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Critiques

Dépendance day, Caroline Vié

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 22 Avril 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Récits, Jean-Claude Lattès

Dépendance Day, février 2015, 212 pages, 17 € . Ecrivain(s): Caroline Vié Edition: Jean-Claude Lattès

 

Alzheimer ; les démences ; séniles, ou un peu moins. On les lit parfois – plutôt peut-être en essais ; on les regarde – plutôt en documentaires. Mais, progressivement, ça gagne du terrain, parce que c’est la vie de nos vieux parents, de cette voisine, pourtant pas si mamie que ça ; parce qu’à la fin, c’est nous, nos imaginaires, nos projections, que la chose attaque. Sinistre et mortifère fin de jeu de dominos. Alzheimer. Terreur à portée de nous tous.

Le livre de Caroline Vié – son roman ? – son récit probablement, pose là devant nos yeux, des destins de femmes – trois générations, et la moitié d’une autre. « Sous le marronnier du jardin, trois générations réunies… » chantait Francesca Solleville, d’une dure, mais, ensoleillée vie de femmes.

De mère en fille, ici, toutes, à un moment, voient se poindre l’hydre des cauchemars ; celle de la mémoire à trous, puis en lambeaux infimes. Une vie, des apprentissages, des manières, des usages, des savoirs, bien sûr – ce poème, cette chanson ; ces visages et ces lieux, qui se défont, goutte après goutte, et détricotent la charpente jusqu’au quasi rien final. Pernicieux mal, qui tue autrement que la mort franche.

Courants blancs, Philippe Jaffeux

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Mardi, 21 Avril 2015. , dans Critiques, Les Livres, Livres décortiqués, La Une Livres, Poésie

Courants blancs, Ed. L’Atelier de l’agneau, 2014, 80 pages, 16 € . Ecrivain(s): Philippe Jaffeux

 

 

Une cathédrale de mots ! Pas au sens qu’en donnait Proust mais dans la construction monolithique de chaque page composée de vingt-six lignes, vingt-six aphorismes qui hésitent entre récit (imp/passé simple) – où l’imparfait a ce rendu « mélancolique » que lui reconnaissait Proust encore – réflexion et poésie. La quatrième de couverture signale : aucun de ces « courants » n’a été écrit ; ils ont tous été enregistrés avec un dictaphone numérique. Précaution essentielle tant on sent le souffle langagier d’une parole qui s’éprouve et se creuse dans le silence. L’incipit est prometteur : Il se noya dans un cercle lorsqu’il confondit l’eau avec une quinzième lettre solaire. On est averti, on a déjà un pied dans l’O, le rond de la spirale ou le tourbillon qui va nous aspirer. Ce premier aphorisme annonce ainsi au lecteur un avertissement à se perdre lui aussi dans la suite onirique que recèlent ces « courants » dont l’élément eau, associé à celui de l’air, avertit qu’on va nous aussi plonger profond.

La Maison au toit rouge, Kyoko Nakajima

Ecrit par Stéphane Bret , le Mardi, 21 Avril 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Seuil, Japon

La Maison au toit rouge, traduit du japonais par Sophie Refle, mars 2015, 301 pages, 21 € . Ecrivain(s): Kyoko Nakajima Edition: Seuil

 

Une dame d’âge respectable, Taki, rédige pour son neveu les souvenirs de ses années de service passées dans la famille Hirai, un foyer de la bourgeoisie tokyoïte. Le maître de maison est sous-directeur d’une entreprise de jouets, passablement prospère. Il a fait construire récemment une maison à Tokyo pour son épouse, Tokiko, et le fils de celle-ci. Tout le récit du roman de Kyoko Nakajima est articulé autour du basculement incessant entre deux époques, celle des années 30 du Japon de l’entre deux-guerres, conquérant, impérialiste, mais où il fait bon vivre, où les mœurs sont stables, confinent à l’immobilité ; et le Japon des années soixante, celui de la croissance économique, d’une entrée dans le monde occidental, au moins en apparence…

Ainsi, la narratrice souligne-t-elle le temps que les maîtresses de maisons dignes de ce nom devaient passer à préparer le nouvel an, à peaufiner la préparation des mets, à la visite systématique de tous les voisins… Tâches perçues pourtant par Taki comme nobles, valorisantes. Dans le domaine de la perception de l’histoire de son pays, Taki, peut-être à l’instar d’une grande majorité de ses compatriotes, revisite l’histoire de son pays d’une manière surprenante, qu’un observateur contemporain pourrait aisément qualifier de révisionniste. Le fils de son neveu, Takeshi, lui fait remarquer que le Japon faisait déjà la guerre en 1936 :

De la légèreté, Gilles Lipovetsky

Ecrit par Guy Donikian , le Lundi, 20 Avril 2015. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Grasset

De la légèreté, janvier 2015, 364 pages, 19 € . Ecrivain(s): Gilles Lipovetsky Edition: Grasset

 

Gilles Lipovetsky nous a habitués, depuis L’Ère du vide en 1983, à des analyses plutôt séduisantes à différents titres, analyses pour lesquelles il porte la double casquette de philosophe et de sociologue. Lire Lipovetsky, c’est d’abord faire l’expérience d’une lecture singulière, qui peut offrir de l’emphase servie par une rhétorique tout aussi importante que l’argument. Le plaisir de la lecture est donc tout aussi présent que la précision de l’argument, et quand le tout se met au service d’études des différents aspects du quotidien, on ne peut que saluer la démonstration.

De la légèreté propose une immersion dans un monde animé, selon le philosophe, par une frénésie de vivre tous les aspects de notre quotidien sur le mode de la légèreté. Après L’Ère du vide, L’empire de l’éphémère ou plus récemment L’Occident mondialisé, ce sont des comportements que le « léger, le fluide et le mobile » caractérisent dorénavant que l’auteur analyse. Et le premier paradoxe soulevé est bien le monde matériel dans lequel nous vivons, qui en raison d’une omniprésence matérielle pouvait laisser supposer une imposante lourdeur.

Une femme à gros seins qui court le marathon, Éric Dejaeger

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 20 Avril 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Gros Textes

Une femme à gros seins qui court le marathon, décembre 2014, 78 pages, 8 € . Ecrivain(s): Éric Dejaeger Edition: Gros Textes

 

On pourrait croire que ce titre – accompagné d’une illustration explicite de Sarah Dejaeger (toute ressemblance avec le nom de l’auteur n’est pas fortuite) – est racoleur, et si certains tombent dans le panneau, ils seront punis de poésie, car Éric Dejaeger n’a rien à vendre, et racoler n’est pas son genre, il aurait même plutôt tendance à rabrouer si on l’emmerde de trop près.

Le titre est celui du poème du même nom :

 

« Ce titre m’est venu

À l’esprit

En voyant une femme plantureuse

Faire du jogging »