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Les Livres

L'employé, Guillermo Saccomanno

Ecrit par Yann Suty , le Jeudi, 22 Novembre 2012. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Amérique Latine, Roman, Asphalte éditions

L’employé (El Oficinista), trad. espagnol (Argentine) Michèle Guillemont, 172 p. 18 € . Ecrivain(s): Guillermo Saccomanno Edition: Asphalte éditions

L’employé. C’est le titre du livre, c’est aussi la fonction de son protagoniste principal. Mais c’est aussi son nom. Comme tous les autres personnages du livre, il n’est désigné que par sa fonction. L’univers est bureaucratique : on pense tout de suite à Kafka.

L’employé reste tard à son travail. Ce n’est pas que son travail lui plaise, mais « il préfère retarder autant que possible son retour au foyer » pour des raisons qu’il serait dommage de révéler.

Son travail est pourtant loin d’être un havre de paix. Ses collègues ne peuvent être que des ennemis. La tension et la violence latente sont d’autant plus vives qu’elles sont accompagnées de non-dits.

« Ce matin, à son arrivée, il comprend qu’un licenciement va avoir lieu. Un garçon bien mis attend à la réception, près de l’accès principal aux bureaux. Une jeune fille ou un jeune homme à cette place signifie, chacun le sait, le remplacement d’un membre du personnel. Les nouveaux attendent, prêts à occuper un poste et à entrer immédiatement en fonction, tandis que les employés commencent leur journée dans la crainte, en se demandant qui va être remplacé, qui sera licencié. Le jeune aux cheveux gominés, au costume gris, à la chemise blanche et à la cravate bleue, est posté là tel un soldat en faction ».

Krazy Kat, Jay Cantor

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 20 Novembre 2012. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, USA, Roman, Le Cherche-Midi

Krazy Kat, Traduction de l'américain par Claro, 302 p. 17 € . Ecrivain(s): Jay Cantor Edition: Le Cherche-Midi

 

Ce livre n’est pas un fleuve tranquille. On est plutôt sur les flots dansants de la haute mer. Jay Cantor signe avec Krazy Kat, premier livre de cet auteur traduit en français, un moment étonnant de déferlement d’une écriture nerveuse, dense, constamment inventive (jusqu’aux néologismes fréquents) et surtout comparable à rien de connu.

L’ « histoire » - si tant est qu’il y en a une – C’est la vie de Krazy Kat, le célèbre chat (en fait ici LA célèbre chatte) de la célébrissime bande dessinée (comics strip) de la première moitié du XXème siècle. Célébrissime, car près de 70 ans après l’arrêt de sa publication, on ne compte plus le nombre d’imitations et d’adaptation cinématographiques et dessins animés dont cette BD a fait l’objet !

Krazy Kat à la retraite connaît une dépression profonde.

« Elle ressentait sa solitude, son isolement arctique. Puis, comme chaque fois depuis quarante ans, le narcotique de la dépression s’empara d’elle, et la gluante et noire lassitude monta de ses membres jusqu’à son cerveau. »

Hier ou après-demain, Patrik Ourednik

Ecrit par Marie du Crest , le Mardi, 20 Novembre 2012. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Théâtre, Allia

Hier et après-demain, propos de cinq survivants traduit et adapté par Benoît Meunier & Patrik Ourednik, 2012, 126 p., 6,20 € . Ecrivain(s): Patrik Ourednik Edition: Allia

Si vous allez sur le site www.2012fin.com, vous découvrirez un compte à rebours qui, à la seconde près, nous rapproche de la fin du monde annoncée par quelques esprits tourmentés pour le 21/12/2012. Patrik Ourednik, avec ironie, s’accapare ce vieux thème eschatologique. La pièce est sous-titrée « propos de cinq survivants ». Il semblerait bien en effet que le monde se soit « évaporé » au-dehors. Le cinéma hollywoodien a exploité le filon de la grande catastrophe à maintes reprises, donnant presque toujours dans ce que Delettre, l’un des personnages de la pièce appelle « le grandiose » :

« Soleil agonisant, ciel couvert de météorites, foules hystériques (…) enfants en pleurs errant dans les villes… ».

Seul Lars von Trier avec son film Melancholia pense autrement la destruction du monde. Ourednik, lui, se souvient du début de Huis clos même s’il ne réunit que des hommes au nombre de trois, tous quadragénaires ordinaires. Et l’Enfer sartrien ici devient le décor banal d’une maison composée de quelques éléments de mobilier au bout d’une route. Derrière la porte qui s’ouvre de l’intérieur ou de l’extérieur (la question taraude les personnages), le monde a disparu. L’unique effet perceptible de cette catastrophe, c’est le rétrécissement de l’espace qui, au fil des scènes s’accroît. Il n’y a pas trace de chaos. La pièce est parfaitement structurée en 4 scènes suivies d’un épilogue.

Le veau, suivi de Le coureur de fond, Mo Yan

Ecrit par Guy Donikian , le Lundi, 19 Novembre 2012. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Asie, Nouvelles, Seuil

Le veau, suivi de Le coureur de fond, octobre 2012, 18,50 € . Ecrivain(s): Mo Yan Edition: Seuil

 

Mo Yan, prix Nobel de littérature 2012, présente ici deux nouvelles dans lesquelles il se fait le témoin de son temps, nouvelles intitulées Le veau et Le coureur de fond. Le temps qu’il met en scène est celui de son enfance, vécue dans un village de la Chine de Mao. L’auteur sait parfaitement utiliser les faits les plus anodins, ou qui paraissaient tels dans ces lieux, pour nous plonger dans une époque qui faisait de l’absurde un paramètre ordinaire de la vie quotidienne et pour croquer des portraits savoureux de naïveté.

Le monde rural que dépeint Mo Yan est un monde difficile, où survivre suppose des astuces et un savoir que les paysans chinois de l’époque s’étaient transmis de génération en génération. Ainsi, comme on avait toujours châtré les veaux sans se soucier ni de la douleur que les animaux pouvaient ressentir ni des suites qu’une hygiène défaillante remettait au hasard ou aux dieux, l’enfant qu’était l’auteur assiste à la castration de trois veaux, dont un pour qui les choses tourneront mal.

Scènes de la vie d'un propre à rien, Joseph von Eichendorff

Ecrit par Lionel Bedin , le Lundi, 19 Novembre 2012. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Récits, Phébus

Scènes de la vie d’un propre à rien, texte français de Madeleine Laval et Robert Sctrick . Ecrivain(s): Joseph von Eichendorff Edition: Phébus

 

Le voyage et l’amour : tels sont les deux sujets de ces Scènes de la vie d’un propre à rien, récit de Joseph von Eichendorff. Pour faire simple : Un « propre à rien » qui se dore au soleil pendant que son père s’épuise au moulin finit par partir sur les routes. Pour voir. Il devient jardinier, puis receveur dans un château viennois. Il tombe amoureux d’une femme qu’il pense inaccessible. Pour fuir l’amour, un seul remède : la route. Vers l’Italie. Après diverses aventures il revient à Vienne. Il apprend alors que rien ne s’oppose à ce qu’il retrouve la femme aimée.

Joseph von Eichendorff (1788-1857) est l’un des « romantiques allemands ». Il a mené une existence quasi insignifiante. Il a fait quelques voyages à travers l’Europe, mais a toujours rêvé de visiter l’Italie, pourtant décrite dans ces Scènes. Ce besoin de partir, de voyager, sera également transposé dans ses autres récits et ses poèmes, essentiellement centrés sur le vagabondage  et l’aventure, et qui ont servi à construire le mythe du Wanderer, ce voyageur lancé sur les « improbables chemins du monde ». Un ton léger, voire ironique, caractérise ce « désenchanté discret », frère de Nerval.