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Roman

Hôtel du Grand Cerf, Franz Bartelt

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mercredi, 07 Juin 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Seuil

Hôtel du Grand Cerf, avril 2017, 352 pages, 20 € . Ecrivain(s): Franz Bartelt Edition: Seuil

 

Sans ôter une once d’originalité au dernier roman noir de Franz Bartelt, force est de constater que ce texte relève en partie d’un croisement subtil et efficace, et pas forcément involontaire, entre la plume de Georges Simenon et celle de Frédéric Dard.

Des Maigret, on retrouve la capacité de l’auteur à dresser le portrait au scalpel d’une petite ville de province, ici Reugny dans les Ardennes belges, avec son atmosphère étouffante, ses secrets enfouis, ses haines, ses personnages ambigus et ses taiseux.

Des San-Antonio, surgit le personnage principal, l’inspecteur Vertigo Kulbertus, dont le physique et la personnalité sont d’origine typiquement bérurienne.

« L’inspecteur Vertigo Kulbertus constituait à lui seul, du moins en volume, la moitié des effectifs de la police belge » (p.57).

Déshabiller nos solitudes, Rozenn Guilcher

Ecrit par Zoe Tisset , le Mardi, 06 Juin 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Déshabiller nos solitudes, éd. Sulliver, février 2017, 195 p. 15 € . Ecrivain(s): Rozenn Guilcher

C’est un livre tout en nuances, qui évoque à pas de chat le pire comme le meilleur :

« Quand il a bien tout cassé, papa, il prend le balai et il ramasse les morceaux. Pas tout de suite. D’abord il s’assoit sur une chaise. Il en reste deux, la mienne et la sienne (…). Je me demande si son corps saura serrer mes yeux. Et dans mes choses en attente, j’ai peur finalement d’un vrai oui, d’un amour à ma taille ».

L’auteure, du bout de son stylo, trace des chemins et des trajets : tous humains. Elle cherche les mots, les empreintes de ce qui reste souvent au bord des lèvres. Histoire d’amour, de rupture, de brisure comme cette jeune fille défigurée : « Nous sommes le monde, le monde sans lèvres qui ne sait plus murmurer, qui ne sait plus dire les mots de la bouche. (…) Il y a des endroits qui ont mal. Des endroits à habiter quand on n’habite plus rien. Des endroits si douloureux qu’ils existent trop, qu’ils prennent toute la place, qu’ils hurlent la nuit ». Surtout ne pas fracturer, mais murmurer l’indicible, ce qui se tait et déborde tout à la fois. « C’est très important. C’est comme le sable. S’il n’y a pas de sable, on ne sait pas si la mer est partie. Ça mesure. Le silence aussi il mesure. Il mesure entre les mots. Le silence, le sable, il attend, il écoute. C’est important ». Le texte court dans notre tête à la manière d’une sonate, son rythme est à la fois lancinant, entêtant et fredonnant, à l’image des vicissitudes et des joies de la condition humaine.

La Reine Ginga, José Eduardo Agualusa

Ecrit par Stéphane Bret , le Jeudi, 01 Juin 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise, Métailié

La Reine Ginga, avril 2017, trad. Portugais (Angola), Danielle Schramm, 232 pages, 21 € . Ecrivain(s): José Eduardo Agualusa Edition: Métailié

 

Le roman de Jose Eduardo Agualusa est multithématique et confine à des genres très variés : Francisco, le personnage principal, est un jeune prêtre brésilien, métis d’Indien et de Portugais. Il débarque bientôt à Luanda pour devenir secrétaire de la Reine Ginga, reine d’une grande partie du territoire de ce qui va devenir l’Afrique lusophone. C’est l’Afrique des seizième et dix-septième siècle qui sert ici de décor, l’Afrique de la colonisation européenne, mais aussi des confrontations des civilisations. Le récit, parsemé de bout en bout de descriptions de batailles, de portraits de personnages hauts en couleur, est marqué par un constat fait par ce jeune prêtre : il est en proie à des doutes intenses sur l’attitude de l’Eglise face aux « Indigènes », faut-il les respecter, les anéantir, les assimiler ?

Très vite, Francisco entrevoit une déchirure inévitable, un divorce nécessaire : « En rejoignant le service de Ginga, en vérité je fuyais l’Eglise – mais je ne le savais pas encore à ce moment-là, ou peut-être le savais-je, mais je n’osais pas affronter mes doutes les plus profonds ».

Ma mère, cette inconnue, Philippe Labro

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 31 Mai 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Gallimard

Ma mère, cette inconnue, mars 2017, 192 pages, 17 € Edition: Gallimard

 

De l’auteur, le grand public connaît les livres qui ont relaté son enfance, son voyage d’études aux Etats-Unis (L’étudiant étranger), ses débuts dans le journalisme. Philippe Labro a été cinéaste et s’est intéressé de près aux Lettres d’Amérique dans un livre qu’il a cosigné avec Olivier Barrot, à propos d’une série d’auteurs américains d’importance.

Le voici de retour avec un livre où il s’agit de raconter celle qui fut sa mère, Henriette, dite Netka, dont la vie était tout entourée de mystère.

Morte à près de cent ans près de Nice, Netka aura connu ce qu’il convient d’appeler un vrai destin romanesque. Elle qui était mère de quatre enfants, qui n’évoquait jamais ses origines ou laissait des suspensions à toute question, est l’« enfant naturelle » d’un père polonais et aristocratique, qu’elle ne vit qu’une fois, et encore, distraitement. Abandonnée par sa mère, placée en Suisse, puis à Versailles, avec son frère Henri. Elle est en France, dans les années « Charleston », dans un pensionnat poussiéreux et son âme rebelle convient bien peu à cette époque et aux conventions. La vie ensuite se stabilise : mariage, enfants, vie bourgeoise.

Celle que vous croyez, Camille Laurens

, le Mercredi, 31 Mai 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Celle que vous croyez, 192 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Camille Laurens Edition: Gallimard

 

C’est une passion poison, cachée derrière les masques de la virtualité, qui conduit Claire, cinquante ans plus ou moins, à l’hôpital psychiatrique. C’était un amour pas tout à fait à sens unique, mais pas tout à fait réciproque non plus. Un amour d’aujourd’hui, un amour 2.0. Un amour sans trop d’amour : une passion.

Le roman ouvre son rideau sur un monologue continu qui vous saute à la gorge. Claire voulait juste exister encore un peu, raconte-t-elle. Exister en tant que femme. « …qu’est-ce qu’il faut alors il faut vouloir cesser d’exister il faut se retirer de soi-même comprendre qu’on n’a plus rien à faire ici il ne sert à rien d’être jeune sans être belle ni d’être belle sans être jeune… ».

Chaque matin, son psychologue l’invite à raconter le pourquoi du comment. Comment, à travers un écran, Claire Millecam, quarante-huit ans, est devenue Claire Antunes, vingt-quatre ans. Comment a-t-elle pu, à ce point, se déconnecter de la réalité. « Comment en est-on arrivé là ? ». Claire tourne autour du pot, elle ment, elle dément ses démences. Elle a dérivé, déraillé, disjoncté. Claire n’a plus les idées claires. Elle s’est obstinée, s’est perdue, a sombré, petit à petit, dans la folie.