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Les Livres

Nous étions nés pour être heureux, Lionel Duroy (par Arnaud Genon)

Ecrit par Arnaud Genon , le Mardi, 19 Novembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Julliard

Nous étions nés pour être heureux, août 2019, 240 pages, 20 € . Ecrivain(s): Lionel Duroy Edition: Julliard

Il y a trente ans, en 1990, Lionel Duroy publiait Priez pour nous (éd. Bernard Barrault, 1990, réédité chez J’ai lu en 2011), son premier roman autobiographique. Il y relatait son enfance chaotique, entouré de ses neuf frères et sœurs qui subirent, à ses côtés, la tyrannie maladive de leur mère (qui n’est pas sans rappeler la Folcoche d’Hervé Bazin) et les maladroites tentatives de leur père, « Toto », de sortir la famille de ses multiples déboires. L’écriture de ce livre fut pour lui salvateur. « J’ai organisé ma vie autour de l’écriture de mes livres, déclare Paul, le personnage principal de Nous étions nés pour être heureux, je peux dire aujourd’hui que je suis fait de mes livres, qu’ils m’ont construit, qu’ils m’ont sauvé ». Il mit des mots sur ce qu’il lui était arrivé, il tenta de comprendre le désastre de cette enfance qui lui avait été volée. Mais s’en sortir eut un prix. Ses frères et sœurs, qui avaient pourtant subi les mêmes violences, se désolidarisèrent de lui et l’accusèrent d’être indirectement responsable de la mort de ses parents qui ne supportèrent pas de voir ainsi étalé ce qu’ils avaient tenté, toute leur vie durant, de dissimuler. Ils coupèrent les ponts lui reprochant notamment son égoïsme et d’avoir ainsi dévoilé la honte familiale qui aurait dû, selon eux, rester silencieuse. Même ses enfants n’eurent plus le droit de voir leurs cousins et grandirent dans la conscience de l’hostilité de leurs oncles et tantes.

Des ailes suivi de Nocturne des statues, Patrice Maltaverne (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 19 Novembre 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Des ailes suivi de Nocturne des statues, Patrice Maltaverne, Z4 Editions, août 2019, 128 pages, 14 €

 

Le poète-éditeur (des éditions Le Citron Gare et du poézine Traction-Brabant) nous donne Des ailes dans le premier volet de cet opus publié chez Z4 dans la collection Les 4 saisons, dirigée par Pierre Lepère. Des ailes pour nous offrir un voyage au bout de la vie dans la dimension de l’actrice Dominique Laffin, décédée à l’âge de 33 ans, trop occultée aujourd’hui. Voyage au bout de la nuit : de la vie, tant cette actrice portait la vitalité à l’acmé de la perplexité véhémente. Les vers arythmonymes du poète Maltaverne, contrainte formelle en clin d’œil à la poésie d’Ivar Ch’Vavar (Pierre Ivart), forment le cadre de ces poèmes d’où l’Infini s’ébat à la fenêtre des mots, d’où le lecteur joue l’aventure mémorielle sur l’écran personnel des souvenirs (on demeure toujours nostalgique des films qui ont marqué le cinéma de notre vie) ou de l’imaginaire tiré par la manche pour prendre l’envol. Celui-ci est pris sans hésitation. Il suffit d’ailleurs de revoir l’un des entretiens avec l’actrice que nous offre encore de visionner Internet pour être aussitôt en phase avec le voyage que nous déroulent ici les mots de Patrice Maltaverne, embarqués sur les ailes d’un destin singulier, fatal.

Le Père, La Mère, Le Fils, Florian Zeller (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 19 Novembre 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le Père, La Mère, Le Fils, Florian Zeller, Gallimard, octobre 2019, 240 pages, 16 €

 

Théâtre, topique du rêve

J’ai abordé la trilogie des pièces de Florian Zeller consacrées à la famille par ce qui en fait le centre du livre, c’est-à-dire le texte La Mère. J’ai procédé ainsi parce que j’ai moi-même écrit un texte sur la physionomie intime de la mère, et j’espérais être en résonance avec le sujet. Cependant, la comparaison s’arrête là car ce texte, à la fois naturaliste et onirique, faisant peut-être le saut du Songe de Strindberg jusqu’à la Hedda Gabler d’Ibsen, est très personnel à l’auteur. Il n’y aurait en commun que la crise à laquelle nous assistons. Crise qui se décrit comme une limite à la santé mentale de la mère, légèrement abusive avec son fils, et dont le psychisme semble marqué par des moments de perte de contrôle et de répétitions névrotiques.

Encre sympathique, Patrick Modiano (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Lundi, 18 Novembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Encre sympathique, octobre 2019, 138 pages, 16 € . Ecrivain(s): Patrick Modiano Edition: Gallimard

 

« Si vous avez parfois des trous de mémoire, tous les détails de votre vie sont écrits quelque part à l’encre sympathique ».

 

Modiano, qui a fondé son œuvre sur la mémoire, ses béances et ses obsessions, est-il bien sérieux lorsqu’il fait dire à son narrateur : « Il avait employé le passé. Et, brusquement, j’ai éprouvé une grande lassitude à évoquer le passé et ses mystères » ?

À moins qu’il n’adresse un clin d’œil à ses lecteurs fidèles pour souligner l’originalité de cette Encre sympathique. Car s’y déploie crescendo une légèreté qui ronronne d’abord dans les rues d’un Paris aux trottoirs presque usés par les pas de tous ses héros précédents, jusqu’à la surprise finale, à Rome. Car si Rome est la ville éternelle que Paris n’est pas, c’est qu’elle constitue un décor dans lequel passé et présent se confondent, comme dans l’esprit du narrateur : « Le présent et le passé se mêlent l’un à l’autre dans une sorte de transparence, et chaque instant que j’ai vécu dans ma jeunesse m’apparaît, détaché de tout, dans un présent éternel ».

La perte du réel, Des écrans entre le monde et nous, Michel Baglin (par Michel Host)

Ecrit par Michel Host , le Lundi, 18 Novembre 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

La perte du réel, Des écrans entre le monde et nous, Michel Baglin, Éditions Rhubarbe, juillet 2019, 200 pages, 14 €

 

« Dans l’absolu, si le réel se perd, c’est le néant qui gagne », Michel Baglin

« Suis-je le gardien de mon frère ? » (Caïn à Yahvé, Genèse 4, 9)

 

Vie réelle et vie hors du réel

Michel Baglin, poète considérable, romancier, nouvelliste, essayiste, vient de nous quitter pour un monde dont nous ignorons tout, quoique certains puissent en disserter à l’infini. Son beau livre, réédité par Alain Kewes et ses éditions Rhubarbe, à Auxerre, fut publié une première fois en 1998 aux éditions N&B. On se dira qu’en vingt ans, le contexte a changé et que cet essai pourrait bien être devenu obsolète en bien des endroits. On risquerait de se tromper par systématisme.