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Cette semaine

Des souris et des hommes (Of Mice and Men, 1937), John Steinbeck (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 09 Novembre 2023. , dans Cette semaine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard), En Vitrine

Des souris et des hommes, John Steinbeck, Folio, juin 2023, trad. anglais (USA), Agnès Desarthe, 176 pages, 7,50 € . Ecrivain(s): John Steinbeck Edition: Folio (Gallimard)

 

Brutal et pourtant tendre, rapide et pourtant intense – ces qualificatifs pourraient convenir au septième livre publié par John Steinbeck, en 1937, Des souris et des hommes. Dans cette longue nouvelle ou ce bref roman, le drame, humain, terriblement, affreusement humain, se joue sur trois jours et deux nuits, du vendredi matin au dimanche en fin de journée, de l’arrivée, dans un ranch à « quelques miles au sud de Soledad » en Californie, de George Milton et Lennie Small, deux ouvriers agricoles vagabonds, à l’euthanasie (le mot peut sembler déplacé mais le récit le justifie) du second par le premier après la mort d’une femme entre les mains « dévastatrices » (dixit Joseph Kessel) du simple d’esprit qu’est Lennie. On est autorisé à parler de drame, car Steinbeck a organisé son récit, fulgurant, telle une tragédie, d’ailleurs, avec une progression attendue : sous les caresses de Lennie l’innocent meurent successivement une souris, un chiot puis la femme de Curley, le fils du patron du ranch, avec des effets d’annonce qui laissent présager le drame final : que s’est-il véritablement produit à Weed, quelque temps auparavant ?

Le Livre de la jungle, Rudyard Kipling en La Pléiade (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 09 Novembre 2023. , dans Cette semaine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, En Vitrine, La Pléiade Gallimard

Le Livre de la jungle, Rudyard Kipling, Bibliothèque de La Pléiade, Gallimard, septembre 2023, 944 pages, 60 € Edition: La Pléiade Gallimard

 

Une cosmogonie anglo-indienne

Ce magnifique tirage spécial, illustré du Livre de la jungle de Rudyard Kipling (1865-1936. Prix Nobel de Littérature en 1907), est enrichi par de talentueuses illustrations de John Lockwood Kipling, le père de l’écrivain, et aussi par l’auteur du Livre de la jungle en personne, en plus d’un ensemble iconographique conçu par divers artistes, en lien avec les canons esthétiques de différentes époques s’étendant de 1903 à 1945.

Cette célèbre et merveilleuse saga commence par l’éducation du jeune Mowgli, traqué par Shere Khan, le tigre boiteux (un signe négatif : boiteux comme le diable), courant se réfugier dans la tanière d’une famille de loups. Tels Romulus et Rémus, Mowgli est allaité par Mère louve.

Lune de loups (Luna de Lobos, 1985), Julio Llamazares (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 08 Novembre 2023. , dans Cette semaine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Espagne, En Vitrine, Verdier

Lune de loups (Luna de Lobos, 1985), Julio Llamazares, Editions Verdier Poche, 2009, trad. espagnol, Raphaël Carrasco, Claire Decaëns, 187 pages, 10,20 € Edition: Verdier

 

Après La Pluie jaune (La Lluvia Amarilla), Llamazares continue ses sombres chemins montagneux dans cette novella aux accents obsédants de la peur et de la mort. Lune des Loups (Luna de Lobos) raconte la fuite effarée, dans les forêts du León, de quelques combattants républicains après la Guerre Civile et la victoire des fascistes de Franco. Les héros de ce roman sont les combattants dérisoires d’une guerre déjà perdue. Les résistants de ce maquis montagnard ne résistent plus à personne ni à rien si ce n’est à l’imminence de la mort promise, incarnée par les gardes civils qui les traquent inlassablement. Chaque sente est un piège potentiel, chaque hameau traversé un guet-apens possible. La peur est collée aux pas des hommes, elle suinte de leur corps, de leur esprit, de leur âme. Toute personne rencontrée est une dénonciation virtuelle, une trahison à venir.

Atala suivi de René, Chateaubriand (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 06 Novembre 2023. , dans Cette semaine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard), En Vitrine

Atala suivi de René, Chateaubriand, Folio classique, mai 2023 (édition nouvelle, Sébastien Baudoin ; préface, Aurélien Bellanger), 432 pages, 5,50 € Edition: Folio (Gallimard)

 

C’est un tableau de dimensions honorables (deux mètres sur plus de deux mètres et demi), représentant trois personnages à taille presque réelle : Atala au tombeau, montré au Salon de 1808 et peint par Girodet, un des précurseurs du romantisme pictural français. La scène se déroule dans une grotte, et le peintre a placé le spectateur au fond de cette grotte, la lumière provenant de l’ouverture. De gauche à droite, les trois protagonistes principaux du drame qu’est Atala : Chactas, un sauvage à l’oreille ornée d’une large boucle, vêtu d’un seul pagne, assis, courbé sur les jambes d’Atala, qu’il enserre aux genoux, affligé ; ensuite Atala, couverte d’un linceul des pieds aux seins, le corps détendu, paisible dans le sommeil de la mort, le visage tel celui d’une Madone du quinzième siècle, tenant en ses mains croisées sur son ventre un simple crucifix en bois ; enfin le Père Aubry, vêtu et coiffé de sa robe de bure, qui soutient le corps d’Atala, lui-même légèrement courbé, le visage grave et affligé. Au premier plan, une pelle et ce qui ressemble à un instrument sacerdotal en fer. Par l’ouverture de la grotte, on voit une croix plantée dans la nature, de laquelle semble provenir la chiche lumière illuminant la scène.

Construire un feu (To Build a Fire, 1902), Jack London (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 17 Octobre 2023. , dans Cette semaine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, En Vitrine, Libretto

Construire un feu (To Build a Fire, 1902), Jack London, éditions Libretto, trad. américain, Paul Gruyer, 176 pages . Ecrivain(s): Jack London Edition: Libretto

 

Le cadre de l’histoire, dans le froid extrême d’un Yukon en grande partie inhabité, établit d’entrée le rôle principal de la nouvelle : la Nature. On est loin de celle des romantiques qui communique avec l’âme des hommes. La Nature de ce récit est impassible, d’une cruauté tranquille dans son indifférence. A sa manière, Jack London rejoint dans ce texte sublime, le chant des grands panthéistes que furent avant lui Spinoza et Thoreau. Mais en déifiant le monde naturel, London en fait un Dieu terrible, dénué de tout affect, de toute attention, à mille lieues du Dieu bienveillant des Chrétiens. Le Dieu de Spinoza est plus proche, il est la Nature et ne connaît donc ni compassion, ni amour, ni cruauté, il est, simplement, englobant le Grand Tout.

Le ciel est vide, blanc comme un linceul, immense comme l’éternité. La terre est à l’unisson, infinie, immaculée, déserte. L’homme de cette nouvelle est seul au monde et n’a d’autre compagnon que son chien dans ce paysage spectral.