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Lecture d'un chef-d'oeuvre : Look Homeward, Angel de Thomas Wolfe, par Léon-Marc Levy

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 01 Février 2018. , dans USA, Les Chroniques, La Une CED, Bartillat

Look Homeward, Angel, Thomas Wolfe, éd. Bartillat, août 2017, trad. américain Pierre Singer, 585 pages, 22 €

 

Entrer dans ce roman ressemble à une entrée dans l’Océan. L’immensité de l’univers de Wolfe, les flux et reflux incessants de son écriture, l’absence d’apaisement comme dans les vents et marées de la haute mer, nous font rapidement renoncer aux bonaces des ports. Le lecteur est emporté, submergé, au bord de la noyade parfois, tant le style de Thomas Wolfe approche du déferlement des vagues. On sait de l’auteur qu’il se tuera à la tâche – à 38 ans – et, en lisant son premier roman on se dit qu’il ne pouvait en être autrement.

L’épigraphe sublime du roman est en soi un parfait avant-goût, une sorte d’annonciation. L’auteur se transforme en prophète de ses propres souvenirs douloureux.

« … Une pierre, une feuille, une porte introuvable ; une pierre, une feuille, une porte. Et tous les visages oubliés.

Nus et solitaires, nous sommes en exil. Dans l’obscurité de ses entrailles, nous n’avons pas connu le visage de notre mère ; de la prison de sa chair, nous sommes passés dans l’indicible, l’incommunicable prison de cette terre.

L’Aventuriste, J. Bradford Hipps

, le Mardi, 30 Janvier 2018. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Belfond

L’Aventuriste, janvier 2018, trad. Jérôme Schmidt, 352 pages, 21 € . Ecrivain(s): J. Bradford Hipps Edition: Belfond

 

Sans doute jugé très peu sexy, le monde de l’entreprise a longtemps été boudé par la littérature contemporaine. On se souvient de Michel Houellebecq qui, en 1984 avec son Extension du domaine de la lutte, fut largement salué pour avoir héroïsé le salarié moyen et jeté un œil acerbe sur son identité sociale. Bien sûr, il n’est pas le seul à s’être distingué en disséquant milieux et relations professionnels, mais c’est alors bien souvent pour faire ressortir des personnages déviant de la norme sociale. Pensons seulement au fameux American Psycho de Bret Easton Ellis ou encore au Démon d’Hubert Selby.

Sauf qu’avec J. Bradford Hipps, on est vraiment très loin des marginaux, des psychopathes et des dépressifs impénitents. Ses personnages n’ont d’ailleurs rien de bien extraordinaire : ce sont des êtres humains mus par leurs désirs et ambitions, leurs valeurs et fêlures personnelles, lesquels ne nous sont pas si étrangers.

Along the railroad tracks, Une histoire allemande, Roger Salloch

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 22 Décembre 2017. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Editions Maurice Nadeau

Along the railroad tracks, Une histoire allemande, octobre 2017, trad. anglais américain Olivier Maillart, 161 pages, 19 € . Ecrivain(s): Roger Salloch Edition: Editions Maurice Nadeau

Berlin, 1935.

Le jeune peintre et professeur de dessin Reinhardt Korber vit douloureusement la déconsidération et la déchéance de sa discipline dont la direction du lycée réduit drastiquement le financement dans un système éducatif nazi qui a d’autres priorités et pour qui l’art est une expression décadente.

L’avant-veille on lui a dit que l’école n’était pas là pour former des barbouilleurs dégénérés. L’école, ça sert à former des esprits jeunes et des corps jeunes et au diable leur talent !

Parmi les rares élèves du lycée qui fréquentent encore les cours de Korber, Lotte, âgée de seize ans, et Rebecca, un peu plus jeune, deux amies inséparables depuis l’enfance, sont les préférées de l’enseignant.

Korber, Rebecca et Lotte sont les personnages principaux de ce roman sombre et passionnel, dont l’intrigue est construite sur leur trouble relation triangulaire qui évolue en étroite correspondance avec le contexte historique du lavage des cerveaux de la jeunesse allemande par le régime nazi et de la montée paroxystique de la haine des Juifs.

Le Grand Cercle, Conrad Aiken (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 21 Décembre 2017. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Le Grand Cercle, Editions La Barque, octobre 2017, trad. américain Joëlle Naïm, 316 pages, 26 € . Ecrivain(s): Conrad Aiken

 

Le vertige qui saisit le lecteur de ce roman, peu à peu, page à page, goutte à goutte n’est pas seulement littéraire. Il est aussi… topologique : cette histoire se construit comme déroulée sur une bande de Moebius – vous savez cette bande qui se retourne, où l’extérieur devient l’intérieur puis redevient l’extérieur mais dans un circuit clos – cette bande rendue célèbre par Jacques Lacan qui y voyait une figuration symbolique de l’inconscient. C’est probablement ce que Aiken a voulu dire dans son titre, Le Grand Cercle (The Great Circle), sauf que ce n’est pas tout à fait un cercle parce qu’il se retourne sur lui-même.

D’emblée, le nom de Jacques Lacan est venu. On pourrait évidemment y associer celui de Sigmund Freud, parfait contemporain de ce roman publié en 1933. La boucle constituée par ce livre est une métaphore appliquée de l’inconscient. Le héros, Andy (Andrew Cather), y traverse une vie balisée par ses figures du Destin, sur les sentes d’événements dont le retentissement symbolique noue son monde réel. On pense alors à Baudelaire : « La Nature est un temple où de vivants piliers/ Laissent parfois sortir de confuses paroles/ L’homme y passe à travers des forêts de symboles/ Qui l’observent avec des regards familiers ».

Le jour où Beatriz Yagoda s’assit dans un arbre, Idra Novey

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 20 Décembre 2017. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Les Escales

Le jour où Beatriz Yagoda s’assit dans un arbre, octobre 2017, trad. anglais (USA) Caroline Bouet, 272 pages, 20,90 € . Ecrivain(s): Idra Novey Edition: Les Escales

 

Que l’auteur soit américaine et traductrice du Portugais, spécialiste de l’œuvre d’une romancière brésilienne, n’a sans doute pas rien à voir avec cette histoire de traductrice américaine qui vole au secours de son auteur brésilienne, Beatriz Yagoda, soudainement disparue.

Idra Novey nous fait entrer dans la peau de cette traductrice qui elle-même, au bout de toutes ces années à traduire sa romancière carioca, ne sait plus trop dans quelle peau elle vit. Rajoutons à cela les enfants de la romancière, un peu égarés eux aussi dans son sillage de mystère, dont le très beau Marcus qui a les mêmes yeux vert électrique que sa mère.

Laissant derrière elle chats, pavillon, future belle-mère et futur mari adepte de la course chronométrée, Emma prend le premier avion pour le Brésil où elle s’est déjà rendue de nombreuses fois dans le cadre de son travail. Sitôt débarquée, la traductrice montre tous les symptômes de cette douce maladie, que connaissent bien tous les amoureux du Brésil, ce virus brasiliensis dont on ne peut plus jamais se défaire.