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La Une CED

Les Fous de Venise, Anthologie, Gérald Duchemin (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 30 Mai 2024. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Les Fous de Venise, Anthologie, Gérald Duchemin, éditions Le Chat Rouge, novembre 2023, 244 pages, 26 €

 

A- Quel beau livre vous avez là, cher ami ! Je veux dire : quel bel objet ! Ce format, ce graphisme, cette couverture, ce papier ! Quel plaisir à le manier, à le feuilleter, à le regarder !

B- Et quelles illustrations de Massimiliano Mocchia di Coggiola pour compléter le tableau ! Les Fous de Venise par les éditions Le Chat Rouge. J’ai découvert cette maison par hasard il y a deux ans alors que je furetais, dans une librairie parisienne, à la recherche de rééditions éventuelles de Jean Lorrain. Vous savez ma passion pour Lorrain. Or Le Chat Rouge, précisément, a republié quelques-uns de ses livres.

A- Oui, oui, vous m’avez assez bassiné avec vos marottes. Eekhoud, Lorrain, Cingria, Herbart… À chacun les siennes, après tout. Donc, Les Fous de Venise maintenant. Un essai, une anthologie ?

B- Une anthologie en effet. De Gérald Duchemin. Très personnelle, donc ingrate et injuste (par dessein ingrate, par définition injuste). Je regrette plusieurs absences, mais libre à moi (et à vous !) de proposer demain ma propre sélection !

Main basse sur la pensée, Les grandes arnaques, Bertrand Vergely (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 29 Mai 2024. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Main basse sur la pensée, Les grandes arnaques, Bertrand Vergely, Salvator éditeur, avril 2024, 200 pages, 19,80 €

 

Bertrand Vergely est philosophe : rien ne vaut donc, pour lui, l’exigence de vérité, et rien ne vaut, pour l’établir, que le dépistage de l’auto-contradiction. « Ou la vérité n’existe pas et l’idée qu’il n’y a pas de vérité n’est pas vraie, ou l’idée qu’il n’y a pas de vérité est vraie ; dans ce cas, la vérité existe » (p.95). Quand, à son procès, son accusateur reproche à Socrate d’être « un athée qui ne croit qu’à son démon », Socrate demande – puisqu’un démon grec naît d’un dieu et d’une mortelle – d’où peut bien sortir ce démon pour l’athée. Quand le prêtre Euthyphron définit devant Socrate la piété comme ce qui plaît aux dieux, Socrate demande si elle est la piété parce qu’elle plaît aux dieux (en ce cas, que devient-elle, si ceux-ci sont en désaccord ?) ou si elle plaît aux dieux parce qu’elle est la piété (en ce cas, qu’est-elle pour pouvoir et devoir ainsi plaire à tous ?).

Reprises, Cédric Bonfils (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 28 Mai 2024. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Poésie

Reprises, Cédric Bonfils, éditions Invenit, mars 2024, ill. Élise Kasztelan, 80 pages, 14 €

 

Exercices

Je ne sais pas grand-chose du karaté, ni de sa discipline ni de ses symboles. Or, ce recueil de Cédric Bonfils s’appuie sur la pratique de ce sport de combat, qui ressemble plus à un combat en soi qu’à une lutte avec autrui ; même si sa destination première doit être la défense contre l’agression. Et sans connaître les noms exacts de tel ou tel mouvement, ceux-là étayent et remplacent le corps par le corps verbal, les noms qui hantent les poèmes – tout autant que le corps propre de celui qui pratique. Ces noms sont donc des entrées dans cet art martial, comme dans le texte. Ce qui signifie qu’il faut consentir à avancer dans un pesant mystère, celui d’une psyché, fût-elle guerrière. Au contraire, cette approche physique du livre peut se comprendre comme un exercice intérieur, une ressource de connaissance, une métaphysique du sport. L’écriture s’en ressent donc. Elle est disciplinée sans être rigide, mais inspirée par un souffle, par la respiration qui est fondamentale pour la pratique du karaté. Écriture claire, légèrement corsetée, calque de l’expérience du karatéka.

Coups de griffes N°8 (par Alain Faurieux)

, le Lundi, 27 Mai 2024. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

 

Meurs ressuscite, Albane Prouvost, POL, 2015, 64 pages, 10 €

Merci à M.D pour m’avoir, par curiosité et esprit de contradiction, mené à Albane P. Ça a fait ma journée diraient les anglais. Aurais-je dû rire très fort pendant cette lecture ? Jeter des choses à terre ? Prendre comme témoin du ridicule un passant sur la route ? Je ne suis pas si plouc pour ne pas avoir compris « l’intention »… Le manque, la mort, l’absence. Et puis la blancheur/la neige (la page), la Russie et ses poètes, les peintres, gna-gna-gna. Trente pages en fait (la blancheur et tout ça, ça prend de la place ma chère). Quinze ans pour ça : c’est dur être poète ! Alors que m’a-t-il manqué ? Parce qu’après tout me direz vous, la poésie c’est un ressenti, une liberté. Chacun sa définition. Il m’a donc manqué un jeu, un plaisir des mots, un amour de ceux-ci, une découverte, de la beauté, de la force, ou de la violence, de la provocation, de la surprise, des sentiments, ou une vision, des possibilités. A la place le vivier lexical d’un pays en proie à la famine, un patchwork bancal. Des bouts de catalogue de jardinerie mal découpés collés sur un vieux carton en lieu et place de Chagall ou Matisse. M’a manqué une voix, reste un bafouillement. M’a manqué un rythme, un pas (la neige appelle au moins une trace). Reste rien.

Mains positives, Guillaume Métayer (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 22 Mai 2024. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Mains positives, Guillaume Métayer, La Rumeur libre éditions, février 2024, 110 pages, 17 €

 

Les « mains positives », disent les préhistoriens, se posent là. Badigeonnée de colorant (au contraire de la « main négative »), la « positive » imprime directement sa forme sur la paroi ; c’est comme une prise d’appui massive, franche, caractéristique : une main y montre la chose qu’elle est (ou plutôt qu’elle fut !), au contraire de la main négative, dont l’empreinte est vide et vierge, qui ne fait, elle, qu’évoquer la forme que lui laisse, du dehors, le contexte coloré (craché ou vaporisé) répandu, après-coup, autour d’elle, et entre ses doigts écartés. Intituler « Mains positives » de courts poèmes en prose, c’est donc suggérer une sorte d’empreinte de pensée directement obtenue (comme un front en sueur ou en sang posé un instant sur une vitre ?), une miniature de monde comme plaquée, droitement transférée, apposée pour elle-même et non-cernée (sans halo ni fond suggestif, comme une claque sans décor). C’est un double choix de frontalité et de force, anti-symboliste (on verrait mal un Zarathoustra jouer du pochoir, et se parapher par main négative), où un « moi » s’inscrit en cri volontaire plutôt que se circonscrire en écho conscient !