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Entracte, Deepankar Khiwani (Par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Vendredi, 13 Juin 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Asie, Poésie

Entracte, Deepankar Khiwani, traduit de l’anglais (Inde) Nina Cabanau, bilingue, éditions Banyan, février 2025, 128 p. 19 €

« J’ai mis du temps à comprendre que cette douleur était la mienne » : sur Entr’acte de Deepankar Khiwani

Entr’acte (titre original) est le seul recueil publié de son vivant, en 2006, par le poète indien anglophone Deepankar Khiwani, né en 1971 à Delhi et mort prématurément en 2020. Les éditions Banyan nous en proposent une traduction française par Nina Cabanau, agréable et suggestive. Une riche introduction par Anand Thakore, ami de l’auteur et poète lui aussi, permet de situer Khiwani sur un plan biographique et littéraire.

Le mot « recueil », dans son acception courante, ne convient pas tout à fait à ce livre (à ce beau livre au sens mallarméen du mot) : en effet, si les poèmes choisis couvrent une dizaine d’années (1995-2005), l’ouvrage, concerté, est construit avec rigueur avec un « Premier acte » ouvert par un « Prologue » et comportant sept sections, chacune étant introduite par un vers tiré de ce « Prologue » (p. 2-109), et un « Deuxième acte » beaucoup plus court constitué d’un unique poème en quatre séquences (« Une étape à Shiroshi ») et aboutissant à un « Épilogue » (p. 110-123).

Le Message réisophique, Laurent Albarracin (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 11 Juin 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Essais, Arfuyen

Le Message réisophique, Laurent Albarracin - Arfuyen, 112 pages, mai 2025, 14 €

 

"Les poissons sont pisciformes parce qu'ils naissent d'eux-mêmes : ils grossissent peu à peu puis s'étirent jusqu'à se détacher d'eux au point de rupture de la queue, dans une sorte d'allongement abrégé dont ils sont l'histoire. Tout se passe comme si le poisson traversait un miroir - ou simplement la surface d'une eau claire - et que cette traversée lui donnait sa forme. La lente apparition-disparition du poisson est le poisson" (§ 234)

 

"Réisophie", étymologiquement, c'est la sagesse des choses. Et le Réisophe est celui qui s'y rend attentif. Parce qu'il sent qu'un contact bien compris avec les choses pourrait être leçon suffisante d'existence.

Par les baleines, Soline de Laveleye (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 10 Juin 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Poésie

Par les baleines, Soline de Laveleye, éd. Gallimard, 120 p., 2025, 16€

 

Le contenant

La chose la plus pertinente pour le lecteur que je suis, dans ce livre, c’est l’intrication du dedans et du dehors, du corps et de l’âme, monde plastique, sorte de terre glaise prête à la poterie, terre qui, séchée, devient vase, contenant, jarre, amphore, raku. C’est le corps accueillant l’âme. C’est le corps pris dans la terre du langage. C’est le poème qui fait pièce d’émail. C’est le poème qui contient simplement l’expression physique du corps dans sa forme, ainsi donc inscrit dans la bordure du corps. Nous sommes dans un univers concave, qui contient, concavité du poème, partie sèche de la terre glaise façonnée, travaillée par les doigts d’un potier.

Une merveilleuse arithmétique de la distance, Audre Lorde (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 04 Juin 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, USA

Audre Lorde, Une merveilleuse arithmétique de la distance (The Marvelous Arithmetics of Distance), trad. Noémie Grunenwald, Providence Garçon, 152 p., 2025, Bilingue, Gallimard, 26€

 

Entre adieu et lutte

 

Audre Lorde, née en 1934 à New York de parents immigrés de la Grenade, élève brillante, en dépit de difficultés familiales, obtint un diplôme en sciences de l’information et des bibliothèques. Après avoir exercé différents emplois, elle travailla comme bibliothécaire à la Town School de New York. Poétesse, son recueil Charbon, daté de 1976, lui apporta une reconnaissance plus large. Elle a écrit des essais féministes et queer, des romans, ainsi qu’un Journal du cancer. Elle est devenue une figure influente du Black Arts Movement et fut Poète lauréat de New York. Mariée deux fois, mère de famille, elle partagera la fin de sa vie avec Gloria Joseph. Elle a mis à profit son talent littéraire afin de lutter contre le racisme et pour les droits LGBTQ+. Comme nous le confie Fatou S., dans sa préface, « les écrits de Lorde, dont Sister Outsider, m’ont aidée (…) en tant que gouine, noire, malade ».

Personne dis-tu, Marc Dugardin (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mardi, 03 Juin 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Personne dis-tu, Marc Dugardin préface de Anouk Delcourt, Rougerie, avril 2025, 64 p. 12 €

 

Marc Dugardin (né en 1946) est un poète (belge) discret et juste ; le poète des présences délicates et des (expressives et merveilleuses) lacunes de la vie. Par exemple, aux étoiles (belles, mais lointaines et figées), il préfère les nuages, et peut, d'une formule, en dire tout : "flottants/ indéterminés/ précis comme les trous/ d'un rêve dans la mémoire" (Table simple, p.64), et, s'ils passent et se dissipent, ils le font penser à ces autres passants - les humains, qui, eux, ont un regard, et, au contraire des nuages, savent qu'ils passent et que nous passons, et sont, eux, nos vrais "miroirs", que nous négligeons. Dugardin est un poète de la présence (parfois terrible) des autres, et de l'absence (parfois sublime) du sens : on comprend mal, parfois, ses formules elliptiques, mais ce qu'il saisit du monde nous saisit aussitôt ! Quand il parle de "la mer/ violemment/ en paix avec elle-même", on ne sait pas trop où on est, mais on y est directement.