Identification

La Une Livres

Philippe-Auguste, Le bâtisseur de royaume, Bruno Galland

Ecrit par Vincent Robin , le Vendredi, 14 Avril 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Belin, Histoire

Philippe-Auguste, Le bâtisseur de royaume, 240 pages, 9,90 € . Ecrivain(s): Bruno Galland Edition: Belin

 

Dieudonné. L’histoire recense le plus couramment sous cette attribution de nom ceux que leur naissance lia à la théorie du bonheur providentiel. Fils de Louis XIII et d’Anne d’Autriche, le plus célèbre de ceux auxquels on attacha cette circonstancielle appellation fut bien alors le roi de France Louis XIV à son arrivée au monde, en l’an 1638. Parce que ce substantif était aussi chez eux le doublon d’un autre nom plus directement employé, d’autres individus moins en vue auront pourtant également détenu cette marque nominale dédiant leur avènement. Quels qu’ils furent, on serait bien en peine d’affirmer que sous ce référant assurément récolté de charité divine, l’« honneur de Dieu » présumé dans la droiture morale de chacun d’eux soit ensuite absolument resté sauf – salve honorus Deï – ainsi qu’on le disait autrefois. Il serait même sans doute aisé de repérer dans le cours de l’histoire les titulaires qui, sous ce qualificatif louangeur, se seront assez vite arrangés pour lui ôter son initial crédit de faveur et d’enchantement.

À toi, ma fille, Lettres, Cécilia Dutter

Ecrit par Laurent Bettoni , le Vendredi, 14 Avril 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Correspondance

À toi, ma fille, Lettres, Les éditions du Cerf, mars 2017, 190 pages, 14 € . Ecrivain(s): Cécilia Dutter

 

C’est un texte résolument intime que nous propose ici Cécilia Dutter, dans lequel elle s’adresse à sa fille, au seuil de sa majorité. Cependant, à travers cet essai épistolaire, c’est bien une mère « universelle » qui parle à une fille « universelle », lui délivrant ses tendres conseils pour construire harmonieusement sa vie de femme et envisager son rapport au monde. Ce recueil de lettres court sur un an – la dernière année de l’adolescente avant de prendre son envol – et aborde les grands thèmes de l’existence : le bonheur, l’amour, la carrière, la sexualité, la religion, la responsabilité individuelle, la mort, le pardon, l’art, l’écologie…

L’écriture, sensible et bienveillante, répond à une urgence en même temps qu’elle suit l’actualité, présente en toile de fond, l’auteur la donnant à lire à sa fille par ses yeux de citoyenne, de femme et de mère. L’idée est d’aiguiser son esprit critique afin de lui apprendre à penser par elle-même et à refuser tout ce qui pourrait l’éloigner de sa vérité profonde.

Quand monte le flot sombre, Margaret Drabble

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 13 Avril 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman, Christian Bourgois

Quand monte le flot sombre (The Dark Flood Rises), mars 2017, trad. anglais Christine Laferrière, 452 pages, 23 € . Ecrivain(s): Margaret Drabble Edition: Christian Bourgois

 

Ce roman sombre et grave est très attachant. Son personnage central, Fran, est une « jeune » septuagénaire autour de laquelle se déploie un réseau serré d’ami(e)s, de famille, et vieilles personnes qu’elle va visiter dans des institutions spécialisées en gérontologie. Ce n’est pas un métier, c’est une sorte de mission personnelle, en tout cas une véritable passion. C’est la mort qui passionne Fran. Pas la mort quand elle survient vraiment, mais quand elle est à l’œuvre chez les gens qui vieillissent, quand elle érode les corps, les plissent, les affaiblit, leur provoque des douleurs. Ce qui passionne Fran c’est « quand monte le flot sombre ».

Cela n’est pas fait de façon sinistre ou angoissante, loin de là ! Ce roman est doux, plein de tendresse et d’optimisme. Les personnages – même ceux que la vie a éloignés géographiquement – se préoccupent les uns des autres, maintiennent les liens du cœur issus de leur jeunesse. Fran est une « grande sœur » pour Teresa, une vieille amie malade, pour Claude, son ex-mari – également malade (faut-il le préciser ?), pour tous les gens qu’elle visite, pour ses enfants bien sûr.

L’art du livre tactile, Catherine Liégeois

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 13 Avril 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Gallimard, Arts

L’art du livre tactile, mars 2017, 160 pages, 32 € . Ecrivain(s): Catherine Liégeois Edition: Gallimard

 

Livres monstres

Ce qu’un livre montre n’est pas toujours ce que l’on croit. Le logo qu’il contient non seulement peut prendre un autre sens, il peut se toucher. En devenant tactile et sous divers registres le livre crée un « saisissement » particulier autant pour les enfants que les adultes, pour les handicapés que les esthètes avides de trouver de quoi optimiser leurs différences.

Bref, le livre ouvre bien au-delà de ses attendus classiques. Non seulement le livre se hume, se caresse, offre une intimité particulière qui s’interprète tactilement en devenant signe et non seulement contenant les significations. Il devient une peau non fuyante, elle se grève de stigmates. Le livre est donc un objet volumique qui se palpe, se tâte. Son aspect tactile devient par lui-même objet de connaissance. La texture peut piquer, râper voire modifier un propos purement typographique selon des connexions que Catherine Liégeois met en exergue de manière originale. Ce qui se creuse devient palpable parfois pour permettre au non voyant de voir, à l’apprenti érudit de comprendre et à l’amateur de sensations fortes de quoi éprouver des rencontres singulières.

Les yeux bordés de reconnaissance, Myriam Anissimov

Ecrit par Stéphane Bret , le Jeudi, 13 Avril 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Seuil

Les yeux bordés de reconnaissance, mars 2017, 237 pages, 19 € . Ecrivain(s): Myriam Anissimov Edition: Seuil

 

La frivolité et la superficialité sont-elles des attitudes adéquates, vraiment dignes lorsque l’on est parente de victimes de la Shoah, et que l’on a pour projet d’écrire ? Myriam Anissimov se trouve dans ce cas. Elle tente dans un très beau récit de formuler une réponse à cette question qui marque notre époque de son empreinte depuis 1945.

Le récit se compose de trois parties, d’intérêt inégal, mais illustrant ce mécanisme déclencheur de la volonté de savoir, et d’appropriation d’un événement. Au départ, c’est la vision du film Le Fils de Saul, évoquant l’extermination de quatre cent mille Juifs hongrois à Auschwitz-Birkenau et le rôle de Saul Ausländer qui décide de donner une sépulture à un adolescent déjà mort. Dès lors, c’est la recherche qui est de rigueur, le positionnement vis-à-vis de l’Histoire, de la Shoah, de la place que cette dernière va inévitablement tenir dans la mémoire personnelle de Myriam Anissimov. La première partie, consacrée à la relation qu’entretient Myriam Anissimov avec Romain Gary, est source de révélations très personnelles de la part de l’écrivain. Il avoue ainsi à Myriam ne s’être jamais remis d’un amour de jeunesse, Ilona, jeune femme qu’il avait revue, à ceci près que cette dernière ne l’avait pas reconnu.