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Cette semaine

La connaissance de la douleur (La cognizione del dolore), Carlo Emilio Gadda (par Leon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 23 Mai 2023. , dans Cette semaine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Points, En Vitrine, Italie

La connaissance de la douleur (La cognizione del dolore, Einaudi 1963), Carlo Emilio Gadda, Ed. Points, trad. italien, Louis Bonalumi, François Wahl, 247 pages . Ecrivain(s): Carlo Emilio Gadda Edition: Points

 

Gadda est un écrivain fasciné par le semblant littéraire, la faculté de la littérature de tordre la réalité pour la sertir mieux dans l’écriture fictionnelle. Le cadre même de ce roman est un masque qui cache la réalité : le pays imaginaire inventé par Carlo Emilio Gadda, le Maradagàl, situé dans une Amérique du Sud fantasmée, sert d’écran à une géographie dont on ne peut douter qu’elle soit celle du nord de l’Italie, de la Lombardie milanaise. Toutes les descriptions locales en attestent, des paysages vallonnés, piquetés de villas bourgeoises. Un personnage, Bertoloni, est un émigré lombard. Même le fromage – qui a droit à une description inoubliable et burlesque – le croconsuelo cache à peine le très fameux gorgonzola dans un paragraphe à la saveur… dégoulinante !

Les Aventures de Tom Sawyer, Mark Twain (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 30 Mars 2023. , dans Cette semaine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, En Vitrine, Tristram

Les Aventures de Tom Sawyer, Mark Twain, Editions Tristram, Coll. Souple Deluxe, mars 2023, Préface Hervé Le Tellier, trad. Bernard Hoepffner, 320 pages, 14,90 € . Ecrivain(s): Mark Twain Edition: Tristram

 

« Qui va là ? »

« Tom Sawyer, le Vengeur Noir de la Mer des Caraïbes. Nommez-vous ».

« Huck Finn les Mains Rouges et Joe Harper la Terreur des Mers ». Tom leur avait fourni ces titres ronflants, empruntés à ses lectures favorites.

« C’est bon. Quel est le mot de passe ? »

Deux murmures rauques prononcèrent en même temps le mot sinistre dans la nuit lugubre.

« SANG ! »

Cette édition des Aventures de Tom Sawyer est la quatrième que publient les Editions Tristram, dans les traductions éblouissantes et pétillantes de Bernard Hoepffner (1) ;

La Nature / Thoreau, Ralph Waldo Emerson (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 13 Mars 2023. , dans Cette semaine, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, USA, Folio (Gallimard)

La Nature, Ralph Waldo Emerson, Folio Sagesses, janvier 2023, trad. anglais (USA), Xavier Eyma, 96 pages, 3,50 € Thoreau, Emerson, Rivages Poche, août 2022, trad. anglais (USA), Stéphane Thomas, 96 pages, 6 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Emerson en deux brefs ouvrages, originellement publiés à vingt-cinq années de distance : le premier en 1837, anonymement mais avec quel retentissement !, La Nature ; le second en 1862, pour célébrer son ami, disciple, comparse, Henri David Thoreau (1817-1862), et sobrement intitulé Thoreau. Le premier est fondateur : c’est le transcendantalisme qui trouve ici son origine, pour ne pas dire son programme ; le second est un hommage vibrant et amical à celui qui peut-être vécut de la façon la plus intransigeante et belle le transcendantalisme.

Cette doctrine, née dans la Nouvelle-Angleterre, est héritière tant de Kant que de Rousseau, de l’idéalisme que de la croyance en la bonté fondamentale, tant de la nature que de l’homme – et en la nécessaire communion entre les deux. Emerson écrit ainsi, quasi en ouverture de La Nature : « En présence de la nature, la joie envahit l’homme, en dépit même de ses chagrins réels. La nature dit : Il est ma créature ; et malgré ses chagrins intolérables, il sera heureux avec moi ».

The Passenger (Le passager) + Stella Maris, Cormac McCarthy (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 07 Mars 2023. , dans Cette semaine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, En Vitrine

The Passenger / Stella Maris, Cormac Mc Carthy 2022. Knopf Editor. . Ecrivain(s): Cormac McCarthy

Il avait un peu neigé dans la nuit et ses cheveux gelés étaient d’or et de cristal et ses yeux glacés et durs comme pierre. Une de ses bottes jaunes avait glissé et se dressait dans la neige en dessous d’elle. Son manteau se dessinait saupoudré de neige là où elle l’avait abandonné et elle ne portait qu’une robe blanche et elle pendait parmi les arbres de l’hiver, poteaux gris et nus, la tête inclinée et les paumes légèrement ouvertes comme ces statues œcuméniques qui réclament par leur attitude qu’on prenne en compte leur histoire. Qu’on prenne en compte les fondations du monde qui puise son essence dans le chagrin de ses créatures. Le chasseur s’agenouilla et ficha son fusil bien droit dans la neige et retira ses gants et les laissa tomber au sol et joignit ses mains l’une sur l’autre. Il se dit qu’il devrait prier mais il n’avait pas de prière pour une chose pareille.

 

Le très vieux Cormac McCarthy fait là probablement sa dernière sortie en terre de littérature. C’est en soi un événement essentiel. L’autre événement, peut-être plus essentiel encore, est que cette sortie nous mène en des espaces peu familiers aux lecteurs du maître sudiste.

A Rebours, Joris-Karl Huysmans (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 08 Février 2023. , dans Cette semaine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard), En Vitrine

A Rebours, Joris-Karl Huysmans, Folio, août 2022 (édition : Pierre Jourde ; gravures : Auguste Lepère), 592 pages, 8,90 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Flaubert avait pour ambition d’écrire un roman sur rien, ou presque ; ce sera Bouvard et Pécuchet, inachevé. Huysmans, quatre ans après la disparition du maître, publiera un roman où effectivement rien ne se passe, où les seuls événements sont avortés : À Rebours. Dix ans après un premier recueil de poèmes d’inspiration romantique, dix années où Huysmans s’inscrit dans la veine naturaliste (il participe aux soirées de Médan, organisées par et autour de Zola), le temps de trois romans et une longue nouvelle, il pousse jusque dans ses derniers retranchements le naturalisme et invente quasi le symbolisme en narrant la vie recluse d’un esthète maladif, tant de corps que d’esprit, Des Esseintes.

Comme à l’habitude lorsqu’il est question d’un classique lu ou relu des décennies ou des siècles après sa première publication, l’on est en droit de s’interroger : quel intérêt à l’ouvrir, à s’y plonger quelques heures, alors que foisonne une actualité éditoriale plus en phase avec le monde contemporain ?