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Le Portrait de Jennie, Robert Nathan (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mardi, 20 Mai 2025. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Joelle Losfeld

Le Portrait de Jennie, Robert Nathan, Editions Joëlle Losfeld, 2000, trad. anglais (USA) Germaine Delamain, 144 pages, 5,10 € Edition: Joelle Losfeld

 

Un passage de ce livre résume la quête, somme toute absolutiste, de son personnage principal : « N’existe-t-il peut-être qu’une seule âme entre toutes – entre toutes celles qui ont vécu, à travers les nouvelles générations, d’un bout du monde à l’autre – et qui doit nous aimer ou mourir ? Que nous devons aimer à notre tour, que nous devons espérer toute notre vie, aveuglément, avec nostalgie, jusqu’à la fin » (p.92).

Eben Adams est un peintre de vingt-huit ans, qui vit dans un profond dénuement. Nous sommes en 1938 : New York est une ville qui résiste durement au talent d’Eben. Celui-ci ne parvient pas à vendre les toiles qu’il compose et il s’interroge, les déceptions répétées le plongeant dans un très grand désarroi. La « faim » qu’il a de s’accomplir est, cependant, plus dévorante que la faim du corps elle-même ou que le froid. Un soir de cet hiver-là, revenant d’une journée à nouveau stérile, il erre dans ce qu’il appelle « le Mail », tout à fait déserté :

Des anges dans la neige (Snow Angels, 1994), Stewart O’Nan (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 02 Avril 2025. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, L'Olivier (Seuil)

Des anges dans la neige (Snow Angels, 1994), Stewart O’Nan, Éditions de l’Olivier, 2016, trad. américain, Suzanne V. Mayoux, 287 pages, 13,90 € . Ecrivain(s): Stewart O’Nan Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Il s’agit du premier roman de Stewart O’Nan et, déjà, les thèmes et la mélopée sombre de son œuvre murmurent tout au long du livre. O’Nan est, de tous les romanciers américains d’aujourd’hui, probablement le plus… américain. Ses sources plongent profondément dans la vie quotidienne de la middle class se tenant aux limites de la pauvreté matérielle et en plein dans la pauvreté culturelle. Le talent de O’Nan tient dans son regard empathique sur ses personnages et dans son écriture glissando, sur tous les tons de gris comme est la vie des gens dans ce livre.

Un coup de feu létal sonne le lever de rideau et le roman décortique les éléments qui ont mené au drame. Annie est morte et le roman est l’histoire d’une structure implacable des choses qui mènent à cette mort. Petites choses en apparence qui scandent la vie sans relief de la classe moyenne de l’une des provinces américaines les plus grises, la Pennsylvanie : amours, désamours, fâcheries, divorces.

Dans les rêves, Delmore Schwartz (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 20 Mars 2025. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Rivages

Dans les rêves, Delmore Schwartz, Rivages, octobre 2024, trad. anglais (USA), Daniel Bismuth, Préface Lou Reed, Postface Thierry Clermont, 432 pages, 10 € Edition: Rivages

 

Séries métropolitaines du « poète des poètes »

Dans les rêves est un recueil de plusieurs nouvelles du grand poète et romancier Delmore Schwartz, né à Brooklyn en 1913 dans une famille juive originaire de Roumanie et relativement aisée. En 1959, il est le plus jeune auteur américain à se voir décerner le Bollingen Prize. Au début des années 1960, Schwartz sombre dans l’alcoolisme et une forme aggravée de dépression, vivant reclus dans un hôtel à Manhattan où il décède en 1966.

Ses récits, sous la forme d’instantanés parfois cruels, sont sûrement en grande partie autobiographiques. Les évocations du passé de Delmore Schwartz se déroulent, se brisent puis reviennent pareilles aux « vagues [qui] prennent leur élan de loin et se dressent lentement ». Il s’agit principalement de recréer des liens filiaux, sociaux, d’amitié « dans l’immense aliénation de la vie métropolitaine ».

Gens de couleur, Henry Louis Gates Jr. (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 07 Mars 2025. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Gens de couleur, Henry Louis Gates Jr., Les Éditions du Canoë, septembre 2024, trad. anglais (États-Unis), Isabelle Leymarie, 368 pages, 24 €

 

Un enfant noir du Comté de Mineral

Gens de couleur est le récit de l’enfant « noir » que fut Henry Louis Gates Jr. (lauréat du Heartland Award du journal Chicago Tribune et du Prix Lilian Smith pour ce livre). Gates grandit à l’époque de la ségrégation raciale aux États-Unis, et se sent, lui et les siens, « comme si nous étions des bateaux se croisant dans une mer de gens blancs ». La couleur de peau est et reste un déterminisme pour celles et ceux porteurs de la couleur noire, catégorisés, figés et abandonnés à une communauté, refoulés tels des parias, et pire, assimilés à une « race ». Ici, le « colored boy » commence son existence à Piedmont, en Virginie-Occidentale, « ville industrielle sur le déclin typique, avec une infrastructure qui se délite et des habitants résignés à sa lente agonie [pourtant au] passé fier et brillant (…) ; ville d’immigrants. Le Piedmont blanc était italien et irlandais, avec une poignée de riches Anglo-Saxons à East Hampshire Street, et, partout ailleurs, des quartiers “ethniques” de gens de classe ouvrière, de couleur et blancs ».

La Lettre Écarlate (The Scarlet Letter, 1850), Nathaniel Hawthorne (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 05 Mars 2025. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard), En Vitrine, Cette semaine

La Lettre Écarlate (The Scarlet Letter, 1850), Nathaniel Hawthorne, Folio, 1977, trad. américain, Marie Canavaggia, 368 pages Edition: Folio (Gallimard)

Écarlate est ce roman, comme la braise qui scintille dans les yeux de la mère sous l’opprobre, et ceux de la fille dont on ne sait si elle est fille de Dieu ou du Diable. Cet ouvrage brûle les doigts et ouvre la route qui mène au torrent de lave incandescente qui irrigue la littérature gothique américaine. Ce roman est un moment-clé de la littérature d’Outre-Atlantique qu’il place à tout jamais sous le thème du combat du Bien et du Mal, du péché et du remords, du châtiment et de la rédemption.

Le génie de Hawthorne est de brouiller sans cesse les lignes, d’éviter radicalement le pathos de la lutte entre le Bien et le Mal pour nous emmener dans des territoires effrayants où la morale ne trouve plus ses repères. La tentation est forte de prêter aux Puritains inquisiteurs les pires penchants mais jamais dans le roman ils ne seront les seuls acteurs du Mal, de même que la femme qui subit l’infamie de la lettre écarlate ne sera – ni elle ni sa petite fille – l’incarnation pure du Bien. Les traits se mêlent, s’entortillent, en un combat douteux dirait Steinbeck, allant jusqu’à superposer les images symboles. Ainsi la madone qui prend forme dans la femme honnie et exposée à la vue d’un public hostile :