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Roman

La nuit myope, A.D.G

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mardi, 18 Avril 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Table Ronde - La Petite Vermillon

La nuit myope, mars 2017, 112 pages, 5,90 euros . Ecrivain(s): A.D.G. Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

Sur la présentation de sa page facebook, La petite vermillon annonce sa ligne éditoriale ainsi : « Exigeante et frondeuse, la petite vermillon, collection de poche de La Table Ronde, arpente depuis quinze ans, sans préjugés ni exclusive, tous les champs de la littérature et des sciences humaines ».

Exigeante, frondeuse et sans préjugés sont autant de qualités qui cadrent à la perfection avec la nouvelle publication de l’un des romans – ici plutôt une novella – d’A.D.G., La nuit myope, publié en 1981 aux Éditions Balland, puis réédité en 2003 chez Durante Éditions.

L’auteur de romans policiers qui en 2003 à la sortie de son livre Kangouroad Movie déclarait selon l’article de Bruno Icher dans Libération du 15 mai 2003 : « J’avais très mal pris de ne pas être réédité pour le cinquantenaire de la Série Noire, moi, un des seuls auteurs à lui être toujours resté fidèle. Alors, parano aidant, j’ai décidé de fabriquer une supercherie : un polar australien, traduit par mes soins. Comme ça, pour les emmerder », retrouve par l’intermédiaire de La Table Ronde une place de choix chez Gallimard. Par l’intermédiaire également et surtout de l’écrivain Jérôme Leroy, auteur de la quatrième de couverture, auquel La petite vermillon a donné « carte noire » pour la réédition de ses coups de cœurs.

Ada, ou l’ardeur, Vladimir Nabokov

Ecrit par Patryck Froissart , le Samedi, 15 Avril 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Folio (Gallimard)

Ada, ou l’ardeur (Ada or Ardor), trad. Gilles Chahine, Jean-Bernard Blandenier (trad. revue par l’auteur), 768 p. 12,50 € . Ecrivain(s): Vladimir Nabokov Edition: Folio (Gallimard)

Ce roman, paru initialement en anglais en 1969, est un diamant littéraire. Le thème essentiel, récurrent chez Nabokov, en est l’amour incestueux, ici entre frère et sœur. Mais contrairement au René de Chateaubriand, qui se morfond, en même temps que sa sœur et loin d’elle, dans la torture morale et le remords chrétien, ou au personnage, plus actuel, de Aue dans Les Bienveillantes de Littell, qui nourrit pour sa sœur une passion morbide et dévastatrice, Van Veen et Ada, sa cousine et demi-sœur, assument, consomment et revendiquent un amour flamboyant, heureux, sensuel, qu’ils conservent intact et mènent malgré les vicissitudes et les séparations, parfois très longues, imposées par les conventions sociales, terriblement bourgeoises, jusqu’à la fin du roman, qui décrit la vieillesse paisible qu’ils vivent enfin réunis.

Pas de dénouement tragique, donc, puisque notre lecture s’achève sur les réflexions existentielles d’un Van de quatre-vingt-dix sept ans, narrateur et personnage principal, en train d’apporter, aidé d’Ada, les dernières corrections au chapitre qui clôt le récit de ce magnifique amour, toujours vivace, qui n’a jamais faibli depuis les premières étreintes, immédiatement et furieusement charnelles, entre l’adolescent averti de quatorze ans qu’il était et l’ardente jeune fille de douze ans qu’était sa sœur.

Les Pigeons de Paris, Víctor del Árbol

Ecrit par Marc Ossorguine , le Samedi, 15 Avril 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Espagne, La Contre Allée

Les Pigeons de Paris, trad. espagnol Claude Bleton, 96 pages, 8,50 € . Ecrivain(s): Victor del Arbol Edition: La Contre Allée

 

L’auteur de romans noirs fleuves, à l’échelle des grands romans du XIXe, s’essaye à nouveau à la forme courte, après ses aventures ludiques avec le projet des Aventures du concierge masqué (voir ici). Mais le projet que la Contre Allée et Benoît Verhille ont proposé à Víctor del Árbol est sans doute un brin plus ambitieux. Il s’agit en effet d’un projet éditorial qui vise simplement à donner un aperçu de ce qui s’écrit à travers l’Europe et sur l’Europe. La collection Fictions d’Europe propose en effet à des auteurs de poser leur regard sur l’Europe au travers de brefs récits de fiction (moins de 100 courtes pages). A ce jour cinq volumes ont été édités dans lesquels on peut entendre des voix de France, du Portugal, de Grèce, d’Espagne et de Pologne (avec respectivement Arno Bertina, Gonçalo M. Tavares, Christos Chryssopoulos, Víctor del Árbol et Olga Tokarczuk). Il s’agit de textes originaux écrits spécialement pour la collection, traduits, et dont l’édition française est en fait la première édition.

Ces Pigeons de Paris sont aussi une parenthèse dans l’écriture de La veille de presque tout. On y retrouve donc certaines des thématiques chères à l’auteur de La tristesse du samouraï, et de Toutes les vagues de l’océan, cet ambitieux et grand roman russe espagnol, à commencer par celle de la mémoire et des souvenirs qui peuvent à la fois nous faire vivre ou nous pousser vers l’oubli et le silence.

Les révoltes feutrées, Slimane Aït Sidhoum

Ecrit par Nadia Agsous , le Samedi, 15 Avril 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Maghreb

Les révoltes feutrées, Chihab Éditions, 2008, 180 pages . Ecrivain(s): Slimane Aït Sidhoum

 

Le roman s’ouvre sur une scène d’aveu ; une vérité longtemps enfouie dans le gouffre des non-dits vient d’être révélée au grand jour. Nous voilà plongé-e-s in medias res dans l’intrigue du roman de Slimane Aït Sidhoum, Révoltes feutrées. Quelle est cette information occultée qui, cinquante années plus tard, revient en pleine figure tel un boomerang ?

Tout commence par une visite inopinée ; un homme frappe à la porte de la demeure de Idir : Si Hamza, ancien officier de l’Armée de Libération Nationale vient lui présenter ses excuses au nom des Moudjahidines. Pourquoi ? Pour la bavure qu’ils ont commis contre Salem, le frère d’Idir, capturé par les combattants. Ces derniers officiaient sous les ordres du redoutable et sanguinaire Commandant Amer. Cet homme qui s’était voué corps et âme pour la libération de son pays était un adepte du « Zéro tolérance ». Il était impitoyable envers « les réfractaires à l’ordre révolutionnaire ». Pourquoi et dans quelles circonstances Salem a-t-il été exterminé par ses frères combattants ? Est-il un traître ?

Quand monte le flot sombre, Margaret Drabble

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 13 Avril 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Christian Bourgois

Quand monte le flot sombre (The Dark Flood Rises), mars 2017, trad. anglais Christine Laferrière, 452 pages, 23 € . Ecrivain(s): Margaret Drabble Edition: Christian Bourgois

 

Ce roman sombre et grave est très attachant. Son personnage central, Fran, est une « jeune » septuagénaire autour de laquelle se déploie un réseau serré d’ami(e)s, de famille, et vieilles personnes qu’elle va visiter dans des institutions spécialisées en gérontologie. Ce n’est pas un métier, c’est une sorte de mission personnelle, en tout cas une véritable passion. C’est la mort qui passionne Fran. Pas la mort quand elle survient vraiment, mais quand elle est à l’œuvre chez les gens qui vieillissent, quand elle érode les corps, les plissent, les affaiblit, leur provoque des douleurs. Ce qui passionne Fran c’est « quand monte le flot sombre ».

Cela n’est pas fait de façon sinistre ou angoissante, loin de là ! Ce roman est doux, plein de tendresse et d’optimisme. Les personnages – même ceux que la vie a éloignés géographiquement – se préoccupent les uns des autres, maintiennent les liens du cœur issus de leur jeunesse. Fran est une « grande sœur » pour Teresa, une vieille amie malade, pour Claude, son ex-mari – également malade (faut-il le préciser ?), pour tous les gens qu’elle visite, pour ses enfants bien sûr.