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Les Livres

Joris-Karl Huysmans Romans et nouvelles en la Pléiade - Les Sœurs Vatard (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Mardi, 26 Novembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Pléiade Gallimard

Joris-Karl Huysmans Romans et nouvelles, septembre 2019, 1856 pages, 66 € jusqu’au 31/03/2020 . Ecrivain(s): Joris-Karl Huysmans Edition: La Pléiade Gallimard

 

Ce n’est pas parce qu’on est sœurs qu’on se ressemble. N’y a-t-il d’ailleurs rien de plus différent que deux sœurs ? Comme si l’une se construisait par rapport à l’autre ou que leurs parents essayaient de corriger avec la cadette ce qu’ils n’ont pas réussi avec la première. Les sœurs Vatard, Céline et Désirée, sont comme l’envers et l’endroit d’une même pièce, aussi bien en termes d’apparence physique que de caractère. L’une est blonde, l’autre brune. L’une est délurée et enchaîne les relations, alors que l’autre se montre bien plus sage et se préserve pour le mariage. Désirée est « une galopine de quinze ans, une brunette aux grands yeux affaiblis, pas très droits, grasse sans excès, avenante et propre, et Céline la gouailleuse*, une grande fille aux yeux clairs et aux cheveux couleur de paille, une solide gaillarde dont le sang fourmillait et dansait dans les veines, une grande mâtine** qui avait couru aux hommes, dès les premiers frissons de sa puberté » (*débauchée, **femme ardente). Elles travaillent dans un atelier de satinage et de couture pour le compte de la maison Débonnaire et Cie. Les deux sœurs ont toutefois un point commun : elles vivent mal leur situation. L’incapacité de Céline à se fixer durablement avec un homme la fait souffrir.

Proust latino, Rubén Gallo (par Augustin Talbourdel)

Ecrit par Augustin Talbourdel , le Lundi, 25 Novembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Buchet-Chastel

Proust latino, Rubén Gallo, octobre 2019, 300 pages, 22 € Edition: Buchet-Chastel

 

« Un livre est un grand cimetière où sur la plupart des tombes on ne peut plus lire les noms effacés », écrit Proust dans Le Temps retrouvé. D’où « la vanité des études où on essaie de deviner de qui parle un auteur ». Pourtant, nombreux sont les lecteurs et critiques de la Recherche à avoir tenté, chacun leur tour, de mettre des noms sur des visages. Ce n’est pas l’intention de Rubén Gallo, du moins échappe-t-il à cet écueil en résolvant dès le début de son étude ce faux dilemme qui se pose, en réalité, pour chaque œuvre romanesque. « La vie et l’œuvre de Proust entretiennent la même relation que les carafes plongées dans la Vivonne décrites dans un célèbre passage du roman : la carafe contient l’eau mais est aussi contenue par la rivière. La vie et l’œuvre de Proust sont aussi contenantes et contenues ».

Pour personne, Cédric Demangeot (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 25 Novembre 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Pour personne, Cédric Demangeot, L’Atelier contemporain, août 2019, ill. Ena Lindenbaur, 128 pages, 20 €

 

Qui est le personnage ?

Aborder le livre de Cédric Demangeot se fait par étapes. Tout d’abord tenir et passer la couverture rigide qui enserre le livre, comme on le ferait d’un portail. Puis, en poursuivant, le lecteur accède à la première partie du texte en ayant parcouru les illustrations de l’ouvrage, calligraphies filées en réseaux et nœuds, de Ena Lindenbaur. Viendra en suite la seconde partie, écrite en italique sous forme de journal, du journal d’un héros insaisissable, ce jean personne désigné sans majuscules. Pour ma part, j’ai suivi le fractionnement, les coupures et ruptures allant des textes aux images en m’attachant particulièrement aux lignes du premier mouvement de l’opus. Car j’ai aimé suivre la quête de l’écrivain, quête d’un personnage, avec ces incertitudes entre le vrai écrivain, l’écrivain qui se fond dans un personnage, et le personnage lui-même vrai ou faux.

Deux manches et la Belle (Sans paroles, ni musique), Milt Gross (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 22 Novembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Table Ronde, Albums, Bandes Dessinées

Deux manches et la Belle (Sans paroles, ni musique), Milt Gross, La Table ronde, octobre 2019, 288 pages, 28,50 € Edition: La Table Ronde

 

Le silence est d’or

L’auteur de Deux manches et la Belle (He Done Her Wrong), Milt Gross, né dans le Bronx en 1895, décédé en 1953, précurseur du roman graphique américain, a utilisé le yinglish (mélange de yiddish et d’anglais parlé par les immigrants juifs), dans ses livres et ses bandes dessinées. Il fut également gagman pour Charlie Chaplin. Deux manches et la Belle, pour le coup, est un roman graphique composé sans un mot, sans un phylactère. L’histoire commence de nuit dans un speakeasy de campagne, dans lequel sont mélangés quelques trappeurs, des hobos et des filles délurées. L’héroïne, la jeune blonde sentimentale, une sorte de petite starlette, convoitée de tous les hommes, apparaît au milieu de rires gras et de désirs à peine dissimulés. Sa plastique impeccable est celle des jolies filles sauvées par Charlot de la déchéance ou de la misère, ou bien celle de vendeuses de fleurs que le vagabond courtise naïvement.

Livrés aux géographes, Jacques Vandenschrick, (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 22 Novembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Cheyne Editeur

Livrés aux géographes, Jacques Vandenschrick, 2018, 64 pages, 17 € Edition: Cheyne Editeur

 

Jacques Vandenschrick, né en 1943, signe son onzième livre de poésie. Romaniste, italianiste, chroniqueur de longue date à la Revue nouvelle, critique littéraire, il est le seul poète belge d’importance à n’avoir jamais été publié en Belgique, puisque toute l’œuvre a été publiée chez Cheyne, et ce, depuis Vers l’élégie obscure en 1986. Prix triennal de poésie en 1998, il a également reçu d’autres prix importants : le René-Lyr, le Claude-Sernet, le Louise-Labé. Ses titres évoquent élégie, nostalgie de la montagne, mélancolie foncière, dans le droit fil de la poésie d’un Rilke ou d’un Jaccottet.

Mais il y a chez ce Belge une densité rare d’aire poétique, un lexique particulier, un univers forcément identifiable : le gabarit de 40 poèmes pour chaque livre ; les lexèmes des territoires enneigés, entre bergerie et hauts sommets ; des morts proches gravées loin dans le vers. Voilà sans doute – depuis le décès de Schmitz, et avant, de Falaise, et de Kinet – notre plus grand poète, mais si longtemps méconnu à cause justement d’un ancrage éditorial qui fait fi de la Belgique.