un, « moi qui ne suis que moi seul ».

Je suis celui que je ne vois pas.

Miroir des fils des corps,

La Revue littéraire des éditions Léo Scheer, n°56

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Samedi, 28 Mars 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Revues, Léo Scheer

La Revue littéraire des éditions Léo Scheer, n°56, février-mars 2015 (11ème année) Edition: Léo Scheer

 

Constituée d’un préambule dédié à l’analyse littéraire d’une parution marquant l’actualité – en l’occurrence Soumission de Michel Houellebecq, aux éditions Flammarion, février 2015 – le sommaire de La Revue littéraire des éditions Léo Scheer poursuit son menu avec quelques fictions littéraires dans le genre de la (micro-)nouvelle – en l’occurrence Tripalière de Pia Petersen, Nyctalope d’Alexandra Varrin, Jackpot électronique de Myriam Thibault et Marine par Delacroix de Julie Gouazé ; quelques chroniques – Portrait de Modiano en jeune chien fou de Louis-Henri De La Rochefoucauld et Sur Roland Barthes d’Antoine Böhm, suivi d’un ensemble de chroniques, Dossier consacré à la Rentrée de Janvier ; avant de clore le numéro par des Écrits intimes, en l’occurrence le Journal (1971-1975) de Richard Millet qui ouvrait ce même numéro en tant que chroniqueur.

Exercée par trois chroniqueurs différents, l’analyse critique de Soumission dans ce n°56 de La Revue littéraire arrête l’attention du lecteur par son originalité dans l’étude de ce livre-événement en ce début de l’année 2015, et par différents angles d’approche tentés pour en décrypter des clés d’interprétation.

L’enfance politique, Noémi Lefebvre

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 27 Mars 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Verticales

L’enfance politique, février 2015, 170 pages, 19 € . Ecrivain(s): Noémi Lefebvre Edition: Verticales

 

Noémi Lefebvre réussit dans ce roman un beau paradoxe. Une narration romanesque – pas l’histoire contée mais le récit en tant que suite de mots, de phrases (mais comment séparer les deux) – est nécessairement une communication… sensée ; un propos qui vise au partage. L’éditeur ne le proposerait sûrement pas au public sinon. Or Martine qui raconte, qui décrit et se décrit dans L’enfance politique souffre de « troubles mentaux » selon ses propres mots. Et ce n’est pas du tout une pose ni une histoire passée, finie, du genre : récit de mon année de dépression. Non, Martine est pour ainsi dire en prise directe ; elle vit son « désordre mental » tout en nous le racontant en narratrice apte.

Réfugiée chez sa mère, allongée toute la sainte journée sur le lit de celle-ci – qui est ainsi obligée de passer ses nuits sur un Clic-Clac installé dans la cuisine – à regarder des séries à la télévision, Martine multiplie les tentatives de suicide, et se retrouve logiquement en hôpital psychiatrique. Après un certain temps – comme elle refuse obstinément de coopérer avec les personnes habilitées à comprendre son état –, elle est gentiment rendue à sa pauvre mère, accompagnée de ce qui est plus une vague hypothèse qu’un diagnostic. Il convient de laisser le lecteur découvrir avec un mélange d’amusement et de perplexité les mots et les expressions que l’on tente de mettre sur ce dont souffre Martine.