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Asie

Le Vieux Journal, Lee Seung-U

Ecrit par Cathy Garcia , le Vendredi, 23 Mai 2014. , dans Asie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Serge Safran éditeur

Le Vieux Journal, traduit du coréen par Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet, octobre 2013, 235 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Lee Seung-U Edition: Serge Safran éditeur

Nous retrouvons dans ces nouvelles de Lee Seung-U, et tout particulièrement dans celle intitulée Chez l’autre, l’ambiance de son roman Ici comme ailleurs (voir http://www.lacauselitteraire.fr/ici-comme-ailleurs-lee-seung-u), à savoir une sorte d’atmosphère grise et glauque, à la limite de l’absurde, où les protagonistes principaux, parfois le narrateur lui-même, se voient peu à peu acculés au fond d’une impasse.

Tous les personnages de ces nouvelles sont un peu dans la même position, comme flottant dans un environnement des plus banals et cependant hostile, confrontés à l’absurdité et au tragique d’une vie qui les décentre continuellement, jusqu’à ce que tel un morceau d’argile voué à ne jamais devenir pot, ils volent hors du tour du potier, pour aller s’écraser contre les murs… Et cette image est d’autant plus parlante qu’elle évoque aussi le tournis, le vertige que leur procure soit leur propre incapacité à réagir et à agir par eux-mêmes, soit les obstacles parfois invraisemblables qui se dressent devant eux et où leur propre logique est sans cesse défiée par une « logique » extérieure, qui les absorbe ou les rejette, et sape tous les fondements de leur existence. Même la réussite, aussi brillante soit-elle, leur échappe, comme dans la première nouvelle qui a donné son titre à l’ensemble du recueil, et dans laquelle le narrateur est un écrivain.

Le monde futur, Wang Xiaobo

Ecrit par Victoire NGuyen , le Vendredi, 07 Février 2014. , dans Asie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Actes Sud

Le monde futur, traduit du chinois par Mei Mercier, octobre 2013, 190 Pages, 20 € . Ecrivain(s): Wang Xiaobo Edition: Actes Sud

 

La résistance d’un intellectuel


Le monde futur est un récit qui se scinde en deux temps. D’abord, le livre s’ouvre sur l’histoire de « L’oncle ». Cet homme, décédé au moment où commence l’intrigue, a été écrivain. Cependant ses œuvres n’ont jamais été publiées : « Mon oncle était écrivain, mais il n’a rien publié de son vivant ». Le narrateur, son neveu, est chargé d’écrire une biographie de cet oncle : « (…) ils sont venus me voir et m’ont demandé de consacrer à mon honorable oncle une biographie ». Et c’est l’occasion pour le narrateur de commenter l’histoire de vie de son oncle et particulièrement ses relations avec les femmes. C’est aussi une opportunité pour ce biographe de mettre en exergue ses propres émois sexuels face à sa tante pour qui il nourrit passion et fantasmes érotiques. Racontée sur le mode de la dérision et de l’humour, la biographie est immédiatement condamnée. Loin d’une narration classique, le livre choque par ses références sexuelles. Le narrateur est accusé de pornographie et devient à son tour un être nuisible à reconditionner.

Comment lutter contre le terrorisme islamiste dans la position du missionnaire, Tabish Khair

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 28 Novembre 2013. , dans Asie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Les éditions du Sonneur

Comment lutter contre le terrorisme islamiste dans la position de missionnaire. octobre 2013. Trad. De l’anglais par Antonia Breteuil. 288 p. 20 € . Ecrivain(s): Tabish Khair Edition: Les éditions du Sonneur

Tabish Khair est un formidable raconteur. Son aptitude à l’empathie avec ses personnages, son talent pour traquer au plus près les comportements, le discours de chacun, son humour par dessus tout qui permet un regard profondément humain sur les péripéties de son récit, font de ce livre un moment de chaleur, de sourire, de tolérance enfin. Sur ce sujet, et par les temps qui courent, c’est une sorte d’exploit.

L’Islam – et hélas par voie de conséquence l’islamisme – sont au cœur de ce roman. Mais la position du missionnaire n’est pas en reste ! Qu’on se rassure, on échappe à tout discours théorique et attendu sur la question, aucun des protagonistes de l’histoire ne le supporterait ! Et nous non plus, trop occupés que nous sommes à rire. Les trois héros incarnent – chacun à sa façon - trois situations face à la religion du Prophète : l’un est musulman pakistanais (le narrateur/auteur ?) parfaitement « laïcisé », l’autre, son ami Ravi, n’est pas musulman, mécréant bon teint issu de la grande bourgeoisie indienne, et enfin Karim, indien aussi, pratiquant sourcilleux qui voit d’un œil critique ses deux hôtes (ils occupent deux chambres chez lui).

Le tigre blanc, Aravind Adiga

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 16 Octobre 2013. , dans Asie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, 10/18

Le tigre blanc (The White Tiger), traduit de l’anglais par Annick le Goyat, 318 pages, 8,40 € . Ecrivain(s): Aravind Adiga Edition: 10/18

 

Balram, comme des millions de ses congénères, est né dans les Ténèbres, où règne la loi de la jungle, celle du plus fort.

Le plus fort, dans ces mondes obscurs, est le fils du plus fort, et son fils sera un jour, à son tour, le plus fort.

Parce que dans les Ténèbres, on est seigneur ou esclave, de naissance, de père en fils, depuis toujours, et pour toujours.

Balram est condamné, car telle est sa destinée, à vivre en esclave, à laver les pieds de ses maîtres, à accourir, l’échine courbée, à chacun de leurs impérieux appels, à ramper devant eux, et à les remercier d’avoir la bonté de les maltraiter…

Il peut arriver, exception confirmant la règle, que dans cet appareil fatal, dans ce broyeur infernal, s’introduise un humble grain de sable qui en perturbe le cours.

Adieu le cirque !, Cheon Un-Yeong

Ecrit par Victoire NGuyen , le Samedi, 13 Juillet 2013. , dans Asie, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Serge Safran éditeur

Adieu le cirque !, traduit du coréen par Seon Yeong-a et Carine Devillon, avril 2013, 267 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Cheon Un-Yeong Edition: Serge Safran éditeur

 

Ballade des âmes errantes

 

Le roman s’ouvre sur un spectacle de cirque en Chine. Deux frères assistent aux acrobaties qui se déroulent sur scène. Le lecteur ne connaît que la pensée de l’un des frères, Yunho, qui contemple le spectacle.

« Je regardais la scène, les bras croisés, bien résolu à rester de glace, quelque dangereux que fût le numéro réalisé devant mes yeux. La virtuosité de cette troupe d’acrobates chinois, qui arrachait des exclamations au public par une contorsion ou un pliement grotesque du corps, ne m’inspirait que pitié. Le cirque implique une prise de risque. Le cirque, c’est l’affranchissement des limites physiques par un entraînement infernal. C’est donc de la pitié, et non de l’émotion, que l’on éprouve au cirque ».