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Cette semaine

Apologie de Socrate, Platon (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 07 Décembre 2023. , dans Cette semaine, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Folio (Gallimard), En Vitrine

Apologie de Socrate, Platon, Folio, avril 2023, trad. grec ancien, Léon Robin, Joseph Moreau, 80 pages, 3,50 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Zut, un livre dont le héros meurt à la fin ! Oui, mais quel héros ! Celui de la pensée libre de toute convenance, de toute contrainte, de tout désir autre qu’exister et se perpétuer dans la vérité ! Plus sérieusement, l’Apologie de Socrate est un des « dialogues socratiques » de Platon, celui qui présente le plaidoyer de Socrate lors de son procès en -399. Ce plaidoyer, parfaite machine argumentative qui malheureusement ne convaincra pas les citoyens athéniens, s’articule en trois parties : le plaidoyer à proprement parler, la plus longue ; le « débat contradictoire sur la peine », Socrate ayant été jugé coupable ; enfin, la réaction de Socrate face à la peine choisie, c’est-à-dire la mort.

Ici n’est pas le lieu d’une exégèse philosophique ou d’un commentaire sur les tenants et aboutissants historiques du procès de Socrate ; ici est le lieu de relever dans ces quelques pages la fulgurance qui les rend toujours indispensables aujourd’hui ; ici est le lieu de célébrer la liberté avec laquelle Socrate défend la vérité au risque de sa vie.

Des souris et des hommes (Of Mice and Men, 1937), John Steinbeck (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 09 Novembre 2023. , dans Cette semaine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard), En Vitrine

Des souris et des hommes, John Steinbeck, Folio, juin 2023, trad. anglais (USA), Agnès Desarthe, 176 pages, 7,50 € . Ecrivain(s): John Steinbeck Edition: Folio (Gallimard)

 

Brutal et pourtant tendre, rapide et pourtant intense – ces qualificatifs pourraient convenir au septième livre publié par John Steinbeck, en 1937, Des souris et des hommes. Dans cette longue nouvelle ou ce bref roman, le drame, humain, terriblement, affreusement humain, se joue sur trois jours et deux nuits, du vendredi matin au dimanche en fin de journée, de l’arrivée, dans un ranch à « quelques miles au sud de Soledad » en Californie, de George Milton et Lennie Small, deux ouvriers agricoles vagabonds, à l’euthanasie (le mot peut sembler déplacé mais le récit le justifie) du second par le premier après la mort d’une femme entre les mains « dévastatrices » (dixit Joseph Kessel) du simple d’esprit qu’est Lennie. On est autorisé à parler de drame, car Steinbeck a organisé son récit, fulgurant, telle une tragédie, d’ailleurs, avec une progression attendue : sous les caresses de Lennie l’innocent meurent successivement une souris, un chiot puis la femme de Curley, le fils du patron du ranch, avec des effets d’annonce qui laissent présager le drame final : que s’est-il véritablement produit à Weed, quelque temps auparavant ?

La Mort à Venise (Der Tod in Venedig, 1912), Thomas Mann (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 07 Juin 2023. , dans Cette semaine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Roman, Le Livre de Poche, En Vitrine

La Mort à Venise (Der Tod in Venedig, 1912), Thomas Mann, Le Livre de Poche, trad. allemand, Félix Bertaux, Charles Sigwalt, Axel Nesme, 138 pages . Ecrivain(s): Thomas Mann Edition: Le Livre de Poche

 

Roman d’un déclin inéluctable inscrit dans une Venise glauque, écrasée de soleil et de puanteurs, assaillie par une épidémie de choléra, La Mort à Venise est un thrène dédié à la vieillesse et à la déchéance d’un homme. Loin, très loin des clichés de la Venise des fêtes et des touristes de la Place Saint-Marc, cette novella nous invite à entendre les derniers élans, la dernière passion, les derniers doutes, le dernier désespoir, le dernier souffle de Gustav Aschenbach, un écrivain quinquagénaire, venu à Venise pour nourrir son amour des arts et échapper un temps à sa ville d’origine, Munich, qui le déprime.

C’est un Ange qui va l’accompagner dans ce dernier chemin. Un Ange droit sorti d’un tableau de Léonard, aux traits fins, presque féminins, aux cheveux longs et ondulés. Tadzio. Dans les lignes qui suivent, surgit le Saint Jean-Baptiste de maître Leonardo, et Mann place l’image réelle au-dessus de celle de l’artiste.

La connaissance de la douleur (La cognizione del dolore), Carlo Emilio Gadda (par Leon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 23 Mai 2023. , dans Cette semaine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Points, En Vitrine, Italie

La connaissance de la douleur (La cognizione del dolore, Einaudi 1963), Carlo Emilio Gadda, Ed. Points, trad. italien, Louis Bonalumi, François Wahl, 247 pages . Ecrivain(s): Carlo Emilio Gadda Edition: Points

 

Gadda est un écrivain fasciné par le semblant littéraire, la faculté de la littérature de tordre la réalité pour la sertir mieux dans l’écriture fictionnelle. Le cadre même de ce roman est un masque qui cache la réalité : le pays imaginaire inventé par Carlo Emilio Gadda, le Maradagàl, situé dans une Amérique du Sud fantasmée, sert d’écran à une géographie dont on ne peut douter qu’elle soit celle du nord de l’Italie, de la Lombardie milanaise. Toutes les descriptions locales en attestent, des paysages vallonnés, piquetés de villas bourgeoises. Un personnage, Bertoloni, est un émigré lombard. Même le fromage – qui a droit à une description inoubliable et burlesque – le croconsuelo cache à peine le très fameux gorgonzola dans un paragraphe à la saveur… dégoulinante !

A Rebours, Joris-Karl Huysmans (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 08 Février 2023. , dans Cette semaine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard), En Vitrine

A Rebours, Joris-Karl Huysmans, Folio, août 2022 (édition : Pierre Jourde ; gravures : Auguste Lepère), 592 pages, 8,90 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Flaubert avait pour ambition d’écrire un roman sur rien, ou presque ; ce sera Bouvard et Pécuchet, inachevé. Huysmans, quatre ans après la disparition du maître, publiera un roman où effectivement rien ne se passe, où les seuls événements sont avortés : À Rebours. Dix ans après un premier recueil de poèmes d’inspiration romantique, dix années où Huysmans s’inscrit dans la veine naturaliste (il participe aux soirées de Médan, organisées par et autour de Zola), le temps de trois romans et une longue nouvelle, il pousse jusque dans ses derniers retranchements le naturalisme et invente quasi le symbolisme en narrant la vie recluse d’un esthète maladif, tant de corps que d’esprit, Des Esseintes.

Comme à l’habitude lorsqu’il est question d’un classique lu ou relu des décennies ou des siècles après sa première publication, l’on est en droit de s’interroger : quel intérêt à l’ouvrir, à s’y plonger quelques heures, alors que foisonne une actualité éditoriale plus en phase avec le monde contemporain ?