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Cette semaine

Robinson Crusoé, Daniel Defoe (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 17 Janvier 2024. , dans Cette semaine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Le Livre de Poche, En Vitrine

Robinson Crusoé, Daniel Defoe, Le Livre de Poche, trad. Petrus Borel, 370 pages, 5,20 € . Ecrivain(s): Daniel Defoe Edition: Le Livre de Poche

Moi, pauvre misérable Robinson Crusoé, après avoir fait naufrage au large durant une horrible tempête, tout l’équipage étant noyé, moi-même étant à demi mort, j’aborde à cette île infortunée, que je nommai l’Ile du désespoir ;

 

Il est parfois des héros romanesques ou poétiques qui s’évadent du seul territoire de la littérature pour entrer de plain-pied dans l’imaginaire collectif, devenant ainsi mythème, élément d’élaboration d’une mythologie d’une partie du monde. Emma Bovary, Jean Valjean, Hamlet, Tristan et Yseut, pour n’en citer que quelques-uns. Robinson Crusoé en fait évidemment partie, d’une façon particulièrement éclatante : il est même entré dans les vocabulaires occidentaux. Un robinson, une robinsonnade, robinsonner dit-on pour désigner ce qui a trait à la solitude dans la nature, l’ermitage absolu. C’est dire bien sûr à quel point Robinson est un héros fabuleux mais c’est dire aussi à quel point il est réduit à une seule dimension, le naufrage-la solitude-la survie, qui est loin d’être ni la seule, ni la plus importante.

Le grand sommeil (The Big Sleep), Raymond Chandler (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 10 Janvier 2024. , dans Cette semaine, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard), En Vitrine

Le grand sommeil (The Big Sleep), Raymond Chandler, Folio Policier, 1998, trad. américain, Boris Vian, 332 pages Edition: Folio (Gallimard)

 

Le grand sommeil est un des moments fondateurs d’un genre qui va engendrer un véritable espace littéraire, peuplé de milliers, de dizaines de milliers d’ouvrages, plus ou moins grands, plus ou moins nuls, mais dont la paternité peut toujours – peu ou prou – revenir à Raymond Chandler. Ici, dans cet ouvrage, sont bâtis les piliers de la cathédrale du roman noir, tous ses codes, ses figures, son univers, ses passions vénéneuses. Philip Marlowe, le détective privé pour l’éternité, est le géniteur d’un monde qu’il met à nu, celui du Los Angeles des années 40, peuplé par ses stars de cinéma, ses gangsters et ses milliardaires, sa faune humaine sulfureuse, métaphore urbaine d’une Amérique éternellement scandée par le rêve et le cauchemar. Seul Dashiell Hammett peut prétendre à être l’autre grand bâtisseur de cathédrale.

Le Tigre Absence, Cristina Campo (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 08 Janvier 2024. , dans Cette semaine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, En Vitrine, Arfuyen

Le Tigre Absence, Cristina Campo, éd. Arfuyen, Coll. Neige, trad. italien, Monique Baccelli, novembre 2023, 132 pages, 15 € Edition: Arfuyen

 

Hauteur

Le mot Hauteur m’est venu assez vite pour qualifier en propre comme au figuré cette poésie d’une grande force d’ascèse, qui trouve son expression dans une langue très retenue, mais sans formalisme, donc laissée vivante aux yeux du lecteur. Cristina Campo mêle à son poème quelque chose d’inouï, et que l’on pourrait traiter de sublime (si ce mot a encore une valeur intellectuelle), une poésie qui se justifie par sa rencontre avec l’essence de l’écriture. La poète circule presque avec pudeur dans son monde, son univers, son imaginaire, lesquels sont composés de figures dansées, espèce de ballet linguistique très organisé et ne laissant place à aucune erreur, aucun faux-pas (il faut donc faire confiance à la traductrice qui a restitué en français ces textes depuis l’italien). Textes de l’épure, plume aussi retenue que celle d’Emily Dickinson, emplis d’une spiritualité sans emphase. Voilà pour l’ordre d’idée auquel nous convie cette littérature, simplicité non affectée, peuplée du petit dieu ailé de l’opportunité du Kairos qui surgit çà et là, témoin d’une activité de création toujours en mouvement.

Shorts, Wystan Hugh Auden (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 08 Décembre 2023. , dans Cette semaine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Poésie, Rivages poche

Shorts, Wystan Hugh Auden, Rivages Poche, 2003, trad. anglais, Frank Lemonde, suivi d’un essai de Hannah Arendt, 142 pages, 7 € Edition: Rivages poche

 

L’occasion du cinquantenaire de la mort d’Auden fait rouvrir ici un de ses recueils les plus denses et délicieux (mais malheureusement difficile à dénicher), Shorts, en nous sortant du seul poème Funeral blues, rendu célèbre (« Stop all the clocks, cut off the telephone… ») par sa lecture (bouleversante) dans le film Quatre mariages et un enterrement.

Auden (1907-1973) est toujours, avec bonheur, en poésie juge et partie : comme juge, il délimite la stricte fonction du poète (« exprimer avec exactitude ce qu’il eut l’honneur de contempler », et en laisser aux autres l’appréciation, p.85) ; comme partie prenante, il s’y tient, rigoureusement, lui-même. Si la contemplation arrive trop tard, si l’exactitude se pointe trop tôt, elles repasseront, voilà tout. Auden entend rester maître de l’agenda de ses chefs-d’œuvre, et contrôler (de sa toujours ironique sévérité) l’emploi du temps de sa Muse :

Apologie de Socrate, Platon (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 07 Décembre 2023. , dans Cette semaine, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Folio (Gallimard), En Vitrine

Apologie de Socrate, Platon, Folio, avril 2023, trad. grec ancien, Léon Robin, Joseph Moreau, 80 pages, 3,50 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Zut, un livre dont le héros meurt à la fin ! Oui, mais quel héros ! Celui de la pensée libre de toute convenance, de toute contrainte, de tout désir autre qu’exister et se perpétuer dans la vérité ! Plus sérieusement, l’Apologie de Socrate est un des « dialogues socratiques » de Platon, celui qui présente le plaidoyer de Socrate lors de son procès en -399. Ce plaidoyer, parfaite machine argumentative qui malheureusement ne convaincra pas les citoyens athéniens, s’articule en trois parties : le plaidoyer à proprement parler, la plus longue ; le « débat contradictoire sur la peine », Socrate ayant été jugé coupable ; enfin, la réaction de Socrate face à la peine choisie, c’est-à-dire la mort.

Ici n’est pas le lieu d’une exégèse philosophique ou d’un commentaire sur les tenants et aboutissants historiques du procès de Socrate ; ici est le lieu de relever dans ces quelques pages la fulgurance qui les rend toujours indispensables aujourd’hui ; ici est le lieu de célébrer la liberté avec laquelle Socrate défend la vérité au risque de sa vie.