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Poésie

Théorie de l’émerveil, Adeline Baldacchino (par France Burghelle Rey)

Ecrit par France Burghelle Rey , le Mercredi, 30 Octobre 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Théorie de l’émerveil, Adeline Baldacchino, éditions Les Hommes sans Epaules, septembre 2019, 294 pages, 20 €

 

Adeline Baldacchino, née en 1982, passionnée très jeune par la poésie contemporaine qu’elle découvre à travers Rimbaud, le surréalisme et l’Ecole de Rochefort, a fait entendre sa voix dans son livre sur la poésie de Michel Onfray et dans La Ferme des énarques où elle critique l’Ecole nationale d’administration qu’elle a intégrée en 2007. Théorie de l’émerveil a fini par naître quand elle a pris la résolution de « son intuition » en sélectionnant des textes pour la plupart inédits. L’ensemble s’étale sur treize années, de 2006 à 2019.

Ce terme d’« émerveil », récurrent dans son œuvre comme lui a signalé Alain Kewes, l’éditeur de ses deux derniers recueils, rappelle au lecteur le J’émerveille d’Apollinaire, mais c’est de Blaise Cendras qu’elle a pratiqué l’écriture et c’est lui qu’elle admire jusqu’à en écrire un ouvrage biographique. Elle y souligne qu’« il a voulu que la poésie soit dans la vie avant d’être dans ses livres. Il a fini par confondre les trois : la poésie, la vie et les livres ». Elle ajoute – et c’est essentiel pour la comprendre : « Il avait bien raison. Je ne sais pas faire autre chose ».

De quelle nuit, Maria Desmée (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 29 Octobre 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Henry

De quelle nuit, Maria Desmée, 2019, 94 pages, 8 € Edition: Editions Henry

La « comédie » humaine :

L’absence et le lointain qu’elle produit induisent une proximité. Sa sensation se répète depuis si longtemps que – si elle garde son étrangeté et demeure toujours l’expérience de la douleur – l’histoire à l’écriture de Maria Desmée qui trouve ici un « pas au-delà » de la nuit. Dans ses textes en brièvetés persévérantes, la souffrance sans disparaître vraiment change de cap grâce à l’analyse ou la poétique que l’auteure en tire en devenant ensemble non avec l’autre mais elle-même. La parole est toujours une parole échangée avec le vide, celui laissé par l’unique, sa disparition et son « occupation infinie » comme écrivit Blanchot. Mais peu à peu le fini fait retour, comme le dedans face au dehors. Bref la présence de l’absence libère. A l’avoir chéri si longtemps, à travers ses échos l’éloignement suit son cours. C’est peu, aurait pensé Maria, puisque si longtemps elle se serait contentée de moins. Mais si un amour espéré proche ne répondra plus jamais, la vie oppose l’écart de son écart. Et si le ton reste grave, dans ce chant en ses cassures la créatrice et recréatrice d’elle-même sort de son cercle vicié. L’existence ne tourne plus sur elle-même, elle s’étend. Preuve que vivre n’est pas survivre mais sur-vivre à ce qui était jusque-là un mouvement de suppléance. Parler revient à clouer le bec à qui s’est tu et retiré et qui dans son silence ne cessait d’appeler.

Aile, la messagère, Michel Cosem (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 28 Octobre 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Unicité

Aile, la messagère, avril 2018, 148 pages, 15 € . Ecrivain(s): Michel Cosem Edition: Unicité

 

Aile, la messagère – qui est-elle ? Sans doute celle qui porte et qui cimente l’esprit de Michel Cosem dans un ouvrage ciselé, où le mot poétique est systématiquement associé à un lieu. D’une certaine façon, l’élément « lieu » est le personnage principal de ce livre, invoquant en nous un déplacement continu et imperceptible. Outre la France et ses régions, l’Espagne et l’Egypte font partie des étapes du voyage. Et nous ne sommes pas autrement conviés qu’à un voyage de l’âme qui, hors de tout cheminement analytique, se laisse envahir ou est envahie malgré elle par les éléments naturels (végétaux, minéraux, animaux) et leurs images surréelles – de celles, bien sûr, qui viennent d’au-delà de nos perceptions ordinaires. Les êtres humains et leurs habitudes ne semblent être présents que dans une toile de fond, tel le passage d’un décor mouvant. C’est finalement quand l’âme se penche vers la nature, sans intention, gratuitement, qu’elle se révèle plus pleinement.

Ce n’est rien, Daniel Ziv (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 22 Octobre 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Z4 éditions

Ce n’est rien, Daniel Ziv, juillet 2019, 197 pages, 14 € Edition: Z4 éditions

 

Un curieux livre, idéal pour les curieux de tous poils, piqués de bons mots, de littérature, de trains que l’on embarque – combien de fois ? – dans la même trame d’une journée… sauf qu’ici, les rails n’assurent rien, ni de l’espace parcouru ou à parcourir, ni du temps que ce voyage nous prendra, ni de la destination. Il se pourrait bien, même, qu’aucune gare ne se dessine ou qu’elle s’efface au fil de notre avancée puisque se poser, « se reposer ne sert à rien » comme « travailler ça ne sert à rien, (…) rien ne sert à rien, le temps ne fait que passer et (…) il n’y aura peut-être plus personne bientôt / plus tard pour le dire »…

Cocasse, loufoque, renversant, ce roman qui n’en n’est pas un de Daniel Ziv décoiffe comme un coup de vent propulsé sur nos erres sans que l’on s’y attende, sans que l’on s’y prépare bien que posté d’entrée – au chapitre 1 (celui qui précède le chapitre zéro…) – sur les « Starting block »… D’ailleurs la citation en exergue d’un extrait de Monsieur de Jean Tardieu ne nous lance pas un clin d’œil « pour rin », dès le départ…

Le veilleur, Salah Al Hamdani (par France Burghelle Rey)

Ecrit par France Burghelle Rey , le Lundi, 21 Octobre 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions du Cygne

Le veilleur, Salah Al Hamdani, juillet 2019, 62 pages, 10 € Edition: Editions du Cygne

 

Salah Al Hamdani commence à écrire des poèmes en prison politique en Irak vers l’âge de 20 ans. Ancien opposant à Saddam Hussein et nourri de l’œuvre d’Albert Camus dans les cafés de Bagdad, il choisit la France comme terre d’asile en 1975. Il ne reverra sa famille et sa ville qu’après la chute du dictateur en 2004. Dans ses actes et ses écrits, il s’engagera contre la dictature, les guerres et le terrorisme. Dès les premiers poèmes de son dernier recueil, des oppositions traduisent le malaise de l’exilé. La présence en effet de l’obscurité au milieu du jour et celle du sang dans la lumière de l’aube sont notées en même temps que le terrible thème de la distance exprimé dès les deux vers liminaires qui serviront de refrain au recueil :

Comme la lune est loin derrière le verger !

Comme ton visage est loin sous les bombardements !

Visage sans aucun doute de la mère que le poète n’a pu revoir qu’au bout de trente longues années.