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Les Livres

Redites-moi des choses tendres, Soluto

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 12 Octobre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Les éditions du Rocher

Redites-moi des choses tendres, septembre 2017, 504 pages, 21,90 € . Ecrivain(s): Soluto Edition: Les éditions du Rocher

 

« L’index suspendu, plus raide cependant, mais toujours au-dessus du bouton d’envoi, il prolongeait le film. Il fantasmait le retour anticipé de la déchue, son museau bouffi, les premiers mots de leurs retrouvailles, son refus de la moindre explication (« J’ai tout dit, relis-moi »). Sa dignité était reconquise, sa vie de malheur vengée. C’était la fin de la comédie du paraître, le retour alléchant de tous les possibles ».

Redites-moi des choses tendres est une comédie noire, qui aurait pu inspirer un film de Claude Chabrol, une comédie au vitriol, déclenchée par un email qui part trop vite sous les doigts d’Eugène, adressé à son épouse. Une lettre électronique qui va accélérer l’incendie qui couvait dans ce couple sans histoire. Comme dans les petites vignettes dessinées par Claire Bretécher, les enfants sont insupportables et tricheurs, les maîtresses tout autant, les hommes séducteurs, agressifs et dépressifs, on couche, on traficote, on se ment et l’on triche, on règle des comptes, on trahit, on tremble, on hurle et on pleure. Eugène travaille chez un opérateur de téléphonie, LiberTel&Net, et rêve d’avenir radieux dans les hautes sphères de sa belle entreprise aux méthodes de management pour le moins brutales. Barbara enseigne dans un lycée catholique à sections européennes où elle s’ennuie.

Je viens de m’échapper du ciel, d’après Carlos Salem, Laureline Mattiussi

Ecrit par Marc Ossorguine , le Jeudi, 12 Octobre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Casterman, Bandes Dessinées

Je viens de m’échapper du ciel, d’après Carlos Salem, 196 pages, 18,95 € . Ecrivain(s): Laureline Mattiussi Edition: Casterman

Les amateurs de noir, et quelques autres, connaissent les romans de Carlos Salem, hauts en couleurs autant que le personnage de l’écrivain. Tout le mode ne sait pas forcément qu’il a aussi écrit des nouvelles et de la poésie. Ce sont ses nouvelles qui ont inspiré Laureline Mattiussi pour réaliser cet album singulier, tout en noirs et blancs. La dessinatrice a en effet choisi d’abandonner les couleurs de ses premiers albums pour donner toute leur place aux traits et aux aplats, sans atténuer la brutalité des contrastes dans un monde qui oscille entre réalisme brut et rêves fous. Au centre, un personnage perdu entre le réel de la vie et celui de ses visions et désirs. Son nom suggère des choses : Poe. Comme Edgard Alan et son corbeau.

De bars glauques en combines lamentables, il dérive tranquillement, en parfait loser. S’il rêve de femmes pas toujours accessibles, il peut aussi taper une discute avec un chien installé au même bar que lui. Ou alors essayer de rencontrer le ciel en compagnie de son ange, un barbu avec Snoopy sur son tee-shirt. Paumé royal, Poe a aussi ses pudeurs et il y a des choses qu’il ne peut accepter, comme se déguiser en Titi (l’oiseau que poursuit inlassablement le gros minet Sylvestre dans les dessins animés). En Bugs Bunny, oui, pas de problème. Mais en Titi, pas question. D’abord, il est bien trop flippant Titi !

Il y avait des rivières infranchissables, Marc Villemain (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 11 Octobre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, La rentrée littéraire, Joelle Losfeld

Il y avait des rivières infranchissables, 12 octobre 2017, 145 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Marc Villemain Edition: Joelle Losfeld

 

Dans ce recueil de courtes nouvelles, Marc Villemain s’aventure sur des sentiers difficiles. Ecrire sur les amours enfantines, ou adolescentes, est souvent un piège tapissé de guimauve ou, au moins, de sentimentalité molle. On ne sait par quel miracle d’équilibre, ces nouvelles, sans exception, y échappent. La délicatesse, le doigté, la distance narrative, sont ici les ingrédients d’un livre certes sentimental – c’en est même le sujet – mais jamais dans le pathos.

En évoquant les amours d’autrefois, celles d’« il », figure centrale de chaque nouvelle, Villemain touche bien sûr à la nostalgie du temps qui passe, mais au-delà d’une nostalgie personnelle, à celle d’un moment collectif, notre nostalgie à tous, l’évocation émouvante d’une France disparue, de modes de vie surannés. Un parfum de cartes postales de naguère qui nous renvoie immanquablement à nos propres souvenirs.

Fragments d’un voyage immobile, Fernando Pessoa

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 11 Octobre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Langue portugaise, Rivages poche

Fragments d’un voyage immobile, précédés d’un essai d’Octavio Paz, trad. portugais Rémy Hourcade, 128 pages, 6,60 € . Ecrivain(s): Fernando Pessoa Edition: Rivages poche

 

Lit-on vraiment l’œuvre de Fernando Pessoa (1888-1935) ? Oui, et non. Oui, une première fois, on se laisse porter par les poèmes ou la prose ; non, parce qu’ensuite on ne cesse d’y revenir, suivant les signets ou attendant du vent qu’il ouvre le volume écorné, à force, à une page quelconque qu’on lira puis qu’on rêvera. On sirote, on picore au final plus Pessoa qu’on ne le lit, en somme. Ce picorage, cette maraude quasi, c’est exactement ce que propose le petit volume Fragments d’un Voyage Immobile réédité ces jours-ci par les éditions Rivages dans leur collection de poche – avoir toujours Pessoa à portée de la main, même sous forme de « fragments », en tout lieu, tout moment, ce n’est pas un luxe, c’est une nécessité.

Avant d’aborder les « fragments » en question, considérons la préface, en fait un essai signé Octavio Paz (1914-1998), long d’une quarantaine de pages, intitulé « Un Inconnu de lui-même : Fernando Pessoa » et daté de 1961. Le poète mexicain, lauréat du Prix Nobel de Littérature, s’y livre à une analyse de l’œuvre de Pessoa, éclairant entre autres la notion d’hétéronyme, indispensable pour appréhender les différents recueils du Portugais, signés aussi bien Fernando Pessoa qu’Alberto Caeiro, Ricardo Reis ou encore Alvaro de Campos.

Houellebecq, son chien, ses femmes, Pierre de Bonneville

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 10 Octobre 2017. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Biographie, La rentrée littéraire, L'éditeur

Houellebecq, son chien, ses femmes, septembre 2017, 256 pages, 15 € . Ecrivain(s): Pierre de Bonneville Edition: L'éditeur

 

Tous les connaisseurs savent qu’une œuvre d’art doit être observée selon différents points de vue. Après Houellebecq économiste de feu Bernard Maris (Flammarion) et Houellebecq aux fourneaux de Jean-Marc Quaranta (Plein Jour), les perspectives retenues par Pierre de Bonneville sont prometteuses, quoique leur association surprenne : « son chien, ses femmes ».

Le chien est connu depuis qu’il a figuré sur le catalogue (disponible jusqu’en supermarché) de l’exposition Rester vivant, organisée au Palais de Tokyo en 2016. L’animal appartenait à une race peu courante sur le continent, mais répandue dans les îles britanniques, le welsh corgi penbroke. Les portraits de ce chien, prénommé Clément – ce qui, comme le remarque Pierre de Bonneville, n’est pas un nom de chien mais d’être humain – et doté d’un état civil (2000-2011), avaient occupé lors de l’exposition parisienne une place considérable, proportionnelle à l’amour que Michel Houellebecq lui portait. Dans différents entretiens, l’écrivain ne tarissait pas d’éloges sur les chiens en général et sur Clément en particulier, pour qui il composa le genre d’épitaphe que bien des êtres humains ne méritent pas.