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Poésie

Contredanses macabres (Synopscènes) Patryck Froissart (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Mardi, 02 Septembre 2025. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres

Contredanses macabres (Synopscènes) Patryck Froissart poèmes éditions Constellations (2025,121 pages, 13 euros) . Ecrivain(s): Patryck Froissart

 

Patryck Froissart fait parler un « Dieu-Verbe » suggérant une « démarche de salubrité mentale ». Son ton me rappelle un peu celui du poète Jacques Demaude qui était lui un croyant alors que Patryck s’en prend plutôt aux « dieux inouïs ».

Entre ses mots gronde une sourde colère : « Sang innocent sourd de l’écran/L’insane atteint l’ultime cran/Le feu le froid l’affre la guerre/ Il y a tant et tant à faire ».

En parallèle le poète pose régulièrement la question inhérente aux rêves enfouis : « Ô Mère où sont les fées les sylvains les follets ? Où se sont envolés les elfes désolés ? ».

Nul constat sans intention : « Dans tous les cahiers d’écoliers/ Démystifions les médaillés ». Pas un mot de trop ; tout est pesé en prônant parfois la pureté des origines : « J’aspire aux errements des déserts impubères/ Aux vierges vibrations des oasis berbères ».

Soudain nous ne sommes pas seuls, Paul de Brancion (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 01 Septembre 2025. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Soudain nous ne sommes pas seuls, Paul de Brancion, illustrations Liliane Klapisch, Florence Manlik, éd. de Corlevour, 80 p., 2025, 15 €

Face-à-face avec la mort

Quittons donc les œuvres de ténèbres, et revêtons-nous des armes de lumière.

Paul, Romains, XIII, 12

J’ai lu lentement ce recueil que publie Paul de Brancion, car le poème ici est une eau rare, et il faut savoir économiser sa peine, l’acte de lire, afin de ne pas gâcher la chance d’une prière bien faite prononcée dans le cœur sourd d’une voix intérieure. La lecture se développe dans une cambrure touchant à la fois au fond de l’être humain – sa mort et son existence devant cette mort – et ses espoirs. Oui, ce recueil organise un face-à-face avec la mort et, en définitive, le poète est plus fort qu’elle, il la transcende. Nous sommes tous, quoi que nous fassions, un être devant la mort, et cela pour comprendre la vie, et là, insistant sur un stoïcisme de la pensée. Être stoïque devant l’heure dernière : la plus grande mission de l’homme.

La Vie éternelle, Dominique Sampiero (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 29 Août 2025. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

La Vie éternelle, Dominique Sampiero, Le Taillis pré, 2025, 190 p., 18 euros.

 

Écrire un livre, c'est sans doute agencer un portrait, ajuster une vision, laisser quelques traces de vie.

Sampiero, dans ce livre très architecturé, s'adonne au plaisir d'écrire LA VIE, celle d'un village, celle d'un ami Yves, celle de tous les "gens de la fenêtre" qu'il décrit comme des présences familières, importantes, d'un passé qu'il s'agit de rameuter.

Les poèmes en prose coulent ici comme fontaines de sens : le portrait de l'ami, voisin, serviable, au plus près d'une nature de jardins et de chevreuils, résonne comme la vie pauvre à sauvegarder en dépit de tout, du temps qui ronge, de la solitude à soigner.

Proche à mon sens des univers de Dhôtel l'admirable et du remarquable Bouysse, Dominique Sampiero réussit le miracle de donner vie au peu qui brille dans la nasse des choses recueillies, "l'âme des flaques, qui, en un seul regard, capturent les averses, les nuages, les merles".

Le Royaume sans murailles, suivi de : L’aurore intranquille, Catherine Andrieu (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 26 Août 2025. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le Royaume sans murailles, suivi de : L’aurore intranquille, Catherine ANDRIEU, éd. Rafaël de Surtis [120 p.] – 17 €

Je suis née trouée, dit Catherine Andrieu, le laps fulgurant d’un souffle puisé dans une transfiguration chamanique du monde et l’alchimie d’un style, au cœur d’un Royaume sans murailles blotti tel une grotte au creux de la Terre, à l’écart du monde normatif, géode cosmique grandeur nature à même la paroi du vertige. « Je me suis levée avec la sève aux poignets », poursuit-elle, dressée à l’assaut du ciel sous l’arche végétale où le velours des fougères cervidées, entre autres -au milieu d’une faune sauvage qui n’a de sauvage qu’une liberté indomptable- peuple l’animale forêt de sa pensée. Par les interstices du feuillage, ceux de l’observation patiente, de la peur, du doute,  de la clairvoyance, elle s’y incarne par le sang de ses mots prenant racine « sur un sol (…) de sources invisibles » (arbre, clairière, « langue rauque des torrents », …), dans une osmose alchimique de sourcière, renversant la perspective, accouchant d’oiseaux en vol du Saint-Esprit sur les persiennes de sa chair, par le ventre de l’œil à l’écoute visionnaire (« des oiseaux carnivores sont nés dans mes cils »). Elle remue les globules de son encre dans le calice d’une immobilité figurative incorporant le total univers non domestiqué qui nous entoure.

L’impartagée, Joël Mansa (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 18 Août 2025. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

L’impartagée, Joël Mansa, préf. Thibault Biscarrat, éd. Le Nouvel Athanor, 2025, 102 p., 18€

 

Se recueillir, voilà à quoi confine le dernier recueil de poésie de Joël Mansa. Car le sentiment esthétique se lie ici au sentiment moral. J’y ai vu pour ma part une accointance avec l’univers de Charles Juliet, c’est-à-dire un style fluide, sans enflure, juste cependant, plein et dissert, une appréhension de la vie simple dans son âpreté, et le sentiment d’avoir échappé au pire. Donc, une voix claire qui sait dire ce qu’elle a à dire (aspect tautologique du Gardeur de Troupeau de Pessoa ?). Ce qui nous mène malgré tout vers une métaphysique.

L’impartagé reste ce qui se partage néanmoins dans le poème, en marge, comme l’on partage le silence dans l’amitié complice, comme est la part commune de la parole. Ce hors champs devient, selon son rythme poétique, un lien avec l’impartagé existentiel. Lien susceptible de partage - y compris pour celui qui cherche le silence -, vérité presque inaudible du poème refusant le tout venant du langage, préférant chercher, quitte à expliquer en quoi il est définitivement impartageable dans sa puissance radicale, dans sa puissance.