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Les Livres

Les grandes villes et la vie de l’esprit, Sociologie des sens, Georg Simmel (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 27 Septembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Langue allemande, Payot Rivages

Les grandes villes et la vie de l’esprit, Sociologie des sens, mars 2018, trad. allemand Jean-Louis Vieillard-Baron, Fréderic Joly, préface Philippe Simay, 110 pages, 6,60 € . Ecrivain(s): Georg Simmel Edition: Payot Rivages

Il est d’usage, dans le petit monde universitaire, de mépriser plus ou moins discrètement les articles de revue, qui représenteraient, par rapport aux livres, une forme moins aboutie de la pensée et de la recherche. Or bien des textes importants ne furent jamais autre chose que des articles de revue, à commencer par les cinq contributions envoyées aux modestes Annalen der Physik par un jeune savant inconnu, Albert Einstein ; contributions publiées en 1905 et plus importantes que bien des gros ouvrages en plusieurs tomes. Contemporains des démonstrations d’Einstein, les deux textes du sociologue Georg Simmel (1858-1918) réunis dans ce mince volume furent également des articles : Les grandes villes et la vie de l’esprit proviennent d’une conférence donnée en 1902 et publiée l’année suivante ; Sociologie des sens parut en 1907. Dans ces deux articles se déploie une pensée mûre. En sociologue digne de ce nom, Simmel s’intéresse à la grande ville contemporaine, celle où lui-même a pu vivre. Passée entre 1871 et 1914 de 800.000 à 4 millions d’habitants (une croissance démographique qui n’est pas sans évoquer, de nos jours, Istanbul), Berlin a fourni à Simmel un terrain d’observation et de réflexion privilégié (ses remarques recoupent en partie celles de Walter Benjamin sur Baudelaire et Paris, dans l’essai Sur quelques thèmes baudelairiens).

Si quelqu’un écoute, Béatrice de Jurquet (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Jeudi, 27 Septembre 2018. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Si quelqu’un écoute, Béatrice de Jurquet, éditions La rumeur libre, novembre 2017 (Prix Max Jacob 2018. Préface Gérard Chaliand), 128 pages, 16 €

 

Un territoire à soi

Voici comment Béatrice de Jurquet définit elle-même son écriture : « J’ai capté des bribes de phrases attrapées dans le temps suspendu hors du bruit assourdissant du quotidien. J’ai cherché la juste place, la vibration, la résonance, l’attention aux choses minuscules, le rythme intérieur, la musique intérieure, le silence, le souffle ».

Le silence est indispensable pour savourer la poésie. Alors, un conseil, choisissez l’intimité, enfoncez-vous douillettement dans le fauteuil le plus confortable de votre maison, attendez tranquillement que vienne le crépuscule, à l’orée de l’automne quand les jours raccourcissent, allumez une lampe pour créer juste une lumière tamisée. Vous voilà préparé à savourer Si quelqu’un écoute de Béatrice de Jurquet, recueil de poèmes paru en 2017 dans les éditions La Rumeur libre. Dans ce recueil, vous retrouverez beaucoup de thèmes chers à l’auteur et déjà explorés dans son roman La Traversée des lignes : Les paysages et les maisons d’enfance,

« Un pays qui n’existe que d’être écrit ».

Prix de la Vocation 2018, les livres en lice (3) : Sauver les meubles, Céline Zufferey et Le réconfort, Pierre Daymé (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Jeudi, 27 Septembre 2018. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

 

Sauver les meubles, Céline Zufferey, Gallimard, août 2017, 240 pages, 19 €

 

Le personnage principal de l’histoire est un photographe débutant, de sexe masculin, un vrai narrateur et non un substitut de l’auteur : il ne s’agit pas ici d’autofiction, mais plutôt de conversations et de sous-conversations. Le « je » narre l’entrée dans le métier de photographe, non pas d’art mais pour la consommation de masse (les cuisines), d’un jeune homme, qui prend sur les sites de rencontre le pseudo de FIRE.

Pour échapper à ses frustrations de professionnel débutant, et à la compagnie fort peu exaltante d’Assistant, de Stagiaire et de Sergueï-le-Styliste, le narrateur entretient une liaison, d’abord entièrement satisfaisante, avec Nathalie, la collègue qui pose dans les décors qu’il photographie : « Après le sexe, elle pose sa tête sur mon épaule. C’est comme ça que l’archétype de l’homme stable et heureux qu’on promet dans nos photos finit sa journée : dans un lit à deux places, une belle fille entre les bras ».

L’Aventure, France Burghelle Rey (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 26 Septembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Unicité

L’Aventure, juin 2018, 84 pages, 13 € . Ecrivain(s): France Burghelle Rey Edition: Unicité

 

Un bref roman, au ton autobiographique, nous plonge dans une Bourgogne de vacances et de redécouverte d’un passé éloigné. Vingt ans, déjà. Stan et ses amies, Claire, Paule et la narratrice se sont connus, entre amitié et amour. Se sont perdus de vue. Ils se retrouvent et le hasard fait bien les choses : un journal intime que Claire a tenu, il y a longtemps, rameute des souvenirs, des expériences. La narratrice commente, au fil de la lecture de ce journal, qu’un grenier de province gardait secret, le texte de son amie.

L’amitié, l’amour, le désarroi, la réclusion dans un espace mental non désiré recoupent l’histoire et en donnent une chair attentive et précieuse. Que de strates, parfois bien mal perçues, recouvrent les relations sentimentales. Le livre dans le livre, pour être un procédé narratif efficace, laisse les événements se décanter, offre au lecteur matière à réflexion sur ce que le temps assigne aux sentiments. On n’oublie pas tout à fait ; on recuit certaines expériences ; on revient à l’arrière du Temps, dans cet espace presque confit, confiné et douloureux, et cependant partageable.

cOsmOésia, Christophe Dekerpel, par Murielle Compère-Demarcy

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 26 Septembre 2018. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

cOsmOésia, Christophe Dekerpel, éd. La Chouette imprévue, octobre 2018, 59 pages, 14 €

 

Origine de l’Univers & Origine de l’Un/de l’Être au singulier, dans sa Singularité : où se situe l’Un, par rapport à l’Autre ? Se rejoignent-ils ? Lors de quel « voyage, hors du temps » ? Soumis à la gravitation, pesant (« Gravitation fois mille ~ G X 1000Pesanteur zéro ~ P=0 »), être « humanimal », au cœur de l’univers, « Suis-je ici ? Suis-je ailleurs ? Ici et ailleurssimultanément ? »… Le nouveau livre de Christophe Dekerpel qui avait signé précédemment De corps, encore, aux éditions Corps Puce, nous assigne dans cOsmOésiaà notre errance constitutionnelle d’être humain en quête d’une place où trouver corps, existence, au sein de l’Univers infini.

Les questions à l’origine de la réflexion philosophique sont posées dès le départ de ces poèmes métaphysiques : d’où venons-nous, qui sommes-nous, où allons-nous (« Que deviennent les choses quand elles s’érodent ?Rejoignent-elles, infiniment petites, l’univers, dansleurs versions ioniques, subatomiques ? »). Une sorte de « How to be or how not to be » se décline ici, nous replongeant dans un questionnement inhérent à la condition humaine dès qu’elle s’interroge sur sa géolocalisation dans l’espace-temps (« multiplicitémultiplicitêtre ») devenu ici espace-temps sidéral.