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Critiques

Mon amour, Julie Bonnie

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 21 Octobre 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Grasset

Mon amour, mars 2015, 224 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Julie Bonnie Edition: Grasset

 

Je suis passée de l’autre côté d’une barrière dont j’ignorais l’existence. Finie, la vie de jolie fille. Bienvenue dans le monde des mères et des sourires complices de femmes. Adieu les regards d’hommes. Je m’étonne.

Au centre de Chambre 2, le premier roman de Julie Bonnie, il y avait déjà le corps, le corps des femmes totalement chamboulé et parfois même saccagé par la maternité, il y avait déjà l’art et la musique et le fossé que la naissance d’un enfant pouvait creuser entre l’homme et la femme. Fossé physique, fossé psychique, parfois un gouffre. Julie Bonnie a une façon très particulière, splendide et ultra sincère de raconter ce corps, les émotions et les sentiments souvent contradictoires qui l’écartèlent. Dans Mon amour, son deuxième roman, nous retrouvons cette matière qui lui tient à cœur.

Ici, il y a une femme qui vient d’accoucher, la mère donc, d’une petite Tess. Et un homme, en pleine ascension vers sa gloire, pianiste virtuose de jazz, le père donc, et lui-même fils d’un grand pianiste. Tess a quatre jours quand le père part en tournée internationale avec trois autres musiciens. C’était prévu avant même qu’elle ne tombe enceinte, alors elle, sa fée comme il l’appelle, se retrouve seule à Paris en plein été, avec son tout petit bébé.

Zou, Rémi Checchetto

Ecrit par Marie du Crest , le Mardi, 20 Octobre 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Théâtre, Espaces 34

Zou, 2015, 36 pages, 10 € . Ecrivain(s): Rémi Checchetto Edition: Espaces 34

 

« La porcelaine de sa vie »

Un titre tout court pour un texte tout court, en trois lettres ; un mot exclu du Littré, un petit mot que l’on n’emploie plus guère, une interjection méridionale : zou. Il est très souvent, au fil des pages, escorté de son point d’exclamation, plus nerveusement injonctif et rarement seul avec lui-même comme sur la première de couverture. La voix se dit et nous dit d’aller de l’avant, d’aller dans le texte, de foncer tête baissée. D’ailleurs Checchetto pose le premier mot sans majuscule comme si  l’on prenait les choses et les phrases en marche, à toute allure :

soudain le monde passe dans le vide-ordures du cinquième étage… (p.9)

Comme une fin d’un monde ou du monde et de la langue qui commence. Le texte va dire autre chose, se dire autrement dans une cérémonie renouvelée et répétée. Ainsi revient l’incipit « et maintenant et désormais » (p.9, 10,11,12, 15). L’éclatement va jusqu’à la dislocation des pages à la surface desquelles s’imposent d’irrégulières strophes encadrées de vide et de blanc du monostiche Zou ! à des manières calligraphiques (p.11) :

Les Prostituées, Guy de Maupassant

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 19 Octobre 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Nouvelles, Folio (Gallimard)

Les Prostituées, septembre 2015, 288 pages, 5,8 € . Ecrivain(s): Guy de Maupassant Edition: Folio (Gallimard)

 

Que voici une heureuse initiative : pour qui n’a pas l’envie ou l’opportunité de lire toutes les nouvelles de Maupassant (1850-1893), que ce soit dans les deux volumes des Œuvres chez Robert Laffont ou ceux en Pléiade, ou encore en achetant les éditions de poche des différents recueils publiés du vivant de l’auteur, les choix de nouvelles donnent une image de Maupassant écrivain du terroir (ah, les anthologies « normandes »), du canotage (il existe même une anthologie sous-titrée : « et autres nouvelles au bord de l’eau ») ou typiquement réaliste (toutes ces « nouvelles réalistes » en titre pour attirer le chaland scolaire), sans parler de celles adaptées pour le petit écran ces dernières années ; voici que Folio propose un biais tout différent (et bien peu scolaire) et publie une anthologie de nouvelles signées Guy de Maupassant ayant pour personnages principaux des Prostituées. Un biais original ? Voire… La « Bibliographie Sélective » stiuée en fin du présent volume montre que l’intérêt pour les rapports entre Maupassant et la femme prostituée a déjà fait l’objet de quelques études, sur lesquelles s’appuie d’ailleurs partiellement le préfacier, Daniel Grojnowski. Mais cette anthologie a au moins le mérite d’exister et de proposer de Maupassant une lecture transversale différente de celles communément pratiquées.

Et quand tu écriras, Sylvie-E. Saliceti

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Samedi, 17 Octobre 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Et quand tu écriras, éd. La Porte, 2015, 15 pages . Ecrivain(s): Sylvie-E. Saliceti

 

Et quand tu écriras, livret d’une quinzaine de pages paru au 2e trimestre 2015 aux Éditions La Porte et dont l’auteur est Sylvie-E. Saliceti, est un long poème « écrit en suite d’un beau jour » de mai, composé de vers libres sur le seuil d’une écriture sensible à l’écoute du temps – un temps qui se recueille – et qui regarde sans se regarder, sobre et dense, jamais complaisante.

Nous ne sommes pas ici dans le monde d’un énième Narcisse (Et quand tu écriras, ne regarde pas / ce que tu écris, pense au soleil / qui brûle sans voir, conseille Gonzalo Rojas cité en exergue du poème) ni chez Orphée, puisqu’il ne s’agit pas de se regarder écrire le monde autour de soi, ni de se retourner vers un passé enfui, mais de se laisser porter par la spontanéité de l’instant (Et quand tu écriras ne regarde pas le temps) et de laisser venir à soi « l’abandon » et de regarder : se lever et s’arrêter à la nuit le temps, le soleil, « la durée des choses », le ciel, les visages effacés, la lumière déclinante, dans « un livre d’exil et de retour » rythmé par le temps d’une écriture lézardée mais aussi, pleine d’étoiles.

Des lions comme des danseuses, Arno Bertina

Ecrit par Marc Ossorguine , le Vendredi, 16 Octobre 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, La Contre Allée

Des lions comme des danseuses, février 2015, 64 pages, 6 € . Ecrivain(s): Arno Bertina Edition: La Contre Allée

 

« De quoi l’Europe est-elle le nom ? » aurait pu être le sous-titre de ces Lions. Arno Bertina se projette dans un futur proche et vient questionner la présence des « arts premiers » dans les musées de France et d’Europe, à commencer par celui du Quai Branly. Une question qu’il fait poser par le roi de Bangoulap, le Fo’ Yankeu Jean, à l’administrateur dudit musée : il serait bien étrange que les ressortissants de son royaume payent l’entrée du musée pour voir des œuvres qui viennent de chez eux ; donc le roi exige la gratuité du musée pour ceux-ci. Précisons que le royaume et le roi en question existent bien, en pays Bamiléké à l’ouest du Cameroun. Précisons aussi, pour ceux qui n’auraient pas suivi ces débats qu’une telle demande (a-t-elle vraiment été faite ? nous sommes là sur la limite entre fiction et réel…) s’inscrit dans les démarches et programmes de restitution des œuvres d’art menés sous l’égide de l’Unesco (l’agence des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture). L’auteur s’amuse alors à imaginer les conséquences de cette demande, qui semble des plus légitimes, des plus logiques, même. Et voilà l’Europe, ou plutôt la CEE, interrogée dans ses fondamentaux, ses logiques et arguties libérales qui savent si bien – dans le discours et dans les actes – transformer les rapports de domination culturels institués en libertés économiques assumées et recherchées – par ceux à qui elles profitent surtout, bien entendu.