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Poésie

Ville ou jouir, et autres textes navrants, Christophe Esnault (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Vendredi, 24 Avril 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Louise Bottu

Ville ou jouir, et autres textes navrants, mars 2020, 164 pages, 14 € . Ecrivain(s): Christophe Esnault Edition: Editions Louise Bottu

 

La ville et ses fantômes

Christophe Esnault s’élève entre autres et à sa manière contre les impostures de la poésie et de son édition dans un livre où sans s’engendrer les uns les autres, les textes se complètent.

Certains diront que les hallucinations sont innombrables là où l’auteur n’a rien d’un petit soldat. Ils peuvent même penser que son Cogito est percé de trous. Mais c’est qu’une illusion de ceux qui ne connaissent pas la nuit et préfèrent la poésie qui ne fait pas de plis.

Esnault dessine ici un cheminement, une dérive. Il ne croit pas à la solidarité ni que l’amour domine le monde. D’où son « besoin vital de se retrouver seul(e) ». D’autant qu’il a une certitude : il ne vaut pas mieux que les autres. Ce qui ajoute de la valeur à ce qu’il écrit.

Miscellanées des fleurs, Anne-France Dautheville (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Jeudi, 23 Avril 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Buchet-Chastel

Miscellanées des fleurs, Anne-France Dautheville, mars 2020, 144 pages, 15 € Edition: Buchet-Chastel

Quand Colette parle des fleurs, c’est un enchantement et c’est de la littérature, que ce soit dans ses récits, dans des chroniques ou dans Pour un herbier (La guilde du livre de Lausanne, 1953). On pourrait lui reprocher son anthropomorphisme, son maniérisme stylistique et, peut-être, une forme de mysticisme – nous n’y songeons pas, n’étant pas encore délivrée de notre idolâtrie.

Mais tout le monde n’est pas Colette et il n’en va pas de même du livre d’Anne-France Dautheville, bien qu’il ne soit pas, loin s’en faut, dénué d’intérêt.

Il rassemble de brèves chroniques d’un intérêt inégal, qui mêlent botanique, anecdotes, légendes, références littéraires, mythologiques et historiques, considérations étymologiques et notations sur la symbolique et le langage des fleurs. Il y est question des atours et des métamorphoses des fleurs, de leurs inépuisables ressources, de leurs mœurs et de celles des insectes qui les fréquentent, mais aussi de leurs ruses et de leurs tours, des trompe-l’œil et autres subterfuges qu’elles fomentent, retorses, pour abuser la naïveté des butineurs et assurer leur survie et leur reproduction, ce qui témoigne de la sagacité et de l’à-propos de la nature – autant, sans doute, que d’un certain arbitraire dans la distribution de la perspicacité.

La fantaisie répond à la mélancolie, François Baillon (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Lundi, 20 Avril 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Le Coudrier

La fantaisie répond à la mélancolie, François Baillon, novembre 2019, ill. Odona Bernard, 139 pages, 20 € Edition: Le Coudrier

 

Dieu hésite au-dessus de son œuvre dans la bouillante marmite de sa création. Aurait-il un doute ?

François Baillon l’aide-t-il à faire feu de tout poème à précipiter, entre les mots du juste questionnement, la vivacité culinaire de la Poésie ?

C’est qu’il ne manque pas d’ingrédients à épicer une mélancolie philosophale d’une pincée de fantaisie : « Je réduis la cuisson, se dit Dieu, et tous les éléments devraient pouvoir rester ».

Dieu et le scientifique se confrontent dans une sorte d’hilarité explosive qui n’a rien à envier aux rétrécissements et agrandissements « d’Alice » dans son « Pays des merveilles », François tirant les audaces littéraires d’une sorte de chapeau d’Eternité, laissant éclater une sorte d’irresponsabilité d’un Dieu laissant échapper un projet inabouti ou peut-être bien, plus volontairement, obligeant l’Homme à prendre ses responsabilités.

2 livres poétiques (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 02 Avril 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

 

Vers cela qui n’est pas, Michel Bourçon, éditions La Crypte, 2019, 60 pages, 12 €

 

Ce trente-neuvième livre de poésie de l’auteur creuse encore un peu plus les marques d’un domaine que sa pensée et son écriture circonscrivent ; ce territoire de la marche, du pas intérieur, des éclaircissements sur lui-même.

Pourquoi, au fond, marcher dans ses pas, retendre, au fil des mots, les plis et replis du terrain ?

Bourçon, en de brefs poèmes, dont parfois les parties s’aèrent sur la page, poursuit sa voie : dire le peu avec le peu, l’« imprononçable » que la quête attise ou vise.

« en marge de soi » (p.28) pourrait ordonner l’ensemble des fragments qui situent cette errance porteuse de sens.

Europe Odyssée, Jean-Philippe Cazier (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 30 Mars 2020. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Europe Odyssée, Jean-Philippe Cazier, éditions Lanskine, janvier 2020, 48 pages, 13 €

 

Chant choral des réfugiés

Écrire sur une action dramatique, voire sur une actualité brûlante et sans doute limitée dans le temps, sujette justement au sort de l’événementiel et de son traitement médiatique, représente une difficulté. Ici, traiter du parcours des réfugiés venus d’Asie ou d’Afrique jusqu’aux plages de Calais, ou pour être plus précis, vers tous les lieux de rétention, jungle ou autre colline au crack, ne cesse, ne se finit pas en sa propre description, sauf à trouver une langue qui ne tourne pas court, capable de suivre le temps à la fois ancestral et contemporain de la migration humaine. Ainsi, il est possible d’écrire le voyage et sa part brutale, où les langues justement, tiennent un rôle primordial. Cette expression, ce chant si l’on veut, est une supplique d’hommes qui pérégrinent, qui souffrent, sont incompris, et rejoignent en un sens le vaste langage, le « poème » tragique, le rang du chœur tragique de l’Antiquité d’Euripide ou de Sophocle. Europe Odyssée choisit le camp de l’odyssée, de l’Odyssée, de la rhapsodie, du récit des inconnus de la terre, des réprouvés, du monde épique et tragique des migrants en leur nouvelle définition sociale.