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La rentrée littéraire

La femme à part, Vivian Gornick (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Jeudi, 06 Septembre 2018. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Rivages

La femme à part, septembre 2018, trad. anglais (USA) Laetitia Devaux, 160 pages, 17,80 € . Ecrivain(s): Vivian Gornick

 

Gens de New York, tel aurait pu être le titre de ce nouvel ouvrage de Vivian Gornick, sur le modèle des Gente di Roma/Gens de Rome d’Ettore Scola (film sorti en 2003). A l’image du documentaire italien, proche de la comédie, Vivian Gornick nous fait partager ses réflexions, ses rencontres et ses errances dans les rues de New York, à Manhattan, l’île rêvée, puis habitée, et dans le Bronx, quartier où l’auteure a grandi, ainsi que son fidèle ami Leonard, intellectuel gay.

« Lorsqu’il est seul, l’homme est sincère, écrivait Ralph Waldo Emerson. Mais dès qu’il y a une seconde personne, c’est le début de l’hypocrisie […]. Ainsi, par nature, un ami constitue un paradoxe ». Il y a deux sortes d’amitié, selon Gornick, et d’après son expérience : celle où l’on se remonte mutuellement le moral et où les occasions de se voir sont provoquées, et celle où il faut avoir le moral pour voir l’autre et où on cherche des moments de libres dans son agenda. La place de l’amitié dans l’une ou l’autre de ces catégories dépend de la place du curseur entre « l’emprisonnement de la mélancolie » et « la promesse de l’espoir ». D’un point de vue plus optimiste et plus actif, l’amitié, c’est être « deux voyageurs » qui arpentent les contrées de leur vie et qui se rejoignent « de temps à autre à ses confins pour un rapport sur l’état de la frontière ».

Le Syrien du septième étage, Fawaz Hussain (par Robert Sctrick)

Ecrit par Robert Sctrick , le Jeudi, 06 Septembre 2018. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Le Serpent à plumes

Le Syrien du septième étage, septembre 2018, 240 pages, 18 € . Ecrivain(s): Fawaz Hussain Edition: Le Serpent à plumes

 

Fawaz Hussain n’a pas chaussé les lunettes de Montesquieu, mais il aurait pu. Gageons que ce qui l’en a retenu, c’est la reconnaissance qu’il a envers la culture française, qui lui a appris les Lumières, dont il fait si bon usage. N’empêche, son livre aurait pu s’intituler « Comment peut-on être Syrien ? ». Mais cette question, il ne la met dans la bouche de personne, car, ne rejetant personne, il ne se sent nullement remis en cause. Il a choisi d’être parmi les sans-grade de la république, parmi ceux qui ne l’exploitent nullement sur ses marges, qui ne la brandissent ni pour se protéger ni, au nom de je ne sais quel universalisme, la trouver petite et mesquine. Voulez-vous mon avis, la république gagne à avoir de tels sujets. Oh ! ce n’est pas lui qui le dit, bien sûr. Lui, il va vous brosser de petits tableaux parisiens, la ville lumière qui, au figuré, ne se donne pas toujours les moyens de son ambition. Mais laissons cela, rien dans ce septième étage où l’on médite et d’où l’on sort souvent pour rencontrer l’homme sous toutes ses coutures, ne nous entraînera vers la polémique.

Presque une nuit d’été, Thi Thu (2ème critique)

, le Mercredi, 05 Septembre 2018. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Rivages

Presque une nuit d’été, août 2018, 180 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Thi Thu Edition: Rivages

 

Sous une chaleur étouffante, à peine dissipée par quelques averses diluviennes, une photographe sillonne la ville afin de fixer l’instant et d’en capter l’humanité. A partir de cette quête esthétique, éminemment sensuelle, les récits se succèdent et s’enchevêtrent au gré des impressions personnelles de l’artiste. Chaque nouvelle rencontre fait naître un univers énigmatique et poétique, qui se dévoile, se dessine, se cristallise, et soudain s’évapore pour basculer dans le rêve, le mythe, le conte, la mémoire fragmentaire ou évanescente. Les dialogues intimistes entre la narratrice et chacun des personnages confortent la réalité de l’instant sans altérer l’incertitude et la fragilité des souvenirs évoqués. Nous croisons ainsi les chemins tourmentés de la belle et charnelle Ibtissem, de Loan, le tatoueur, de l’impénétrable Joh, et de l’attendrissante vieille dame au châle noir qui, au seuil du royaume des morts, ranime la légende de Tsukuyomi, dont le destin tragique reflète étrangement celui du pauvre Yuru. Les repères spatio-temporels s’abolissent au profit d’un « roman-monde », dans lequel la modernité épouse naturellement la tradition, les conditions atmosphériques nivèlent et tempèrent les humeurs, et la violence se dissout dans la poésie.

La Mélodie, Jim Crace

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 04 Septembre 2018. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Rivages

La Mélodie (The Melody), août 2018, trad. anglais Laetitia Devaux, 267 pages, 21 € . Ecrivain(s): Jim Crace Edition: Rivages

 

Jim Crace a toujours une intention au-delà de l’écriture d’une nouvelle œuvre. Avec QuarantaineMoisson, il nous avait montré ses hautes préoccupations morales, son obsession de la lutte entre le bien et le mal. Dans ce roman (à la limite du conte), il est de nouveau témoin de son temps, nous livrant une histoire en prise avec les fléaux de notre époque, la lâcheté, le rejet de l’autre, l’égoïsme des hommes.

Une affaire des plus étranges surgit – le mot est exact – dans la vie morne du vieux Busi, chanteur de charme sur le déclin et veuf inconsolé. Habitué aux bruits incessants que font divers animaux cherchant pitance dans ses poubelles devant sa villa à la nuit, il trouve cependant un soir que le tintamarre est plus important que de coutume. Il sort devant sa porte pour voir et il est assailli par… quelque chose, quelque bête ou quelqu’un.

Helena, Jérémy Fel (2ème critique)

Ecrit par Fanny Guyomard , le Mardi, 04 Septembre 2018. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Rivages

Helena, août 2018, 768 pages, 23 € . Ecrivain(s): Jeremy Fel Edition: Rivages

 

Décor : une ferme américaine perdue au milieu des étendues de maïs. Personnages : une adolescente en manque d’affection, une mère rongée par le secret et qui trouve son échappatoire dans un rêve américain. Ses trois enfants.

Action : la jeune fille tombe en panne, et atterrit chez cette famille apparemment sans histoires. Mais dans cette maison hantée, le pire va arriver. Et le cercle des vengeances sera impitoyable.

Ce récit interroge les relations familiales, et explore les situations les plus malsaines qui émergent de la détresse existentielle de chaque personnage. Les chapitres alternent les focalisations, pour explorer les pulsions les plus personnelles, les peurs les plus profondes.

Mais en même temps, l’auteur propose un moyen de les dépasser, en introduisant la fructuosité de la relation entre l’enfant et la mère, quand celle-ci l’encourage dans ses projets, quand son amour est un tremplin pour son accomplissement.