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Poésie

Un dernier verre à l’auberge, Emmanuel Moses (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 26 Mars 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Lanskine

Un dernier verre à l’auberge, janvier 2020, 56 pages, 13 € . Ecrivain(s): Emmanuel Moses Edition: Editions Lanskine

L’univers poétique de Moses n’est guère éloigné de celui dans lequel il plonge Monsieur Néant, héros malgré lui de son roman, paru à La Bibliothèque.

On retrouve ce goût d’un réalisme décalé, mâtiné de fantastique ordinaire, d’incongruités de sens, et d’une tendre mélancolie.

Proche de Zbyněk Hejda, le Tchèque, redevable à Supervielle de son réalisme magique et tristounet, Moses flirte avec la nuit, les bars, enfin, une auberge, puisqu’il s’agit de boire (« allons boire quelque part, à l’ombre, en silence », p.14), et l’auberge sera citée elle, plus tard, plus loin (« Tu pars de chez toi pour aller boire un dernier coup à l’auberge/ Pourquoi avoir choisi ce village paumé ? », p.36).

Les présences (un je, un tu, une ombre, quelqu’un) rendent encore plus indécidables ces fantômes de la réalité, chers à Moses ; l’amateur de Prague insinue ici des décors, des atmosphères, des récits, des instants de ville, qui échappent à la pure réalité et y retournent par l’écriture : il suffit d’une notation, d’une image pour faire basculer le poème dans un fantastique un peu glauque, un peu déjanté, forcément poétique.

Poèmes du vide, Daniel Ziv (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 18 Mars 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Z4 éditions

Poèmes du vide, Daniel Ziv, 2017-2020, Préface Jean-Claude Pecker, ill. Jacques Cauda, 103 pages, 12 € Edition: Z4 éditions

 

Les Poèmes du vide de l’éditeur-poète Daniel Ziv nous rappellent que le présent est toujours là, à portée de regard, vivace loin de nos palabres irréalistes, du « passé / tissé d’araignées, d’illusions, / d’éphémère » palpable dans la pulpe et la rondeur des jours qu’il nous suffit d’habiter pleinement, possible dans la spontanéité créative plus tangible que la tangente prise par la temporisation de nos exploits à venir qui ne viendront tout compte fait jamais. « Vous êtes nombreux / à fonder vos espoirs : dans la fonderie du hasard », écrit le poète, ou encore : « La carte du ciel se moque bien de vos / espoirs ». Le couperet de ses mots ne joue pas la carte du tendre. Non pas qu’il se fasse ici le chantre du désespoir, mais le poète citoyen d’un monde se révèle plutôt le transmetteur d’une clairvoyance salutaire et roborative capable de rire sainement de nos excès stériles. Et même si « les rires sont aliénés » celui des rescapés plus ou moins revenus des sales coups de l’Histoire reste celui, triomphant, des inconsolés étoilés.

Partage de la nuit, Patrick Devaux (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 09 Mars 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Le Coudrier

Partage de la nuit, Patrick Devaux, Ill. Catherine Berael, 70 pages, 16 € Edition: Le Coudrier

 

Nous voici dans un moment où notre conscience se laisse glisser vers un autre niveau du monde, à moins qu’à l’inverse elle n’ait enfin le moyen de s’éveiller pleinement à ce monde. Nous voici dans ces instants déterminants où l’aube est sur le point d’apparaître, où le crépuscule est si bien installé qu’il nous place dans le mystère et l’expectative, qu’il nous invite à une observation plus minutieuse de l’espace, qu’il nous met face à quelques questionnements centraux.

C’est l’impression qu’apporte ce très délicat Partage de la nuit de Patrick Devaux qui, dans une langue poétique aussi épurée que suspendue (la disposition graphique elle-même semble faire état d’une suspension, suspension du temps, suspension du geste), nous emmène au sein d’une oscillation entre ombre et lumière, nous conduit à cette frontière incertaine où tentent de se rencontrer le jour et la nuit, où le jour et la nuit s’essayent à un partage des éléments.

Arcanes majeurs, Silvaine Arabo par Parme Ceriset

Ecrit par Parme Ceriset , le Mercredi, 26 Février 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Arcanes majeurs, Silvaine Arabo Editions Alcyone novembre 2018, 83 pages, 21 €

 

L’univers de Silvaine Arabo offre au lecteur une excursion poétique dont la beauté côtoie les rivages de l’absolu. Il s’agit d’une aventure mystérieuse, énigmatique, presque initiatique. L’auteure dessine de mot en mot, de souffle en souffle, les contours d’une mythologie qui lui est propre : «

On a des mots, des souffles autant dire : ce qui porte la vie

et qui germera. »

Par petites touches, comme une impressionniste du Verbe, la poète peint une fresque dont la magnificence appelle naturellement cette parole de René Char : « Dans nos ténèbres, il n’y a pas une place pour la beauté, toute la place est pour la beauté ».

On perçoit à travers les images et les métaphores tissées à l’or fin un rapport mystique à la Nature, aux éléments et au grand Tout : « On est ce mica brûlant sur le sol de déserts », « On est tout, on n’est rien ».

Le trésor des humbles de Maurice Maeterlinck : une poésie de l’occulte. (par Sophie Galabru)

Ecrit par Sophie Galabru , le Lundi, 27 Janvier 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Grasset

Le trésor des humbles, Maurice Maeterlinck Edition: Grasset

 

Prix Nobel de littérature 1911, Maeterlinck est notamment l’auteur du Trésor des humbles où il se fait poète de l’occulte. Paru en 1896, l’année de la mort de Verlaine, la prose poétique de Maeterlinck est encore d’un langage symboliste, tout en s’en dégageant déjà. Témoin des énigmes, Maeterlinck lie l’infini et le fini, la mort et le sens, les évènements et leur vérité, notre ignorance et le secret de nos lignes de vie. Poète d’un monde invisible, cet écrivain belge écrit avec une conviction spirituelle : « Nous vivons à côté de notre véritable vie et nous sentons que nos pensées les plus intimes et les plus profondes ne nous regardent pas, que nous sommes autre chose que nos pensées et nos rêves » (p. 47). Nous ne pouvons donc pas comprendre Maeterlinck si nous n'acceptons pas l'idée selon laquelle « c’est par distraction que nous vivons nous mêmes » (ibid). Certain que de nous détenons plus de vérités que nous l’imaginons, l'auteur s’essaye à décrypter la vie souterraine et aérienne de nos âmes ; celle que l'on vit en toute absence à soi.