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La Une CED

Les travaux et les jours (extraits), par Ivanne Rialland

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mercredi, 14 Février 2018. , dans La Une CED, Ecriture, Bonnes feuilles

 

 

La mère

Assise poliment sur le canapé de cuir, son assiette à dessert posée sur ses genoux serrés, elle tâche de briser la pâte dure de la tarte avec le côté de sa fourchette, tout en balayant du regard le cercle des parents assemblés autour de la table basse. Du fond de l’appartement parviennent les cris excités des enfants. Sans être chaleureuse, l’atmosphère est cordiale, et chacun y va de son anecdote sur sa descendance, qui s’agite là-bas, dans les chambres des fils de la maison. On sourit, amusés, complices. Les plaisanteries fusent, qui manifestent chez certains une camaraderie ancienne qu’elle contemple à légère distance.

Gabriel Matzneff : deux lectures, par Philippe Chauché

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 13 Février 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

 

La Jeune MoabiteJournal 2013-2016, Gabriel Matzneff, Gallimard, novembre 2017, 704 pages, 29 €

Maîtres et complices, Gabriel Matzneff, La Table Ronde, La Petite Vermillon, janvier 2018, 320 pages, 8,70 €

 

« La vie est un perpétuel jaillissement de surprises, elle ne cesse de m’étonner, et c’est pourquoi je remettrai au plus tard possible le ghiribizzo (la lubie) de me faire sauter la cervelle qui me visite de temps à autre (depuis l’âge de seize ans) », La Jeune Moabite, Carnet 151, Dimanche 26 avril 2015, midi, à la terrasse du Métro.

Carnet du désert, suivi de Fragments de solitude, René Pons, par Michel Host

Ecrit par Michel Host , le Jeudi, 08 Février 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

Carnet du désert, suivi de Fragments de solitude, René Pons, éditions Rhubarbe, août 2017, 200 pages, 13 €

 

« Ce livre, au jour le jour salivé, est formé de mes manques, de cette incapacité à enchaîner, à fixer mon attention qui, de loin en loin, me torture plus ou moins longtemps »

René Pons, p.151

 

« Je ne marche pas / dans le désert / mais le désert en moi / s’étend à l’infini »

René Pons, p.5

 

Du doute au sur-doute

Les enfants de Rodrigues, par Sandrine Ferron-Veillard

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mercredi, 07 Février 2018. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles

 

Cette sensation a commencé un 13 novembre, le lendemain de mon arrivée à Rodrigues. L’île Rodrigues. Par un petit-déjeuner d’abord sur une nappe bleue cousue de rubans rouges. Du riz, des lentilles, du potiron cuisiné avec soin, les soins de mon hôte dont le prénom aurait dû déjà m’éclairer. Héloïse. Son sourire d’abord, au téléphone, depuis l’aéroport de Port-Louis, à l’île Maurice. Un premier retard, un problème technique, un problème d’appareil, un problème de pilote malade, des passagers absents, des bagages à débarquer, cinq heures de retard. Par chance pas de vents violents, ce jour-là, je me souviens avoir regardé le ciel, je crois que le ciel était clair. Ses bras ouverts à mon arrivée, elle sur le seuil de son gîte, la terrasse entre nous, moi sur mes gardes. Où déjà ?

Rodrigues.

L’homme abstrait, par Jean-Paul Gavard-Perret

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 06 Février 2018. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles

 

Quoique manifestement indifférent à tout ce qui pouvait s’apparenter à une relation amoureuse et vraisemblablement aussi à toute relation humaine, une sorte de grand-mère – que je connaissais à peine sinon par ses prénoms (Le Fouèse et La Blonde des Maisons) – m’a légué tout ce qu’elle possédait. Elle y joignit une lettre où elle me traitait de tous les noms. Au lieu de vous les énoncer je vous listerai – en mon propre héritage – ce que fut son legs. Ayant reçu ses clés, je suis allé dans sa remise. Il y avait un bric-à-brac de boîtes. Je les ai ouvertes une à une… Il y avait la boîte à rire, la boîte à sourire, la boîte à pleurer et celle à pleurer de rire. La boîte à ouvre-boîte (j’aurais dû commencer par elle, encore aurait-il fallu qu’elle soit bien rangée). La boîte aux lettres d’amour et celle aux lettres de rupture. La boîte à chaussettes et celle aux godemichés sur laquelle était écrit « boîte à promesse ». Bref la boîte à trancher les problèmes ou à parer au plus pressé. Il y avait aussi la boîte aux taciturnes burnes, la boîte à blancs de poulet. La boîte à plumes et celle à défauts que je trouvais au poil. La boîte à lune nommée sur le côté « boîte de nuit ».